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Chapitre 3 L'éducation thérapeutique du patient

3.2 Description de l'ETP

3.2.2 A une mise en pratique

L’ETP fait partie intégrante du parcours de soin du patient souffrant de maladie chronique et

en ce sens doit être proposée au patient et éventuellement à ses proches.

L’ETP peut être proposée au patient ou à ses proches à différents moments de la maladie. Le

plus souvent cependant, l’éducation thérapeutique est proposée à un moment proche de

l’annonce.

Le schéma suivant, issu des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) (71),

présente les modalités d’intégration de l’éducation thérapeutique à la stratégie thérapeutique

globale.

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Figure 10 : intégration de la démarche d’éducation thérapeutique (ETP) à la stratégie

thérapeutique et de soins dans le champ de la maladie chronique

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Il est intéressant de constater au sujet de ce schéma qu’il met en avant plusieurs composantes

nécessaires à la mise en œuvre de l’ETP. Il s’agit notamment du caractère pluri professionnel

de l’éducation thérapeutique, de l’élaboration d’un diagnostic éducatif ou encore de la

définition d’un programme personnalisé.

L’éducation thérapeutique du patient se veut personnalisée, en prenant en compte les besoins

spécifiques du patient au regard de sa maladie mais également de son histoire de vie. Afin de

tendre vers cette prise en charge holistique du patient, un diagnostic éducatif est réalisé

préalablement à la mise en place d’un programme personnalisé.

Le diagnostic éducatif a pour objectif de déterminer avec le patient ses besoins et attentes au

regard de sa maladie. Il s’agit également d’identifier avec lui ses compétences, connaissances

et également les freins et leviers à la mise en place de l’ETP et à l’acquisition ou au maintien

de nouvelles compétences et connaissances. Ainsi, des objectifs seront définis avec le patient

et permettront la personnalisation du programme d’ETP. Ce diagnostic et les objectifs seront

amenés à être évalués et, au besoin, actualisés.

Le diagnostic éducatif, tel que décrit par S. Tessier (66, page 159) comporte plusieurs

dimensions « qui renvoient aux différentes compétences d’auto soins et d’adaptation à la

maladie ». L’auteur détaille six dimensions du diagnostic éducatif (66, pages 158-160).

Dimension biologique et clinique

Pour l’auteur, cette dimension est la première à considérer en ce sens que la démarche

proposée va dépendre du type de maladie. D’autre part, il s’avère nécessaire de savoir ce que

sait le patient de sa maladie, les représentations qu’il en a, s’il est au fait ou non des

traitements et complications possibles, etc. Il s’agit donc ici en quelque sorte de faire un état

des lieux préalable des connaissances « cliniques » du patient.

L’auteur précise également que cette dimension du diagnostic éducatif ne doit pas se limiter à

la seule pathologie amenant le patient à bénéficier d’une démarche d’éducation thérapeutique.

En effet, si l’on souhaite se rapprocher au mieux des besoins du patient et tendre vers une

approche holistique, l’ensemble des éléments liés à sa santé doitt être considéré. Il peut s’agir

par exemple de handicap ou difficultés physiques (surdité, difficultés à se mobiliser, etc.) ou

d’autres éléments pouvant interférer avec la maladie chronique (stress, anxiété, etc.)

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Dynamique personnelle

Cette dimension du diagnostic éducatif vise à fournir un état des lieux d’où en est le patient

dans son cheminement par rapport à la maladie. Elle permet d’apporter des éléments quant au

degré et stade d’acceptation de la maladie par le patient, mais aussi quant à l’explication qu’il

en donne. Est-il dans une logique très terre à terre ou bien explique-t-il sa maladie au regard

d’éléments plus en lien avec la spiritualité ou ses croyances par exemple ?

Cette partie du diagnostic permet également d’échanger avec le patient quant à ses désirs, ses

loisirs, le but étant ici de s’assurer d’une part de la compatibilité de ces derniers avec la

maladie et d’autre part avec les actions éducatives. Imaginons par exemple un tri athlète à qui

l’on diagnostiquerait un diabète avec une proposition thérapeutique de pompe à insuline : il y

aurait ici incompatibilité avec les activités de loisirs de la personne.

Ainsi, le diagnostic, dans cette partie, veille à considérer l’environnement de la personne afin

de lui proposer des objectifs en lien avec ses désirs et attentes dans la mesure du possible.

Enfin, cette dimension du diagnostic vise également à évaluer les capacités du patient à

mobiliser ses ressources et à « affirmer sa propre volonté et ses propres choix ».

Projet de vie

Pour S. Tessier « cette dimension est fondamentale en ce qu’elle peut conditionner

l’investissement que le patient fera ou non dans l’ensemble du processus éducatif » (66).

L’auteur avance l’idée que chacun d’entre nous a un projet, une ambition, un but en somme. Il

peut s’agir de l’achat d’une voiture, d’un voyage à préparer, d’un changement de carrière ou

tout autre acte ou activité demandant à ce que l’individu se projette dans le futur.

Ce projet permettrait au patient de s’inscrire de façon positive dans la démarche éducative.

Rappelons cependant que l’arrivée de la maladie représente une rupture dans les projets de vie

tels qu’ils l’étaient initialement. Parfois alors, les acteurs de l’ETP pourront proposer au

patient d’explorer avec lui la perspective de nouveaux projets.

