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L’économie créative en projets sur les territoires

II. Le cluster : un mode d’organisation cohérent avec les caractéristiques des entreprises culturelles et créatives

2. Le réseau social

Un réseau social est un ensemble d’unités reliées entre elles par des liens qui sont créés lors d’interactions sociales. Les réseaux sociaux sont des formes d’organisations sociales telles que la famille, un couple, des amis…et sont analysés comme un ensemble de nœuds et de liens (Degenne, Forsé, 1994 ; Wassermann, Faust, 1994). Les nœuds sont des acteurs sociaux et les liens sont les relations entre les nœuds dont il s’agit d’étudier les dynamiques.

Le terme de réseau social a été proposé par John Barnes, anthropologue anglais, qui effectua une étude en 1954 sur les relations des habitants d’une île norvégienne53. Il fut le premier à parler de « social network » et à mentionner l’influence de l’appartenance des individus à un groupe social sur les comportements. Dans son étude, Barnes (1954) montre qu’un réseau social n’est pas clos et que la société est structurée par un ensemble de petits groupes organisés dont les relations s’enchevêtrent. Il propose, pour comprendre le fonctionnement des groupes humains, une méthode basée sur le calcul des intermédiaires entre les membres d’un réseau.

L’idée de la théorie des graphes est de modéliser les différents liens existants entre les acteurs : liens d’amitié, de parenté, d’affinité, marchands… Ces liens influencent le comportement et les prises de décisions des membres du réseau (White, 2011 ; Granovetter, 1985). Les échanges d’informations qui ont lieu lors des relations sociales peuvent alors être stratégiques pour les individus tant dans sur le plan personnel que professionnel.

La théorie des graphes rend visible l’ensemble d’un tissu de relations présent au sein d’un réseau. Elle fait partie des théories mathématiques et s’applique à de nombreuses situations autant dans les sciences de l’univers et du vivant (mathématique, physique, biologie…) qu’au sein des sciences sociales (sociologie, linguistique, géographie, économie…). La théorie des graphes a été utilisée pour analyser les réseaux sociaux car elle permet notamment « de présenter les réseaux sociaux comme des modèles de jeux d’acteurs et de relations » (Saglietto, 2006, p.202). La théorie des graphes s’appuie sur des définitions et des propriétés bien définies. Un graphe est composé de deux ensembles : des sommets, appelés aussi nœud, et des arêtes, appelés aussi lien entre deux sommets/noeuds. Dans un réseau social, le nœud représente un individu et l’arête le lien qui unit les nœuds. La modélisation en toile d’araignée

53L’article paru dans Human relations sous le titre: « Class and Committees in a Norwegian Island Parish » est

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est la visualisation la plus courante des réseaux sociaux : chaque nœud du réseau correspond à une entité (individus, entreprises…), chaque lien représente la relation entre ces nœuds. Cette représentation fait apparaître le contenu relationnel présent dans certains phénomènes économiques (recrutement, lien client-fournisseur, échange d’information…)

A l’échelle d’un grand réseau, on obtient des sociogrammes du type suivant :

La théorie des réseaux sociaux met au cœur de l’analyse les relations entre les acteurs. La place des individus dans les graphes est dépendante de ces relations et non des caractéristiques intrinsèques aux individus (homme/femme ; jeune/vieux…). Lorsqu’il y a des regroupements d’individus dans le réseau, on parle de dyade (regroupements de deux personnes), de tryade (regroupement de trois personnes), de sous-groupes (regroupement de plus de trois personnes).

La collecte des données relatives aux réseaux sociaux peut être envisagée de différentes façons (Wassermann et Faust, 2007) :

- par questionnaire qui permet diverses pistes de récolte de données telles que :

 le « Roster » : proposition d’une liste complète d’acteurs,

 le « Free recall » : la personne interrogée propose elle-même ses réponses,

 le « Fixed choice » : la personne interrogée doit donner un nombre fixé de réponses,  le « Free choice » : la personne donne le nombre de réponses qu’elle souhaite,  le « Ranking » : classement complet des réponses sur une échelle ;

- par interviews - par observation

- par enregistrements d’archives C

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L’étude des réseaux sociaux des individus peut amener à la découverte de communautés de pratiques (Wenger, 1998) qui sont extrêmement intéressantes du point de vue de leur capacité à créer des nouvelles idées et produits. Les communautés de pratiques sont des groupes informels qui se rassemblent autour d’une passion commune et qui ont pour objectif de produire de nouvelles connaissances par le partage et l’échange entre les membres. Ces communautés sont gérées par une auto-gouvernance (Assens, 2013) qui se traduit par l’absence de rapport de force entre les entités. Il n’y a pas de membre central et la gouvernance s’effectue à travers des conventions et des valeurs communes.

Deux règles principales régissent les communautés de pratiques :

- 1. un engagement mutuel, c'est-à-dire que chaque membre aide et est aidé par un autre membre de la communauté où la confiance et l’ouverture aux autres sont des caractéristiques primordiales pour bénéficier des connaissances et des complémentarités de chacun ;

- 2. un répertoire partagé : les membres de la communauté de pratiques sont là pour partager leurs expériences, leurs connaissances et se créer un vocabulaire commun.

Cohendet (2010) s’est particulièrement intéressé à ces communautés de pratiques qu’il définit comme « un groupe ayant une structure informelle où le comportement des membres se caractérise par l’engagement volontaire dans la construction et le partage des connaissances dans un domaine donné » (2010, p.2). Ces communautés, que Cohendet (2010) intègre dans ce qu’il nomme le middleground, détiennent un rôle important dans le processus de création. Pour cet auteur, une idée traverse trois milieux pour se concrétiser : l’underground, le middleground et l’upperground.

L’underground fait référence aux individus créatifs qui découvrent une idée mais qui doivent en parler à un premier cercle d’intéressés pour l’enrichir et la mettre en pratique. Ce cercle d’intéressé correspond au middleground qui permet au processus de création d’avancer. Le middleground relaye ensuite les idées de l’underground vers l’upperground. Cette mission de « passeur » lui confère un rôle important car les acteurs membres du middleground doivent acquérir les codes et les grammaires d’usage de chaque partie. L’upperground forme l’ensemble des réseaux formels qui assument le rôle de financement et permettent de propulser les idées dans l’univers marchand. Ces trois niveaux constituent une sorte de machine à créer où les idées créatives transitent, sont réinterprétées et enrichies par des formes sociales aussi variées que possible.

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