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UNE APPLICATION A UN CLUSTER DE JEU VIDEO

I. Présentation du terrain d’étude : l’industrie du jeu vidéo

2. La chaîne de valeur du jeu vidéo

L’étude de l’IGF/IGAC de décembre 2013 analyse la filière du jeu vidéo en France grâce aux données de l’AFJV (Agence Française du Jeu Vidéo) et de l’Insee auprès de 386 entreprises. Ces 386 entreprises emploieraient 8 507 salariés en 2011 (dont 2 960 dans la distribution, 1 789 dans l’édition et 1 600 dans les studios de développement) et généreraient un chiffre d’affaire de 4.8 milliards d’euros (cf. graphique 5).

Graphique 5 : Poids respectif de chaque segment en termes d'effectifs (en nombre de salariés), de chiffre d'affaires et de valeur ajoutée (en k€) en 2011

Source : Esane 2011 - Calculs réalisés par l'Insee sur la base d'une demande IGF

La filière du jeu vidéo est composée de cinq principaux maillons (cf. schéma 15, p. 141) : - Les fabricants de plates formes

- Les développeurs (ou les créateurs, les studios de développement qui assurent la création) - Les prestataires techniques et spécialisés

- Les éditeurs (qui assurent la production) - Les distributeurs

Schéma 15 : Les acteurs de la chaîne de valeur du jeu vidéo

2.1 Les fabricants de consoles

Les fabricants de console ont une place centrale dans la filière du jeu off-line. Ils constituent un oligopole avec trois acteurs majeurs : Sony, Microsoft et Nintendo. Tandis Nintendo est un pur acteur du jeu vidéo, Sony est un généraliste de l’électronique et Microsoft tient une place importante dans l’informatique. Ces trois acteurs se livrent une guerre commerciale farouche à chaque sortie de nouvelles consoles rythmant le marché des jeux vidéo.

Les fabricants de consoles assurent deux missions principales vis-à-vis des développeurs et des éditeurs : ils fournissent les kits de développement c'est-à-dire l’ensemble des outils pour créer les applications (hardware et sofware) et ils contrôlent la qualité des produits. Ce verrouillage technologique fait qu’aucun studio ou éditeur ne peut développer d’application sur une console sans payer des droits au préalable au fabricant de console. Cela impose des contraintes de qualité et de respect de délai pour que les fabricants de consoles puissent ensuite effectuer le pressage du nombre d’exemplaire avec l’impression des jaquettes et manuel des jeux. Les fabricants de consoles optent généralement pour une stratégie de vente des consoles à très bas prix afin d’inonder le marché et comptent sur la vente de leurs jeux et des droits que les éditeurs leur achètent et de la vente d’accessoires pour rentabiliser les frais liés au développement de la machine.

Les fabricants de consoles ont une part de responsabilité importante dans la démocratisation de la pratique de jeu vidéo. En multipliant les services proposés au joueur via la console, le consommateur trouve en un seul appareil une multitude de fonctionnalités (écouter de la musique, aller sur Internet et jouer en réseau, regarder des films, lire des DVD ou télécharger des démos et des films entiers). Les consoles offrent des services multimédia complets et

Fabricants de consoles

Développeurs Editeurs Distributeurs

Prestataires techniques et spécialisés

142 performants faisant de la console un support multimédia à part entier dans un foyer qui ne sert plus seulement à jouer mais dont les fonctionnalités peuvent être utilisées au quotidien. Cette caractéristique est également présente dans les consoles portables qui se transforment en appareil photo, en caméra, en lecteur MP3...On observe ainsi une tendance à la diversification des applications proposées par les plates formes.

2.2 Les développeurs

Les développeurs (ou créateurs ou studios de développement) assurent l’étape de conception du jeu vidéo. Ce sont majoritairement des TPE et PME qui collaborent en permanence avec des professionnels au profil spécialisé pour créer la narration, les scénarios de jeu, les graphismes des personnages et des univers, la programmation informatique, la musique, le test des jeux. La création d’un jeu rassemble à la fois des compétences créatives et des compétences techniques qui rendent le jeu unique.

Les studios de développement sont soit indépendants, soit intégrés à des éditeurs ou à des fabricants de consoles.

- Les studios liés à un fabricant de consoles conçoivent des jeux en exclusivité pour ce fabriquant et peuvent représenter une filiale ;

- Les studios de développement liés à un éditeur sont contraints aux exigences d’un cahier des charges précis en contrepartie du financement de la conception du jeu. Le développeur est rémunéré selon qu’il est prestataire au forfait ou qu’il est intéressé au succès du jeu.

Dans le cas d’une prestation au forfait, toutes les propriétés intellectuelles sont cédées à l’éditeur qui finance la création.

