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Des réponses partielles aux problèmes des connaissances en écoconception

CHAPITRE 2 : CONSTRUCTION DE CONNAISSANCES EN ECOCONCEPTION,

A. Un besoin de connaissance en écoconception notamment locale

2. Des réponses partielles aux problèmes des connaissances en écoconception

Nous présentons des initiatives qui visent à combler ce besoin de connaissances en écoconception. Le premier constat est l’étendue des appellations existantes : site, outil, système, Knowledge Management System (KMS), plateforme, logiciel, etc. Nous n’allons pas étudier ces différences en profondeur. En effet, nous avons fait le choix d’adopter le point de vue d’un

utilisateur qui cherche une solution sans porter attention à la nature de cette dernière. Le second

constat est qu’il existe de nombreuses initiatives. Ainsi, nous en présentons un large panel qui ne se veut pas exhaustif mais que nous estimons assez représentatif. Afin de pouvoir décrire ces

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initiatives, nous nous inspirons des éléments49 de la grille MYSMAC développée pour « suivre

et analyser des systèmes de gestion des connaissances » [Longueville and Dudézert 2003].

Bustillo et al. ont conçu une plateforme de partage d’information pour améliorer l’éco-efficience des machines-outils [Bustillo, Nègre, and Lazcanotegui 2013]. Il s’agit de connecter des capteurs (consommation énergétique etc…) à des modules de calcul ou de visualisation. Kuo souhaite apporter une aide pour les concepteurs dans la thématique recyclage des déchets électriques et électroniques (DEEE) [Kuo 2010]. Il a construit une plateforme qui permet de collecter puis de regrouper des informations sur le produit (nomenclature, matériaux, procédés de recyclage…) depuis diverses sources (fournisseurs recycleurs, concepteur…). Elle doit permettre de faire des retours au concepteur, par exemple, en calculant un taux de recyclage. Ces deux initiatives se focalisent essentiellement sur la gestion d’information. Et même si ce type de réponse semble éloigné de notre sujet d’étude, il nous parait utile de l’évoquer tant il est fréquent de les trouver dans la bibliographie. L’approche de Germani et al. vise à aider les concepteurs à appliquer les guidelines d’écoconception [Germani et al. 2013]. Elle s’appuie sur un Case-Based Reasoning qui permet de capitaliser les « knowledge relative to the past

designers experience ». Étant donné que ces « cas » ont été explicités, il s’agit d’informations

proches de l’action. Kozemjakin et al. étudient comment le Design Rationale peut apporter un soutien aux écoconcepteurs [Kozemjakin, Carrillo, and Remy 2013]. Il s’agit d’utiliser une « représentation de la connaissance », c’est-à-dire le cheminement entre les options, arguments et décisions de conception. Ce type d’approche manipule aussi des informations sous forme d’arborescence graphique.

Autre exemple, le projet,européen Sustainbaility Maker50 qui avait pour objectif « d’utiliser les

opportunités des nouveaux médias et des stratégies « bottom-up » dans la résolution de problèmes liés à l’environnement ». Il a débouché sur la conception d’une plateforme intitulée Innonatives [Innonatives 2014]. Celle-ci prend la forme d’un site internet collaboratif proche

de l’action. Un utilisateur dépose un challenge c’est-à-dire un problème51 qu’il souhaite voir résoudre par la foule car il n’y arrive pas seul. Ici, c’est un manque de compétence qui pousse l’utilisateur à utiliser la plateforme pour que les compétences d’autres lui viennent en aide. De façon plus éloignée des activités opérationnelles de conception, il existe une série d’initiatives traitant du besoin de connaissance en écoconception. Le regroupement Orée propose une plateforme internet d’écoconception [Orée n.d.]. Elle regroupe un ensemble d’informations pour découvrir l’écoconception. Le fait que ces informations semblent être construites spécialement, nous indique qu’il s’agit d’objets de connaissance reconnus à minima par un groupe52, en l’occurrence Oréé. Ces contenus sont consultables sur le site internet sans interaction possible. La plateforme P2i rassemble des informations techniques ou légales et il est possible de s’abonner afin d’être informé de certaines thématiques [Goepp, Rose, and Caillaud 2014].

