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Chapitre 3 L'éducation thérapeutique du patient

3.3 Les objectifs de l'ETP, ses finalités et buts

3.3.1 Le développement de compétences d’auto soins et d’adaptation

Il n’est pas possible d’envisager les objectifs de l’ETP sans envisager à nouveau la notion

d’adaptation. Il y a, d’après le rapport de la HAS datant de 2008 (71), deux types de

compétences dont le développement est visé par les actions d’éducation thérapeutique. Les

compétences dites d’auto-soins et celles d’adaptation à la maladie. Pour Jean-François

d’Ivernois (74), « Il est légitime d’envisager ces deux registres de compétences, car dans

toutes les maladies chroniques, le patient est confronté à un double impératif : (a) savoir

gérer sa maladie c’est-à-dire surveiller quotidiennement son état, faire face aux crises, se

traiter. (b) savoir vivre avec la maladie c’est-à-dire établir un nouveau rapport à soi, aux

autres et à l’environnement. Ceci revient pour lui à inventer une autre vie, à investir un autre

espace dans lequel la santé antérieure a laissé place à un nouvel état d’équilibre qui

nécessite en permanence, réflexion, invention, conscience des sentiments éprouvés ». Ainsi,

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au regard de ces éléments, il apparaît que pour la réalisation de ces objectifs, l’ETP ne peut

faire fi du proche et de l’environnement social des patients. Nous retrouvons par ailleurs les

notions de proche et d’environnement social dans une proposition faite par d’Ivernois et Al.

dans leur article « Compétences d’adaptation à la maladie du patient : une proposition ». Le

tableau suivant est une proposition des auteurs de compétences d’adaptation à la maladie et

d’exemples d’objectifs spécifiques (tableau 2) (74).

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Tableau 2 : compétences d’adaptation à la maladie et d’exemples d’objectifs spécifiques

Compétences Objectifs spécifiques ou composantes (exemples)

1. Informer, éduquer son entourage Expliquer sa maladie et les contraintes qui en

découlent ; former l’entourage aux conduites à tenir

en cas d’urgence. ..

2. Exprimer ses besoins, solliciter l’aide

de son entourage

Exprimer ses valeurs, ses projets, ses connaissances,

ses attentes, ses émotions ; Associer son entourage à

son traitement, y compris diététique, et à ses soins ;

Associer son entourage aux modifications de

l’environnement de vie rendues nécessaires par la

maladie.

3. Utiliser les ressources du système de

soins – Faire valoir ses droits

Savoir où et quand consulter, qui appeler ; faire valoir

ses droits au travail, à l’école, vis-à-vis des

assurances, . . .) Participer à la vie des associations de

patients….

4. Analyser les informations reçues sur sa

maladie et son traitement

Savoir rechercher l’information utile et spécifique ;

confronter différentes sources d’information ; vérifier

leur véracité…

5. Faire valoir ses choix de santé Justifier ses propres choix et ses priorités dans la

conduite du traitement ; expliquer ses motifs

d’adhésion ou de non adhésion au traitement ;

Exprimer les limites de son consentement.

6. Exprimer ses sentiments relatifs à la

maladie et mettre en œuvre des

conduites d’ajustement

Verbaliser des émotions ; se dire ; rapporter ses

sentiments de vécu de sa maladie ; Exprimer sa

fatigue de l’effort quotidien de prendre soin de soi ;

Mobiliser ses ressources personnelles, ajuster sa

réponse face aux problèmes posés par la maladie ;

S’adapter au regard des autres ; Gérer le sentiment

d’incertitude vis-à-vis de l’évolution de la maladie et

des résultats des actions mises en œuvre.

7. Établir des liens entre sa maladie et

son histoire de vie

Donner du sens – S’expliquer la survenue de la

maladie dans son histoire de vie ; Décrire ce que la

maladie a fait apprendre sur soi-même et sur la vie. ..

8. Formuler un projet, le mettre en

œuvre

Identifier un projet réalisable, conciliant les exigences

du traitement ; Rassembler les ressources pour le

mettre en œuvre ; Évoquer des projets d’avenir…

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D’une part, les objectifs fixés tiennent bien compte du proche. Pour autant, nous remarquons

ici que le proche est envisagé à nouveau comme une ressource pour le patient, comme

quelqu’un que l’on doit informer et former afin qu’il puisse venir en aide au patient.

Concernant l’environnement social, l’implication se devine davantage qu’elle n’est clairement

explicitée. L’environnement social des patients semble davantage trouver sa place lors du

diagnostic éducatif, principalement en terme de ressources ou de freins lorsque celui-ci est

associé aux questions culturelles.

L’ETP semble ainsi viser de manière plus générale à l’autonomisation des patients souffrant

de maladies chroniques. Il apparaît donc évident que ce processus d’autonomisation doit

également considérer les ressources et leviers propres au patient et parmi eux le proche et

l’environnement social.