Dans le cas d’un intéressement au succès au jeu, « les droits sont partagés entre l’éditeur et le studio, ce dernier étant rémunéré sous forme d’avance sur royalties, puis de royalties lors de la vente du jeu. Cet intéressement est constitué d’une avance sur royalties, fixe, consentie par l’éditeur et qui ne dépend pas du succès du jeu, et qui n’est pas remboursable, même en cas d’échec commercial, ainsi qu’une rémunération variable liée aux ventes effectives » (IGF, IGAC, p.162). - Enfin, les studios peuvent être indépendants et autofinancer leurs créations. Ils

deviennent ainsi leur propre éditeur. Dans ce cas, ils conservent leurs propriétés intellectuelles. Ce modèle est en plein développement, essentiellement dans

l’univers des jeux sociaux et pour mobiles qui nécessitent des coûts de production limités. Ces studios qui éditent leurs propres jeux ont un modèle économique qualifié de « B2C » (Business to Consumer). Ils ont une relation plus directe avec le consommateur et ne sont plus dépendants des éditeurs. Depuis la dématérialisation des jeux, ce type de studio se développe, notamment dans les jeux casual en ligne et les jeux pour les téléphones portables et les ordiphones.

2.3 Les prestataires techniques

Il s’agit des sous-traitants responsables d’une brique, d’un morceau de jeu au niveau de la création graphique, sonore…ou d’éléments supports (moteur 3D…). La complexité des jeux fait des prestataires techniques et spécialisés des maillons de plus en plus importants dans la conception d’un jeu. Les producteurs de hardware et d’accessoires représentent l’activité la plus importante (230 milliards d’euros) (IGF, IGAC).

2.4 Les éditeurs

Le rôle de l’éditeur est d’assurer la phase de production et d’amener le jeu vidéo au public. Il assure la production physique des copies, le support du jeu, les notices, l’emballage et la stratégie marketing. Il définit les plateformes qui liront le jeu (ordinateur, téléphone, console de salon, console portable).

Les entreprises d’édition ont donc une fonction d’interface entre les développeurs et les distributeurs.

Vis-à-vis du développeur, la société d’édition a pour mission de fixer le cadre de travail du studio en imposant un cahier des charges. En contrepartie, le développeur est financé par l’éditeur et ne supporte pas le risque d’un échec. L’éditeur prend également à sa charge la promotion du jeu (contact presse, salon, communication auprès du futur joueur), sa fabrication et la distribution de gros.

Vis-à-vis de la distribution, les sociétés d’édition négocient les conditions dans lesquelles les jeux seront vendus. En général, cette négociation ne porte pas sur un seul jeu mais sur une gamme de produits.

144 Le secteur de l’édition est particulièrement concentré. Peu d’acteurs peuvent prendre les risques liés au financement et au marketing des jeux. « Selon le cabinet Zalis, sur les 5000 titres lancés mondialement chaque années sur consoles et PC, seuls environ 200 permettront un retour sur investissement et seuls une vingtaine de titre générera des revenus importants pour les éditeurs77 ». Face à ces risques, seuls un nombre limité d’acteurs assument ce risque (Electronic Arts, Sony, Microsoft, Ubisoft, Take 2, Activision).

Le développement des jeux en ligne tend vers une diminution du rôle des éditeurs. Les studios de développement s’autofinancent davantage grâce à des coûts de production beaucoup plus restreints pour les jeux mobiles et sociaux. Le développement du « cloud computing » qui stocke les informations nécessaires pour jouer sur les consoles ou ordinateur sans support physique, affaiblit également la place de l’éditeur. La relation de dépendance du studio de développement vis-à-vis de l’éditeur tend ainsi à diminuer.

2.5 Les distributeurs

Dans l’industrie du jeu traditionnelle, la distribution s’opère via deux types d’acteurs :

- les centrales d’achat qui approvisionnent les grandes surfaces (Carrefour, Leclerc…), les magasins multi-spécialistes (FNAC…), les chaînes de magasins spécialisés (Micromania…)

- les grossistes qui assurent l’approvisionnement sur les points de vente indépendants

Les grands éditeurs et certains studios de développement totalement indépendants peuvent également distribuer eux-mêmes leurs jeux sans passer par des sociétés de distribution externes.

Cette structuration de la distribution est fortement remise en cause depuis la dématérialisation des jeux qui modifie en profondeur les circuits de distribution des jeux. L’augmentation du nombre de téléchargement de jeu en ligne diminue le rôle des acteurs historiques de la distribution. De plus en plus de jeux sont distribués soit par les

77Étude du cabinet Zalis sur la sinistralité du jeu vidéo : www.zalis.fr/la-sinistralite-du-jeu-video.php, citée dans

Kancel S., Itty J., Weill M., Durieux B., L’apport de la culture à l’économie en France, Rapport pour l’Inspection Générale des Finances et l’inspection générale des Affaires Culturelles, décembre 2013.

fabricants de consoles via des plateformes de téléchargements (PSN, XBLA, Wiiware/DSiWare), soit par des éditeurs spécialisés (comme Zynga) ou par des acteurs qui proposent des formules d’abonnement donnant accès à de nombreux jeux à télécharger et à jouer en streaming (sans attendre la fin du téléchargement) (Metaboli par exemple).

Parallèlement à ces changements profonds dans la distribution, la dématérialisation des jeux vidéo modifie les rapports entre les acteurs de la filière.