49 Elle permet une description selon 5 points de vue : les objectifs du système, les objets qu’ils manipulent, les fonctions qu’il réalise, les acteurs qui l’utilisent et les solutions techniques qui le supportent.

50 LIFE11 ENV/DE/000342 [UE 2012]

51 « Construire un émetteur radio énergétiquement autonome » est un exemple de challenge.

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Le site internet collaboratif Seeds4green, a quant à lui été conçu pour rassembler des documents liés à l'environnement [Teulon and Canaguier 2012]. Ces documents, principalement des résultats d’ACV, sont déposés par les utilisateurs et peuvent être retrouvés par une recherche à partir de mots-clefs ou de catégories. Une autre particularité de Seeds4green est de permettre aux utilisateurs de commenter les documents. Raherimandimby et al. ont développé un site intranet, pour le service R&D d’EDF, afin de « décrire et classifier des concepts

environnementaux » [Raherimandimby et al. 2009]. Ce site permet aux utilisateurs de naviguer,

par l’intermédiaire d’une interface graphique, et de découvrir ces notions et leurs structurations respectives. Les contenus étant validés par un professeur des universités, nous en déduisons qu’il s’agit d’objets de connaissance plutôt institutionnels.

Nous souhaitons identifier si ces initiatives couvrent l’intégralité des besoins de connaissance en écoconception. Pour ce faire, nous avons choisi une grille d’analyse selon trois dimensions liées à la collaboration, aux éléments manipulés et à la distance à l’activité (voir Figure 13). Nous avons vu que l’écoconception était collaborative par nature, ce constat était-il aussi présent dans les initiatives présentées ? Ainsi, la première dimension de description est le niveau de collaboration possible lors de leurs utilisations. Nous l’estimons faible si les actions possibles par un utilisateur sont « unidirectionnelles » c’est-à-dire qu’il peut uniquement consulter des informations. La collaboration sera modérée si les actions sont « bidirectionnelles », l’utilisateur pourra alors consulter mais aussi déposer des informations. Enfin la collaboration des utilisateurs sera forte si cela est essentiel au fonctionnement du système. Nous avons également construit un cadre théorique pour préciser le champ des connaissances. C’est pourquoi la seconde dimension est l’élément du domaine concerné pour le système étudié. Lors de la construction du champ des connaissances, il est apparu que la distance à l’activité était un paramètre pertinent pour décrire les connaissances, il constituera la troisième dimension de notre échelle de description.

Figure 13. Grille d’analyse selon 3 dimensions

La comparaison des initiatives évoquées dans cette partie selon ces trois dimensions est présentée dans la Figure 14. Nous constatons qu’une très grande partie des initiatives existantes offre peu ou pas de collaboration entre les utilisateurs : les contenus sont « statiques ». Compte tenu des définitions que nous avons adoptées, elles ne sont pas dédiées à la manipulation des connaissances mais elles se limitent aux informations et aux objets de connaissance. Nous pouvons imaginer qu’un utilisateur peut créer un lien avec ces objets pour engendrer des connaissances. Cependant, la distance à l’activité des objets manipulés est limitée à deux niveaux :

- Soit générique, les contenus ne dépendent pas du contexte (de l’entreprise, secteur d’activité etc…) mais ont une portée plus universelle

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- Soit action, les objets utilisés n’ont un sens et une portée que vis-à-vis de l’activité. Ils n’existent donc pas au niveau local, c’est-à-dire avec une portée locale et contextuelle. Ce niveau étant un intermédiaire entre des objets valides « tout le temps » ou « une fois ».

Figure 14. Comparaison des initiatives relatives aux connaissances en écoconception selon 3 dimensions

Pourtant nous allons voir que le besoin de connaissance en écoconception est lié à un niveau local et nécessite de disposer de contenus dynamiques.