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Les réseaux sociaux de catastrophe : la nature et les caractéristiques de la sociabilité événementielle

cela 51 quai+ 100 sauv+er 72 arriv+er 100 voisin<

2) Les réseaux sociaux de catastrophe : la nature et les caractéristiques de la sociabilité événementielle

Les résultats de l’analyse précédente montrent que les comportements observés durant le moment de l’alerte sont fortement déterminés par la sociabilité proche, et notamment que la manière de comprendre l’alerte dépend de celui qui vous apprend la nouvelle de l’arrivée de l’eau. Nous allons donc dans cette analyse nous intéresser en particulier au réseau social proprement dit, toujours selon une chronologie de l’inondation constituée par trois temps principaux : le quotidien ordinaire et la

58%

50%

10%

42% 50%

90%

Famille Officiels Voisins

Se déplace pour aller se réfugier chez des proches Ne se déplace pas chez des proches

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possibilité de l’eau, l’arrivée de l’eau et le quotidien extraordinaire ; et enfin la remise en état et le quotidien d’après. L’objectif est ici d’observer l’évolution du réseau social de chaque individu durant l’inondation afin de déterminer dans quelle mesure ces réseaux de sociabilité sont-ils déjà existants ou bien crées à l’occasion de l’inondation et combien de temps perdurent-ils.

a) Contexte, questionnement et hypothèses spécifiques à l’inondation de décembre 2003 à Arles

Cette inondation se déroule dans un contexte où les autorités ont délibérément choisi de ne pas avertir la population de la rupture des digues comme exposé dans le paragraphe précédent. Cet élément joue un rôle dans la constitution du réseau social d’alerte, dans la mesure où les personnes averties l’ont été par des proches c’est-à-dire des membres de la famille, des amis ou des voisins. Si certaines l’ont été par des officiels, c’est qu’elles les ont rencontrées par hasard alors que s’établissait une surveillance préventive des quartiers par la gendarmerie et les pompiers. La sociabilité quotidienne préexistante a donc eu son importance surtout dans un espace périurbain composé d’une majorité de maisons individuelles occupées par beaucoup de retraités. Cette alerte officieuse ayant été donnée le matin de l’inondation, le statut professionnel, actif ou retraité, des personnes joue aussi un rôle dans la constitution de ce réseau, puisque l’individu était soit à son domicile soit au travail lorsqu’il a appris la nouvelle. Le réseau du temps extraordinaire est pour sa part en partie déterminé par les 10 jours qu’a duré la submersion des quartiers, entraînant une solidarité d’hébergement souvent changeante durant ce laps de temps mais principalement assurée par les proches. A ces éléments s’ajoutent la nature des maisons inondées, le plus souvent de plain-pied, et les dégâts matériels auxquels a dû faire face la population lors du retrait de l’eau et qui ont nécessité l’intervention d’acteurs extérieurs pour remettre en état le domicile.

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Ainsi dans ce contexte l’inondation est une scène sociale ou un espace public influençant les individus qui évoluent en leur sein. En d’autres termes nous posons l’hypothèse que l’inondation est un espace d’interactions et que les actions

entreprises aux trois moments clés de l’inondation sont conditionnées par l’appartenance temporaire ou plus durable à des réseaux de sociabilité particuliers. Les sous-hypothèses sont les suivantes :

- Les trois sous-réseaux composant le réseau social de l’inondation (réseau de

l’alerte, réseau de l’extraordinaire et réseau de la reconstruction) se distinguent

temporellement et par la nature et le nombre de leurs membres.

- Des liens sociaux sont activés pendant la catastrophe, ils ont tendance à

persister et à s’amplifier au moins durant un temps court c’est-à-dire entre le moment de l’alerte et celui de la reconstruction.

- Plus la sociabilité est développée, plus le potentiel d’action est élevé. Par exemple, une personne isolée agit « moins » qu’une personne socialement entourée au moment de l’annonce d’une possible inondation.

b) La méthode des graphes

Afin de déterminer le statut des hypothèses précédentes, les entretiens de 29 sinistrés arlésiens ont été codés et pour chacun d’entre eux, trois graphes91 c’est-à-dire un pour chacun des trois temps, ont été établis soit au total 87 réseaux sociaux personnels92. Cette méthode sociométrique (MORENO, 1954 [1934]) a été réalisée à

91 « Un graphe est un ensemble de points, dont certaines paires sont directement reliées par un lien. Ces liens

peuvent être orientés, c'est-à-dire qu'un lien entre deux points u et v relie soit u vers v, soit v vers u : dans ce cas, le graphe est dit orienté. Sinon, les liens sont symétriques, et le graphe est non-orienté. Dans la littérature récente de la théorie des graphes, les points sont appelés les sommets (en référence aux polyèdres) ou les nœuds (en références à la loi des nœuds). Les liens sont appelés arêtes dans les graphes non-orienté et arcs dans un graphe

orienté. » Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_graphes

92 Voir en annexes (Annexe 6) un exemple des calculs réalisés avec le logiciel R pour évaluer le réseau d’un

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partir du logiciel R© et son package Statnet©. Les indicateurs utilisés pour vérifier les hypothèses précédentes sont les suivants :

Indicateurs qualitatifs : la composition des réseaux en catégories d’acteur et

interaction majoritaires, c’est-à-dire entre ego ou sa famille et les autres catégories d’acteurs. Par exemple, les interactions entre ego-voisins et membres de la famille- voisins seront regroupées sous le type d’interactions nommé « Voisins ». Le présupposé est ici qu’ego se confond avec sa famille.

Indicateurs quantitatifs : le nombre d’acteurs et d’interactions, la densité des

réseaux et leur corrélation.

La densité du réseau est le rapport entre les interactions observées et les interactions possibles. Elle mesure l’efficience du réseau ou sa qualité en termes de production de lien social. Un réseau dense donc efficient crée ainsi le maximum de lien social avec un minimum d’acteurs et d’interactions. La densité n’est pas en soi une mesure parlante, mais elle le devient si plusieurs densités sont comparées et/ou si son taux de significativité est calculé. Par la suite, la significativité est fixée à 5%.

La corrélation entre deux réseaux mesure la différence entre les arcs, c’est-à-dire l’évolution ou la transformation des interactions entre les deux réseaux. Ainsi, une corrélation proche de 1 signifie qu’il existe peu d’évolution entre les interactions des deux réseaux alors que proche de 0 elle signifie qu’il y a eu une forte évolution.

c) La composition, le poids et l’efficience des réseaux de l’inondation

Les résultats des analyses présentés ci-dessous indiquent dans un premier temps la composition et l’évolution qualitatives des trois réseaux de l’inondation. Une approche plus quantitative de ces phénomènes est présentée dans le deuxième paragraphe. La composition des réseaux

L’analyse Alceste© réalisée dans le chapitre 3 a permis de déterminer quels sont les « personnages » les plus présents dans les récits de l’inondation. D’après les

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résultats ci-dessous, ce sont les membres de la Famille suivis par les Officiels et les Proches.

La Famille Les Officiels

Mari 275 Belle-mère 43 Pompier(s) 377 Enfant(s) 217 Beau-frère 26 Mairie 114

Fille 208 Sœur(s) 25 Secours 56

Fils 121 Gendre 24 Allemands 53

Famille 120 Époux(se) 22 Gendarme(s) 14 Parent(s) 100 Cousin(s)(e)(es) 21 Italiens 14

Femme 97 Beau-père 17 TOTAL : 642

Père 69 Belle-fille 7 Les Proches