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SECTION 1. INTRODUCTION

1.6 Indoleamine 2,3-dioxygénase

1.6.5 Expression de l’IDO dans le cancer et pronostic

Bien qu’il soit connu que le niveau sérique de tryptophane est significativement diminué chez les patients atteints de cancer (220), ce n’est qu’en 2003 qu’on a mis en évidence que des cellules exprimant l’IDO sont retrouvées dans la majorité des cas de cancer, après qu’une importante étude ait révélé l’expression de l’IDO dans des échantillons cliniques provenant de 25 types de cancers différents (183). Depuis, plusieurs études ont tenté d’établir une corrélation entre l’expression de l’IDO dans le tissu tumoral ou dans les ganglions lymphatiques drainant les tumeurs et différentes variables clinico- pathologiques des patients. Les observations découlant de ces études sont résumées dans le tableau 1.

Selon les études, une expression cytoplamique élevée de l’IDO dans les cellules tumorales et parfois une expression par des cellules immunitaires infiltrant la tumeur ou le stroma est observée (211,221). De façon globale, la plupart des études présentées dans le tableau 1 concluent à une contribution de l’IDO à un pronostic moins favorable pour les patients dont la tumeur l’exprime fortement.

Légende: IHC, immunohistochimie; LN, ganglion lymphatique; ICC, immunocytochimie

Tableau 1. Paramètres cliniques corrélant avec une forte expression de l’IDO dans des cancers de différents types histologiques.

Type de cancer Méthode d’analyse IDO corrèle avec Référence IHC ↑ Métastases au foie

↓ CD3 infiltrant (222) Colorectal

Tryptophane sérique ↑ Métastases au foie (220) Col de l’utérus IHC Caractère invasif des tumeurs (202)

IHC et Western blot

Stade avancé métastases aux LN

↓ survie globale et sans progression

(223) Endométrial

IHC ↓ CD3, CD8, CD57 infiltrant

↓ survie sans progression (224) RT-PCR et IHC ↑ Survie sans progression

↑ IFN-γ; TNF-α; IL-1β (211) Hépatocellulaire

IHC Présence de métastases

↓ Survie globale (225) Leucémie RT-PCR et ICC ↑ fréquence des CD4+CD25+Foxp3+ (203)

Mammaire IHC LN métastatiques lorsque

FoxP3 est co-exprimé (226)

Mélanome IHC ↓ Survie à long terme (190)

IHC

Stade avancé ↓ CD8 infiltrant

↓ survie globale et sans progression

(185) Ovarien

Microarray et IHC Résistance au paclitaxel

↓ survie globale (227) Pancréatique IHC Treg dans LN métastatique (228)

Pulmonaire IHC ↓ Survie (221)

Rénal RT-PCR quantitatif Western blot IHC

↓ De la prolifération des cellules

L’IDO provoque une diminution de certaines populations de cellules immunitaires dans certaines tumeurs

Les différentes populations de cellules immunitaires infiltrant les tumeurs ou les ganglions lymphatiques drainant les tumeurs peuvent être affectées par la présence de l’IDO. Dans le cancer colorectal, une forte expression de l’IDO a été associée avec une diminution du nombre de TIL CD3+ (222). De façon similaire, les lymphocytes T CD8+ sont retrouvés en plus faible nombre dans les cancers ovariens chez lesquels on décèle une forte expression de l’IDO (185). De plus, une réduction de l’infiltrat de lymphocytes T CD3+, CD8+ et de cellules NK CD57+ est liée à l’expression élevée de l’IDO dans le cancer endométrial (224). Vu l’importance de cet infiltrat immunitaire pour la réponse anti- tumorale, tel que décrit précédemment, de telles diminutions de certaines populations cellulaires suggèrent que l’expression de l’IDO par les tumeurs humaines favorise leur évasion du système immunitaire.

Étonnamment, l’expression de l’IDO par les tumeurs et l’ampleur de l’infiltrat de lymphocytes T CD4+ n’ont jamais été directement évalués, malgré les effets nuisibles bien

connus de l’IDO sur cette population cellulaire et en particulier le sous-type Th1. Une seule étude a rapporté une diminution significative des CD8+, mais aucune différence

significative sur les lymphocytes T CD3+ totaux, ce qui laisse supposer que le nombre de

lymphocytes T CD4+ infiltrant soit inchangé ou augmenté. Considérant l’absence d’un marqueur spécifique aux CD4+ dans cette étude, rien ne permet de conclure à un effet sur leur abondance. Il pourrait même être postulé que ces observations soient causées par une augmentation du nombre de Treg CD4+CD25+Foxp3+, qui sont connus pour être favorisés par un environnement riche en IDO.