L’inscription des individus dans leur projet de vie et la force qu’ils mettent pour l’atteindre

conditionneront en partie leur investissement dans la démarche éducative.

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Sociale et familiale

Pour l’auteur, l’entourage familial va jouer un rôle déterminant dans le processus éducatif en

ce sens qu’il peut être soutenant ou démotivant. Il précise que la sollicitation de l’entourage

peut être du fait d’une situation nécessitant son aide ou d’une situation d’urgence à laquelle,

dit-il, il doit être préparé.

Cette dimension du diagnostic éducatif analyse donc dans quelle mesure l’entourage familial

pourra être tantôt un frein, tantôt une ressource dans la démarche éducative. Elle permet aussi

d’interroger le patient sur son souhait ou non d’intégrer son entourage à la démarche

éducative et de réfléchir aux possibilités concrètes de son intégration.

Dans cette partie, l’auteur fait la distinction entre l’entourage familial et l’entourage social.

Pour l’entourage social, c’est plutôt son absence qui conditionnera, du fait de l’isolement qu’il

engendre parfois, les difficultés pour le patient à entrer dans la démarche éducative.

Culturelle

Cette partie vise à analyser ce qui, dans la culture, les croyances ou les orientations religieuses

et spirituelles des patients, génèrent leurs représentations de la santé et de la maladie. Cette

dimension vise également à comprendre dans quelle mesure le recours au soin est-il

culturellement inscrit chez le patient ou non.

Ainsi donc pourront être mis en évidence un certain nombre d’éléments pouvant être parfois

des freins, parfois des leviers dans la démarche éducative.

L’auteur précise que dans cette partie, l’organisation familiale, la place de l’homme et de la

femme et plus spécifiquement la place du mari dans certains soins doivent être

impérativement abordées. Ces questions, parfois sensibles, pourraient se heurter aux

représentations des professionnels.

Dans cette dimension du diagnostic éducatif les compétences linguistiques du patient pourront

également être relevées et faire, si besoins, l’objet d’interventions spécifiques.

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Professionnelle

L’auteur aborde en premier lieu dans cette dimension l’angle professionnel parce qu’il peut

représenter une contrainte organisationnelle pour la planification de la démarche éducative

(horaires de travail, déplacements, etc.).

Par la suite, il envisage la dimension professionnelle en termes de conséquences de la maladie

sur la vie professionnelle. Ainsi, le fait que la maladie puisse être considérée comme une

menace dans et/ou pour son travail doit être questionné.

Si tel était le cas, alors le patient pourrait peut-être avoir tendance à cacher sa pathologie, et

nous retrouvons bien ici la notion de stigmate. De plus, les difficultés au travail vont bien

au-delà de la notion de stigmatisation, comme nous avons pu le voir auparavant. De ce fait

l’aspect professionnel pourrait être un frein dans la démarche éducative.

Au regard de tous les éléments présentés constituant le diagnostic éducatif, un programme

personnalisé avec des priorités d’apprentissage sera mis en place ainsi que la planification des

séances.

Ces séances peuvent être soit individuelles, soit collectives. Elles sont le plus souvent

assurées par une équipe multi disciplinaire, permettant ainsi l’atteinte des objectifs fixés et

une approche holistique du patient. Ainsi, médecins, infirmières, diététiciens, psychologues,

etc. interviendront auprès du patient dans leurs domaines de compétence respectifs.

Avant d’aller plus avant dans ce travail et d’aborder les objectifs poursuivis par la démarche

d’éducation thérapeutique, nous tenons à souligner deux éléments qui nous semblent

primordiaux pour la suite de ce travail.

D’une part, dans le schéma proposé par la HAS, il n’est pas fait mention du proche ou de

l’environnement social des patients, caractéristiques pourtant majeures comme nous avons pu

le voir tout au long de ce travail et dans le développement des dimensions du diagnostic

éducatif.

D’autre part, même si les dimensions du diagnostic éducatif tendent à une considération

globale du patient, l’intégration du proche et de l’environnement social reste encore à

développer.

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Il apparait d’après ce que nous avons pu lire et résumer de la composante entourage familial

et social, que le proche n’est ici considéré qu’au regard de ce qu’il peut apporter au patient.

Or, nous l’avons vu, le proche peut lui aussi souffrir de la maladie et ne pas considérer cette

souffrance. ou bien les demandes qu’il pourrait avoir ne serviraient en rien le bien être du

patient et son intégration dans le dispositif éducatif. Ainsi, nous pouvons nous intéroger sur

l’effet, possiblement délétère, que cela pourrait également avoir sur la qualité de vie du

patient.

Pour autant, S. Tessier rappelle que « une action d’ETP se conçoit difficilement sans

mobiliser l’entourage » et que « qu’on le veuille ou non, cet entourage sera impliqué

directement ou indirectement dans le suivi ». (66, page 156) Il précise que « le poids de la

pathologie d’un proche est très lourd à porter et, en lui confiant trop de tâches de suivi,

l’entourage risque le burn-out, la surcharge et la dépression » ( 66, page 156).

Ainsi, et nous allons le voir dans la partie suivante, le proche, sinon l’entourage du patient, est

une des composantes à considérer dans l’élaboration des objectifs avec le patient, ceci

constituant peut être une première porte d’entrée à la reconnaissance de son implication et de

son vécu en tant qu’individu.