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Chapitre 1 La maladie chronique : lectures croisées

1.2 Les principales répercussions des maladies chroniques

1.2.1 Les répercussions pour l’individu

La maladie chronique, quelle qu’elle soit, aura des répercussions physiques pour le patient, à

plus ou moins long terme, de façon plus ou moins durable ou épisodique, d’intensité

différente ou encore plus ou moins visible.

Ainsi, selon que l’on souffre de diabète, d’obésité ou d’arthrose, les manifestations physiques

de la maladie ne seront pas les mêmes. Les symptômes n’auront pas les mêmes conséquences

en termes d’activité et de participation selon les termes de la classification internationale du

fonctionnement et du handicap (21).

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Figure 6 : classification internationale du fonctionnement et du handicap

Les symptômes physiques auront également des répercussions d’ordre psychique ou

sociétales.

Nous pouvons retrouver à nouveau la notion de stigmate. Si les répercussions de la maladie

sur le plan physique ne permettent plus à la personne de s’inscrire dans une norme dans

laquelle il serait « un malade en bonne santé », alors le handicap ou l’incapacité peut le rendre

vulnérable puisque ne faisant plus partie des « gens normaux » (5, page 111). Ainsi, E.

Goffman émet le postulat que, « le porteur de stigmate accepte les valeurs dominantes et va,

en conséquence, ressentir de la honte » (5, page 111). E. Goffman détaille la notion de

stigmate et précise qu’il existe deux types de stigmate. Il s’agit d’une part des traits ou

attributs discrédités, tel que l’obésité ou une amputation et d’autre part de ceux discréditables,

qui ne sont pas directement visibles, comme un diabète ou une insuffisance rénale par

exemple (5, page 111).

Il nous semble primordial d’aborder ici ces notions car elles nous permettront par la suite de

mieux comprendre et d’étayer nos résultats.

Le domaine de la psychologie traite lui aussi des répercussions de la maladie chronique sur le

patient.

Pour W. Houlle et Al., une des répercussions de la maladie est qu’elle impose au patient « une

double acceptation, celle d’être malade, s’avouant ainsi sa condition de mortel, mais aussi

d’être atteint d’une pathologie singulière avec son lot de représentations et de croyances » (7,

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page 116). La rupture biographique ainsi induite par la maladie va demander à la personne

malade de repenser sa trajectoire de vie, de faire le deuil de sa vie d’avant. Nous aborderons

plus spécifiquement la question du deuil lorsque nous parlerons de l’adaptation à la maladie.

Toutefois, il nous semble important de préciser que cette rupture du « Moi idéal » n’a pas des

répercussions que pour le patient. Nous pensons que l’arrivée de la maladie chronique induit

également une rupture du « Nous idéal », du patient et de son proche, impactant ainsi la

relation entretenue jusqu’alors. Notons par ailleurs que les répercussions physiques et

psychologiques de la maladie, pouvant être entendues comme abordé plus haut en termes de

traits ou attributs discrédités ou discréditables, peuvent également impacter le proche ou

l’entourage indirectement. Imaginons ainsi une personne souffrant d’une grande fatigue ou

d’importantes douleurs depuis l’arrivée de la maladie et ne pouvant plus réaliser soit les actes

de la vie quotidienne soit les activités de loisirs partagées jusqu’alors. Il y aura bel et bien un

impact sur la relation, d’autant que lorsqu’il s’agit de douleur ou de fatigue, ces conséquences

se heurtent aux représentations individuelles et aux croyances. Par ailleurs, puisque qu’elles

sont invisibles, elles sont difficilement appréhendables par l’autre « non malade ».

Cet impact s’étend bien sûr à l’ensemble du réseau social de l’individu, avec qui il partage ses

activités de loisirs par exemple.

Par ailleurs, d’autres aspects de la vie de la personne sont impactés par la maladie, ces

conséquences ayant en retour un impact plus ou moins direct sur l’individu.

Il s’agit par exemple de l’emploi occupé par la personne souffrant de maladie chronique. En

effet, 15% des travailleurs français seraient atteints d’une maladie chronique, et pour ¼ à 1/3

d’entre eux, il y aurait une cessation d’activité deux ans après le diagnostic (22). Si certaines

réorientations professionnelles ou réaménagement de poste semblent inévitables en raison de

la pathologie et de l’emploi occupé, pour d’autres, le maintien dans l’emploi reste possible.

Pour autant, la personne malade chronique, dans le cadre de son emploi, se heurte également

aux représentations (« s’il n’y a pas de handicap ou incapacité visible, il n’y a pas de

maladie »), incompréhensions et difficultés relationnelles. Ainsi, la maladie, parce qu’elle

entraine une atteinte des capacités de travail, des absences, ou une perte de productivité, gêne

les autres et engendre des conflits sur le lieu de travail. Ces conflits peuvent s’exprimer par

des difficultés de communications, de la jalousie et parfois même de la malveillance (23).

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Nous venons de le voir, les répercussions de la maladie chronique sur l’individu sont

nombreuses et la présente partie n’a pas pour objectif d’être exhaustive. En revanche, elle

nous permet de dessiner les contours de ce qu’est et représente un individu dans le cadre

d’une approche globale, voire holistique. Il ne s’agit donc pas de considérer l’individu par le

seul prisme de ses dimensions physiques et psychologiques, mais bien d’aller plus loin dans

ce qui fait de lui l’être unique qu’il est : ses relations sociales, amicales, amoureuses, son

travail et l’environnement dans lequel il évolue de manière générale.

Pour autant, nous en avancions l’idée en début de chapitre, penser la maladie chronique par le

seul angle du patient ou du système de santé ne suffit pas à en cerner tous les enjeux. Ainsi,

nous proposons d’aborder les répercussions de la maladie chronique dans d’autres dimensions,

comme la société, la santé ou encore les soins.