• Aucun résultat trouvé

6. Expérience

6.2 Evaluation quantitative

6.2.2 Les évaluations humaines

6.2.2.2 Seconde évaluation

6.2.2.2.6 Réponses au questionnaire soumis aux juges

Notre questionnaire servait à cerner l’opinion de nos évaluateurs concernant la traduction des gros mots dans les films, les livres et les jeux vidéo afin d’interpréter nos résultats plus efficacement et d’éclairer nos conclusions. Notre questionnaire était constitué de sept questions, que voici :

82

1. Vous est-il déjà arrivé de regarder un film ou de jouer à un jeu vidéo en plusieurs langues ou en version multilingue (par exemple regarder un film en anglais avec des sous-titres français) ?

2. Quel type de divertissement consommez-vous parmi ceux cités ci-dessous ?

⃝ Jeux vidéo

⃝ Films

⃝ Séries

3. Vous arrive-t-il de regarder/jouer des œuvres où l’on trouve des gros mots ?

⃝ Oui ⃝ Non

4. Avez-vous déjà observé des différences dans l’utilisation des gros mots entre les versions anglaise et française d’un film, d’une série, d’un jeu vidéo ou d’un livre ?

⃝ Oui ⃝ Non

Si oui, lesquelles ?

5. L’utilisation des gros mots en traduction française dans les films et les séries vous semble-t-elle appropriée ? Les mots employés correspondent-ils à la manière dont s’exprimerait selon vous un francophone ?

6. Les traductions françaises de films et séries contiennent souvent moins de gros mots que leur version originale anglaise. Cette façon de procéder vous convient-elle, ou préféreriez-vous que les traducteurs conservent la vulgarité ?

7. Si des gros mots doivent être traduits, préférez-vous que le traducteur :

⃝ Les conserve tous

⃝ Nuance pour s’adapter au public français

⃝ Nuance parce qu’il y a trop de gros mots en anglais (« fuck »)

⃝ Retire une grande partie des gros mots

Figure 22 : Questionnaire adressé aux participants à l’expérience Nous allons à présent analyser les réponses des juges à ce questionnaire.

Les trois premières questions avaient pour but de cerner les habitudes des personnes consultées et de contextualiser notre questionnaire. Elles regardent ainsi toutes des films et des séries et

83

seules deux sur huit ne jouent pas aux jeux vidéo. Toutes ont déjà regardé un divertissement dans plusieurs langues et ont visionné des œuvres où des gros mots étaient prononcés.

D’après les réponses à la question 4, tous les participants ont constaté des différences d’usage de ces gros mots entre les versions française et anglaise et ce dans tous types de médias. Ils les ont décrits de diverses manières. Les gros mots en version française ont ainsi été qualifiés d’« édulcorés », « effacés » ou encore censurés. Certains évaluateurs ont développé leur propos, l’un décrivant une atténuation ou une timidité dans la traduction française qui lui donne parfois

« un côté ringard », un autre observant que l’on trouvait plus de gros mots en anglais, mais qu’ils semblent plus « normaux », une remarque qui va dans le sens des recherches que nous avons effectuées sur ce sujet.

A partir de la cinquième question, nous avons été surpris de constater que les réponses obtenues dessinaient deux « mouvements de pensée » avec, d’un côté, des personnes bilingues anglais-français (participants 6 et 8 de la seconde évaluation) et, de l’autre, des personnes de langue maternelle française.

Selon le groupe bilingue, les gros mots français sont assez appropriés dans les films et les séries.

Il y a de fait moins de gros mots, mais cela reflète la manière de s’exprimer des francophones.

Les gros mots sont ajustés en fonction du contexte, de l’environnement des personnages et du public francophone, moins habitué aux gros mots, qui paraissent toujours plus vulgaires qu’en anglais. Même une production purement francophone contiendra moins de gros mots qu’une production anglophone comparable. Dans le cas où des gros mots doivent être traduits, nos deux évaluatrices ont estimé que la meilleure solution était de les nuancer aussi bien pour les adapter au public francophone que pour en limiter le nombre lorsque ces derniers sont trop nombreux dans la langue d’origine. L’un des deux membres du groupe explique que le traducteur vers le français ne peut pas conserver tous les gros mots, tout comme il ne peut conserver tous les jeux de mots de la langue d’origine, mais que tout retirer serait également une erreur, car le français est une langue riche, même en gros mots, et qu’il serait dommage de ne pas les utiliser.

Les six autres évaluateurs, de langue maternelle française, trouvent que les traductions françaises ne sont pas naturelles et qu’elles atténuent trop la vulgarité de l’anglais. Elles semblent ainsi « souvent déplacées », « décevantes », un évaluateur estimant qu’un francophone serait souvent bien plus vulgaire que ne le sont les personnages de fiction dont les paroles ont été traduites de l’anglais. De manière générale, nos six juges sont ainsi d’avis qu’il est nécessaire de conserver la vulgarité, deux d’entre eux argumentant qu’effacer des gros mots

84

porterait atteinte à l’intégrité de l’œuvre et que les dialogues perdraient leur sens original. Une évaluatrice explique quant à elle que l’utilisation de la vulgarité n’est pas la même d’une région à l’autre de la francophonie et que trouver un équilibre n’est donc pas chose aisée, quoiqu’elle fasse partie intégrante de la langue française et s’utilise très souvent dans le langage courant, autant qu’en anglais selon ses dires. Il est donc à ses yeux dommage qu’elle disparaisse au cours de la traduction. Cette dernière question a particulièrement divisé ce groupe d’évaluateurs, trois des participants estimant qu’il est nécessaire de conserver tous les gros mots, les trois derniers d’avis de les nuancer pour adapter l’œuvre au public francophone ce qui, dans certains cas, est venu contredire les réponses données au point précédent. La variété des opinions sur ce sujet peut expliquer en partie la faiblesse du score Kappa de la seconde évaluation (section 6.2.2.2.4) étant donné qu’il n’y a pas de consensus au sein des juges sur la manière de traduire les gros mots de l’anglais au français.

Ces réponses démontrent une fois de plus que la traduction des gros mots est un sujet délicat à propos duquel il n’existe pas de consensus. Remarquons tout de même que cinq personnes sur huit sont d’avis que nuancer les gros mots pour les adapter au public est la meilleure solution, deux d’entre elles estimant qu’il est nécessaire de limiter également le nombre de gros mots dans le cas où ils seraient trop nombreux.