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Analyse du besoin de construction de connaissances par une mise en interaction d’acteurs

CHAPITRE 5 : LA CONSTRUCTION DE CONNAISSANCES LOCALES PAR LA

A. Analyse du besoin de construction de connaissances par une mise en interaction d’acteurs

2. Cibler les connaissances à construire... 100 3. Besoin d’une approche générique ... 102 B. Proposition de l’approche K2afé pour la construction de connaissances cibles ... 103 1. Objectif et principe de l’approche K2afé ... 103 2. Des étapes à suivre et des rôles à endosser ... 103 3. Composition d’une situation d’interaction ... 105 C. Déclinaison de l’approche K2afé face au problème d’implication des acteurs en ACV ... 106 1. Présentation de la déclinaison ... 106 2. Format de document support pour traiter le problème d’implication des acteurs en ACV ... 107

II. Une situation pilote pour évaluer l’efficience de l’approche K2afé ... 108

A. Description de la situation pilote ... 108 1. Principe de la situation pilote ... 108 2. Présentation de la situation pilote ... 110 3. Evaluation de la situation pilote ... 111 B. Résultats de la situation pilote ... 112 1. Traitement des données ... 112 2. Critères C1, C2 et C3 ... 113 3. Critères C4 et C5 ... 114 4. Critère C6 ... 115 C. Analyse de la situation pilote ... 117 1. Quelques limites ... 117 2. Analyse du déroulement de la situation pilote ... 117 3. Une construction de connaissances rendue possible par l’approche K2afé ... 118

III. Conclusions ... 119

A. Une approche efficiente ... 119 B. Des perspectives possibles à l’approche K2afé ... 119

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I. Construire des connaissances par la mise en interaction des acteurs :

l’approche K

2

afé

A. Analyse du besoin de construction de connaissances par une mise en interaction d’acteurs

1. Les interactions sociales pour construire des connaissances

Dans le chapitre précédent85, nous avons proposé une méthode de diagnostic qui permet de mettre en évidence les défaillances, rencontrées par les acteurs, des démarches d’écoconception. Cette méthode a été mise à l’épreuve au travers du cas industriel d’Aubrilam, et a permis d’identifier des défaillances liées à un manque de connaissances locales. Ce besoin de connaissances contextualisées avait également été identifié lors du chapitre 2 consacré à l’étude bibliographique, où nous avons montré que les connaissances locales jouent un rôle important au sein des démarches d’écoconception. Ainsi, la construction de connaissances locales se révèle être un levier intéressant pour l’amélioration des démarches d’écoconception.

Le chapitre 2 a également permis de constater que peu d’initiatives existaient pour permettre la construction de ce type de connaissances. Trop souvent, les démarches usuelles reposent sur le postulat d’une connaissance déjà existante. C’est pourquoi nous avons étudié de façon plus générale les mécanismes de transformation des connaissances. Ceci nous a conduits à une incursion dans des champs disciplinaires tels que celui des sciences de l’éducation. Nous avons ainsi retenu que l’organisation des interactions sociales dans une situation particulière, et selon un questionnement donné, peut permettre d’atteindre cet objectif de construction de connaissances (chapitre 2).

Disposer d’une approche visant la construction des connaissances locales est une nécessité justifiée à la fois par le contexte industriel et académique. Néanmoins nous nous heurtons à deux interrogations majeures :

- Comment entrainer la construction d’une connaissance donnée et surtout comment la vérifier alors que, par définition, il s’agit d’un concept immatériel ?

- Comment proposer une approche générique, c’est-à-dire adaptable à n’importe quel cas, sachant que les connaissances locales sont fortement liées au contexte particulier ? Nous traiterons de ces interrogations dans les parties I.A.2 et I.A.3.

2. Cibler les connaissances à construire

Si nous ne devions retenir qu’un point relatif aux connaissances ce serait qu’elles sont, par définition, individuelles et immatérielles (chapitre 2). Nous reprenons la thèse de Wilson qui considère les connaissances comme des processus mentaux propres à chacun [Wilson 2002]. La difficulté étant de réussir à construire des connaissances, sans être capable de vérifier si cette construction a été effective. Nous nous tournons vers Bachelard qui mettait en avant la notion « d’obstacle », et le questionnement86 qui en découle, comme inhérents à « la connaissance

scientifique » [Bachelard 1938]. Lorsqu’un individu se retrouve face à un obstacle, c’est-à-dire

85 Voir chapitre 4

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un élément qui le pousse à quitter sa routine de raisonnement, il se questionne sur le moyen de le dépasser. La réponse qu’il apporte à cet obstacle est la construction d’une connaissance (Figure 33). Notons que cette construction est par définition collective.

Figure 33. Illustration de la construction d'une connaissance suite à un questionnement

Ainsi, le choix de cet obstacle, ou de ce questionnement, va permettre d’orienter la construction de connaissances. Nous allons introduire le concept de connaissance cible pour différencier ce

que l’on souhaite construire de ce que l’on a réellement construit (Figure 34). En utilisant une

image, nous pouvons considérer que construire des connaissances revient à ériger un bâtiment, certes immatériel, mais selon un plan donné qui est la connaissance cible.

