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SECTION 1. INTRODUCTION

1.2 Interactions entre la tumeur et le système immunitaire

1.2.3 Réponses immunitaires contre des antigènes dérivés des tumeurs

L’élimination des cellules tumorales peut se produire suite à leur reconnaissance et à une réponse spécifique orchestrée par les deux acteurs responsables de la réponse immunitaire adaptative, les lymphocytes T et les lymphocytes B. Cette réponse spécifique est dirigée contre des protéines retrouvées chez les cellules tumorales, nommées antigènes tumoraux (AT). Quatre grandes catégories permettant de classifier ces AT ont été établies, soit les antigènes des cellules germinales (cancer-testis antigens), les antigènes de

différenciation, les antigènes surexprimés et les antigènes spécifiques aux tumeurs uniques ou partagés par différents types de cancers (revu dans (35)). Il existe dans la littérature plusieurs évidences qu’une réponse naturelle contre des antigènes dérivés des cellules tumorales puisse survenir chez des patients atteints de cancer.

D’une part, les lymphocytes T qui sont responsables de la réponse immunitaire à médiation cellulaire peuvent reconnaître spécifiquement des AT. Via leur récepteur de cellule T (TCR) spécifique, les lymphocytes sont en mesure de reconnaître et de se lier à un complexe composé d’une molécule du CMH chargée d’un fragment peptidique de l’antigène nommé peptide. Les peptides dérivés d’AT peuvent être présentés aux lymphocytes T CD8+ directement par les cellules tumorales via les molécules de classe I du CMH à leur surface (Figure 3A). Les AT peuvent aussi être internalisés, apprêtés et présentés à des lymphocytes T CD4+ par des APC grâce au CMH de classe II (Figure 3B). Cette interaction entre des composantes des cellules tumorales et les lymphocytes T initie une réponse cytotoxique par les CD8+ devant mener à la mort des cellules tumorales. L’efficacité de cette réponse est accrue par les lymphocytes T CD4+ activés, qui, par la

production de cytokines, stimulent la prolifération et la différenciation des lymphocytes T CD8+. De plus, la régulation positive du CD40 ligand (CD40L) à la surface des CD4+

activés contribue à l’activation des APC qui stimuleront la réponse.

Alternativement, des antigènes exogènes peuvent être apprêtés et présentés par des molécules de classe I du CMH à des lymphocytes T CD8+ par un processus de présentation croisée. Bien que ce phénomène ait été source de controverse, il est maintenant reconnu pour l’important rôle qu’il joue dans la réponse immunitaire contre les tumeurs (36,37). La présentation croisée d’AT par des APC aux CD8+ permet que la reconnaissance d’un peptide antigénique lié au CMH de classe I soit accompagnée des signaux de co-stimulation requis pour l’activation des CD8+ naïfs.

Un grand nombre d’épitopes dérivées d’AT et pouvant être reconnus par des lymphocytes T ont déjà été identifiés, et ce pour plusieurs types de cancers. Un inventaire détaillé de ces AT fait d’ailleurs l’objet d’une revue de littérature (35). Une fréquence élevée de lymphocytes T spécifiques à différents AT peut d’ailleurs être retrouvée dans le sang circulant des patients, et ce même avant toute intervention visant à manipuler l’immunité de ces patients (38).

En plus d’apporter une aide aux lymphocytes T CD8+ cytotoxiques, les lymphocytes T CD4+ peuvent aussi entrer en discussion avec les lymphocytes B et ainsi favoriser la branche humorale de la réponse immunitaire menant à la production d’anticorps. Lorsqu’un lymphocyte B reconnaît spécifiquement un antigène par l’entremise de son récepteur de cellule B, celui-ci est internalisé, dégradé sous forme de peptides qui peuvent à leur tour être présentés à la surface cellulaire par les CMH de classe II. La liaison de ce complexe au TCR d’un lymphocyte T CD4+ spécifique résulte en l’échange de signaux entre ces deux types cellulaires. Les lymphocytes T répondent à ce stimulus par l’induction de l’expression de CD40L à leur surface, qui se lie au CD40 des lymphocytes B et déclenche l’expression de la molécule B7 chez ces derniers. Ainsi, la liaison entre B7 et CD28 respectivement à la surface des lymphocytes B et T fourni le signal de co-stimulation nécessaire à l’activation des lymphocytes T et à la production de cytokines, qui viennent à leur tour stimuler la prolifération des lymphocytes B et la différenciation en cellules productrices d’anticorps, les plasmocytes.

De nombreuses études ont démontré qu’une telle réponse humorale peut être produite contre des AT. Ces anticorps peuvent être spécifiques à des néo-antigènes retrouvés seulement dans les tumeurs, mais la plupart sont dirigés contre des protéines du soi qui sont exprimés de façon aberrante dans les cancers. Des anticorps spécifiques à p53, un gène suppresseur de tumeur p53 muté dans environ 50% de tous les cancers humains et qui joue un rôle central dans la carcinogénèse, ont été détectés dans le sérum de patients atteints de différents types de cancer dont ceux du côlon, du sein et du poumon (39). Des

auto-anticorps dirigés contre des protéines surexprimées dans un pourcentage élevé de cas de cancer comme HER-2 sont aussi fréquemment retrouvés dans le sérum des patients (40). En plus des exemples ci-haut mentionnés, il existe un nombre impressionnant d’AT pour lesquels des auto-anticorps ont été identifiés. Grâce aux avancées technologiques des dernières années, plus de 2300 auto-antigènes sont documentés à ce jour (revu dans (41)).

La présence de ces anticorps démontre qu’une réponse immunitaire humorale peut survenir contre des AT, mais il n’est pas clair si cette réponse confère une protection aux patients. En effet, certaines études ont associé la présence de tels anticorps avec des paramètres cliniques et un pronostic défavorables (42,43) alors que d’autres concluent plutôt à une augmentation de la survie des patients (44,45).

Ainsi, le système immunitaire a la capacité de mettre en place une réponse naturelle contre les cellules cancéreuses. Cependant, les régressions tumorales spontanées sont rares (revu dans (46-48)), ce qui permet de faire le constat que l’immunité anti-tumorale nécessite une stimulation supplémentaire afin d’être plus efficace.

Antigène endogène peptides TAP Cellule tumorale Lymphocyte T CD8+ Lymphocyte T CD4+ Antigène exogène CD8 CD4 Cellule présentatrice d’antigène CMH classe I RE CMH classe I peptide TCR

A

B

CMH classe II peptide TCR peptides RE CMH classe II

Figure 3 Présentation antigénique classique par les cellules tumorales et présentatrices d’antigènes. (Figure inspirée de (49))

Légende: (A) Dans la voie de présentation par le CMH de classe I, les peptides sont produits à partir de protéines endogènes dans le cytosol, puis sont transportées vers le réticulum endoplasmique (RE) où ils se lient aux molécules du CMH. Les complexes peptides-CMH sont transportés à la surface cellulaire et peuvent être reconnus par des lymphocytes T CD8+. (B) Dans la voie de présentation par le CMH de classe II, les

protéines sont internalisées par des vésicules puis dégradées en peptides pour ensuite se lier au CMH dirigé vers la même vésicule. Les complexes CMH II- peptide migrent à la surface cellulaire pour être reconnus par les lymphocytes T CD4+.