L’IDO entraîne une présence accrue de Treg

Une augmentation de la fréquence des Treg CD4+CD25+Foxp3+ a été observée chez des patients atteins de leucémie myéloïde aigüe chez qui on retrouve une expression de l’IDO par les cellules cancéreuses (203). Par ailleurs, chez des patients atteints d’un adénocarcinome pancréatique, un nombre accru de Treg infiltrant les ganglions métastatiques a été observé en comparaison aux ganglions lymphatiques non métastatiques (228). De plus, ces mêmes ganglions métastatiques exprimaient tous l’IDO à différentes intensités. Il a ainsi été proposé que l’expression de l’IDO par les ganglions métastatiques des patients atteints d’un adénocarcinome canalaire pancréatique entraîne un recrutement des Treg. Cependant, il n’est pas clair si l’expression de l’IDO permet effectivement le recrutement de telles cellules ou plutôt la conversion de lymphocytes T CD4+ naïfs en Treg. À l’inverse, rien n’indique si la présence de ces cellules régulatrices soit en fait à l’origine de l’expression de l’IDO dans les ganglions métastatiques. Enfin, dans le cancer du sein, une expression simultanée de l’IDO et de Foxp3 dans les ganglions lymphatiques sentinelles a été mesurée chez plusieurs patients et a été corrélée avec la présence de métastases dans ces ganglions (226).

Agressivité des tumeurs

Différents facteurs reliés à l’agressivité des tumeurs ont été positivement corrélés avec une forte expression de l’IDO dans les tumeurs. D’une part, une fréquence significativement plus élevée de métastases au foie survient chez les patients atteints d’un carcinome colorectal lorsqu’une expression élevée de l’IDO est retrouvée dans la tumeur (222). La présence de métastases à distance corrèle aussi avec une forte expression de l’IDO dans le cancer hépatocellulaire (225). Des métastases aux ganglions lymphatiques drainant les tumeurs sont aussi retrouvées préférentiellement lorsque l’IDO est fortement présent dans les tumeurs des patientes atteintes d’un cancer endométrial (223). Pour cette même pathologie ainsi que pour le carcinome ovarien, un haut niveau d’expression de l’IDO a été détecté dans les tumeurs à stade avancé de la maladie (185,223). Enfin, une

expression de l’IDO est retrouvée dans la totalité des cancers micro-invasifs et invasifs du col de l’utérus, alors que l’enzyme est présente dans une proportion beaucoup plus faible de cancers non invasifs (202).

Influence sur la survie des patients

Dans la majorité des études menées sur l’expression de l’IDO dans le cancer chez l’humain, il a été déterminé que les patients présentant une forte expression de l’IDO ont une survie globale ou sans progression significativement diminuée (185,223-225,227).

Cependant, deux études font exception. D’une part, une amélioration de la survie sans récurrence a été associée avec l’expression de l’ARNm de l’IDO dans l’une des études réalisée avec des échantillons de carcinomes hépatocellulaires (211). D’autre part, les courbes de Kaplan-Meier résultant de la seule étude conduite sur des échantillons de carcinomes rénaux n’ont pas permis de démontrer de façon significative une différence dans la survie des patients dont la tumeur exprimait faiblement ou fortement l’IDO. Un fait par ailleurs intéressant à noter est que cette étude est la première et l’unique à avoir rapporté une expression de l’IDO presque exclusive aux microvaisseaux nouvellement formés dans la tumeur. Cette expression de l’IDO a d’ailleurs été inversement corrélée avec la densité de cellules tumorales positives pour le marqueur de prolifération Ki-67, laissant supposer une diminution de la prolifération des cellules tumorales en présence de cellules endothéliales vasculaires exprimant l’IDO (229). Les résultats de cette étude laissent croire que l’IDO pourrait agir au détriment de la tumeur lorsqu’une réponse anti-tumorale inefficace s’installe.

Les associations entre l’expression de l’IDO par les tumeurs ou les métastases et les différents paramètres cliniques suggèrent fortement que l’IDO pourrait contribuer à la progression tumorale. De plus, l’expression de l’IDO ayant été identifiée comme étant un facteur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancers, cette molécule pourrait

éventuellement servir de marqueur permettant de classifier les patients selon leur susceptibilité à rechuter et leur pronostic moins favorable. De plus, il pourrait permettre d’identifier les patients les plus susceptibles de bénéficier de traitements adjuvants en plus d’en prévenir l’usage superflu chez les patients qui n’en nécessiteraient pas.