Figure 34. Principe des connaissances cibles

Les connaissances sont immatérielles, mais néanmoins caractérisables (chapitre 2). La taxonomie SOLO (Tableau 2) permet en effet de différencier les connaissances selon cinq niveaux de complexité [Biggs and Collis 1982]. Nous pouvons illustrer cette taxonomie en utilisant deux types de connaissances impliquées en Analyse de Cycle de Vie (ACV) :

- Les connaissances liées aux indicateurs environnementaux. Elles interviennent en ACV et, par ailleurs, posent des problèmes à ses praticiens. Nous constatons que la connaissance à laquelle se rapporte un indicateur va être d’un niveau maximum de 3 selon la taxonomie SOLO. En effet, les compétences associées seraient d’être capables de connaitre, nommer voir de décrire cet indicateur. Analyser ou créer un indicateur ne relève pas exactement du point de vue d’un praticien de l’ACV au sein d’une démarche d’écoconception en entreprise.

- Les difficultés d’implication des acteurs participant à une ACV sont le reflet d’un manque de connaissances liées à ses principes. Les acteurs n’ont pas conscience que leurs activités peuvent avoir une influence sur l’impact environnemental final d’un produit. Ils doivent être capables de lier différents concepts entre eux : les indicateurs, les phases de vie, les éléments du produit, etc. Ces connaissances sont donc d’un niveau 4 selon la taxonomie SOLO.

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Niveau 1-Pré-structurel

L’objet de connaissance est composé d’éléments inorganisés et peu structurés. Compétence associée : Connaitre

Niveau 2-Uni-structurel

Les éléments sont reliés par des liens simples. Compétences associées :

Identifier, Nommer, Suivre

Niveau 3-Multi-structurel

Les liens sont plus nombreux mais restent indépendants. Ce niveau peut être résumé par cette maxime : « voir les arbres mais pas la forêt ». Compétences associées : Combiner, décrire, lister

Niveau 4-Relationnel

Les éléments et leurs liens forment un ensemble, une structure. Compétences associées : Analyser, Appliquer, Comparer, Justifier

Niveau 5-Abstrait étendu

La structure est généralisable à de nouveaux domaines. Compétences associées : Créer, Théoriser, Généraliser

Tableau 21. Rappel de la taxonomie SOLO adaptée de [Biggs and Collis 1982]

Cette clarification de la notion de connaissance et de sa construction nous conduit à formuler deux conclusions. La première est qu’il n’est peut-être pas nécessaire d’employer des moyens conséquents pour traiter des connaissances de niveaux faibles. En effet, la construction des connaissances relatives à la description d’un indicateur environnemental peut être traitée par la lecture d’un ouvrage. La mise en place d’un dispositif spécifique d’organisation d’interactions sociales est donc sûrement un moyen surdimensionné.

La seconde conclusion est que les connaissances de complexité élevée dépendent de l’organisation de concepts selon des liens. Le questionnement des liens existants entre ces concepts donne une idée de l’obstacle à créer pour construire ces connaissances.

3. Besoin d’une approche générique

Nous avons identifié des initiatives existantes permettant de construire des connaissances en agissant sur les interactions sociales. Parmi elles, nous retenons un cas de partage de savoir-technique [Stenzel and Pourroy 2007]. Cette étude traite de la conception d’une chaîne de transmission automobile. Les auteurs font partager les connaissances de différents acteurs à propos de ce produit complexe. Ils les font discuter et partager leurs opinions sur le comportement de la transmission. Pour cela, il a été demandé aux personnes interrogées de caractériser l’influence d’éléments du produit (chaine, pignon, tendeur…) sur ses spécifications techniques (durée de vie, consommation d’huile, bruit en fonctionnement…). Un document support prenant la forme d’un tableau a été utilisé pour cette étape. Celui-ci permet de « capter » les points de vue de chacun. Ensuite, la comparaison des différentes réponses sert à alimenter les discussions lors d’une réunion ultérieure. Pendant cette réunion, ils comparent et argumentent leurs opinions respectives. Ces échanges au sein du groupe permettent de construire des connaissances chez les participants à propos de la chaine de transmission automobile. Ce cas pratique de partage de savoir illustre bien les éléments de la situation à mettre en avant pour construire des connaissances, à savoir :

- Une organisation d’interactions sociales entre différents participants ;

- Un cas particulier, un « Ba » selon la terminologie de Nonaka et al. [Nonaka et al. 2000], qui prend la forme d’une réunion dédiée à cet exercice ;

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Cet exemple montre que la réunion de différents participants pour échanger à propos de questionnements imposés peut être réalisée de façon concrète. Néanmoins, nous pouvons remarquer qu’il s’agit d’un cas unique c’est-à-dire réalisé ponctuellement et donc difficile à généraliser. Notre besoin initial était de disposer d’une approche pour construire des connaissances locales. Or ces connaissances sont, par définition, fortement liées à un contexte particulier. Nous avons donc besoin d’une approche générique qui puisse se décliner selon les connaissances à construire et s’adapter à chaque cas.