3.3.2 L'observance thérapeutique et l’adhésion : Définition et orientations

Souffrir d’une maladie chronique implique bien souvent pour le patient la prise d’un

traitement à vie. Or, la prise d’un traitement au long cours n’est pas forcément chose aisée en

termes de respect de la prescription et de la prise des thérapeutiques.

S. Tessier propose, au regard de la littérature, une distinction des différents concepts liés au

suivi des traitements (66).

Il y aurait ainsi d’une part la notion de suivi qui représenterait une application et un respect

stricto sensu des consignes données. Puis vient ensuite la notion de compliance, davantage

appliquée au domaine de la physique puisqu’elle définit le caractère flexible d’un matériau

auquel une contrainte serait appliquée. Ensuite, l’auteur aborde les notions d’observance et

d’adhésion, notions que nous proposons de développer ici (66, page 143).

Le terme d’observance trouve ses origines dans l’application des règles religieuses, comme

par exemple le respect du jeûne durant la période de Carême. Peu à peu, cette notion a évolué

pour s’adapter au domaine de la santé.

L’Association de Recherche en Soins Infirmiers (75) propose des éléments de définition de

l’observance thérapeutique qui correspondrait « à l’adoption par une personne d’un

comportement qui engendre des résultats escomptés potentiellement positifs en accord avec la

prescription ou le conseil d’un professionnel de santé ».

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Ainsi, l’observance pourrait se mesurer au regard de l’écart entre le comportement du patient

et la prescription établie par le médecin.

Pour l’OMS (75), l’observance est un « comportement, résultat objectivable et mesurable

obtenu chez un patient au terme de la mise en œuvre d’une démarche d’éducation

thérapeutique ».

Au regard de ces différents éléments de définition, nous proposons de penser davantage

l’investissement du patient par rapport à son traitement et parcours éducatif en terme

d’adhésion. Comme le précise S. Tessier (66), le terme d’adhésion renvoie au caractère actif

du patient dans la démarche éducative. L’observance elle renvoie davantage à une réaction

plus passive, attentiste du patient en réponse à ce qui pourrait être une injonction à entrer dans

ce parcours de soin et à suivre son traitement.

Si l’adhésion, voir encore parfois l’observance, fait partie des résultats et bénéfices attendus

de l’ETP, peut-on seulement attribuer ce succès ou cet échec au seul patient ?

Nous pensons effectivement que non car, si tout a été mis en œuvre lors du diagnostic

éducatif pour être au plus près des besoins et ressources du patient, il n’est pas le seul acteur à

l’œuvre. Ainsi, si l’entourage ou le proche peuvent être à la fois des leviers ou des freins à

l’adhésion du patient, le soignant lui aussi conditionnera la réussite ou non de l’adhésion du

patient et de son observance thérapeutique.

Pour le proche ou l’entourage, le traitement peut faire l’objet « d’un transfert affectif », le

suivi du traitement prenant alors « une allure de défi personnel pour l’entourage » (66, page

156). Il est important tout de même de veiller à ce que cela n’ait pas l’effet inverse

c’est-à-dire que le traitement deviendrait un objet de maltraitance involontaire dans l’acharnement à

vouloir que le patient soit observant.

Pour le soignant, les informations qu’il fournit, sa disponibilité, son ouverture et sa relation au

patient, si elle ne se limite pas au seul exposé des tenants et aboutissants de la maladie et du

traitement favoriseront l’atteinte de cet objectif conjointement fixé (66, page 142).

Si l’éducation thérapeutique du patient vise en premier lieu à permettre au patient de vivre de

manière optimale sa vie avec sa maladie en lui permettant de gagner en compétences et de

développer son autonomie, nous verrons qu’elle aura indirectement d’autres bénéfices, par

exemple sur l’entourage ou encore sur le système de santé.

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3.3.3 L’ETP et ses bénéfices « satellites »

S’il apparaît clairement que l’éducation thérapeutique apporte une réelle plus-value dans et

pour la prise en charge des patients souffrant de maladie chronique, l’éducation thérapeutique

peut aussi être bénéfique au proche, soit en répondant aux besoins qu’il aurait pu exprimer,

soit par les connaissances et compétences apportées au patient.

Par ailleurs, nous l’avons vu dans la partie sociohistoire de l’ETP, le patient devient

« producteur de soins ». En ce sens, il peut transmettre ce qu’il apprend et son vécu à

l’entourage, mais pas seulement. Il peut décider d’intégrer une association, de devenir patient

expert aussi. Ainsi, il fera bénéficier à son tour de ce que l’ETP lui a apporté.

Les bénéfices pour les patients en termes d’autonomie, de changements de comportement et

d’adhésion ne sont donc plus à discuter. Ce qui peut l’être, ce sont les bénéfices pour tous les

acteurs intervenants en ETP. Ainsi, les soignants, paramédicaux, médicaux et bien d’autres

encore peuvent voir dans la pratique de l’ETP et les résultats pour le patient une

reconnaissance de leurs compétences et investissement. Pour autant, ces bénéfices restent très

personnels et ils se heurtent bien souvent à des conditions de mise en place et financières

difficiles.