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Objet de la recherche. Après une étude des caractéristiques du contentieux, la recherche a

également porté sur la pratique des deux ordres de juridictions quant à la typologie des préjudices réparables en cas de survenance d’un dommage corporel. Les progrès méthodologiques réalisés en ce domaine depuis quelques années auraient pu laisser penser que les juges pratiquaient résolument la méthode du poste par poste. La réalité est toutefois différente. Alors que cette solution est imposée à l’évidence par la nomenclature Dintilhac, la typologie de l’avis Lagier ouvre en revanche plus de latitude aux juges du fond en autorisant les regroupements, notamment dans le domaine extrapatrimonial.

Présentation. La comparaison du montant des indemnisations allouées aux victimes par le juge

judiciaire et le juge administratif repose sur une identification préalable des postes de préjudices considérés. Or, comme attendu au titre de la principale limite à cette entreprise, l’indemnisation allouée peut l’être au titre d’un regroupement de plusieurs postes, voire même sur un fondement unique et générique comme une indemnisation accordée pour réparer le « préjudice moral » ou « l’ensemble des préjudices personnels » de la victime. Sur ce point, une différence de pratique entre les juges judiciaires et administratifs était prévisible et, tout particulièrement, en ce qui concerne l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux. Pour la période considérée (de 2011 à 2013), les raisons sont connues et tiennent au jeu respectif de la nomenclature Dintilhac conduisant à une évaluation individualisée des différents postes de préjudices devant le juge judiciaire et l’approche préconisée par l’avis Lagier du 4 juin 2007 autorisant l’indemnisation globale de certains préjudices personnels par le juge administratif48. En principe, les préjudices de nature patrimoniale devraient largement échapper à ce phénomène de regroupement puisque, quel que soit l’ordre de juridiction considéré, leur individualisation est exigée pour permettre aux tiers payeurs d’exercer leurs recours. Nous verrons par la suite que ces prévisions se sont, en partie, réalisées. Néanmoins, à ce stade, il convient de s’expliquer sur la méthode suivie pour mettre en évidence et quantifier le

48 La jurisprudence du Conseil d’État admet « qu’aucune disposition, ni aucun principe général du droit ne s’oppose à ce que le juge administratif, après avoir apprécié le bien fondé de conclusions tendant à l’indemnisation de préjudices distincts procède à une évaluation globale de l’indemnité à allouer » (CE, 2 février 1996 Mme Liuzzi, n°146769, Rec. CE, table, p. 1161). Voir également, CAA Paris, 18 mai 1999, n°96PA04445, inédit au recueil Lebon ; CAA Bordeaux, 31 janvier 2006, n°02BX01821 inédit au recueil Lebon.

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phénomène d’indemnisation globale des « préjudices patrimoniaux »49 et « extrapatrimoniaux » ou « personnels »50.

Méthode. La grille de saisie comporte, à plusieurs niveaux d’analyse, deux modalités : ou bien

différents postes de préjudices apparaissent « regroupés » dans la décision considérée ou bien chaque poste est « identifié ».

L’identification d’un poste signifie que la décision analysée comprend, dans ses motifs ou dans son dispositif, un poste particulier de préjudice51 et qu’une indemnisation est spécialement allouée à ce titre. À défaut, la décision considérée est traitée comme comportant des « préjudices regroupés ». Cette modalité permet alors de répertorier les cas où la décision analysée, comprend dans ses motifs ou son dispositif, au moins deux postes de préjudices faisant l’objet d’une indemnisation globale.

L’étude des préjudices regroupés (1-2-1) précèdera donc celle des préjudices identifiés et donc indemnisés à titre individuel, ou si l’on préfère, par poste de préjudice (1-2-2).

49 L’expression « préjudices patrimoniaux » est commune au juge judiciaire et au juge administratif.

50 L’expression « préjudices extrapatrimoniaux » employée par le juge judiciaire est équivalente à celle de « préjudices personnels » employée par le juge administratif.

51 Voir, dans la grille de saisie reproduite en annexe 1, la liste des postes patrimoniaux ou extrapatrimoniaux (ou personnels) y compris autre.

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1-2-1 : Les préjudices regroupés

Type de préjudice évoqué par la victime directe devant les cours d’appel et devant les cours administratives d’appel

Effectifs Fréquences Préjudice extrapatrimonial identifié 1544 45,8%

Préjudice patrimonial identifié 1392 41,3%

Préjudices extrapatrimoniaux regroupés 363 10,8%

Préjudices patrimoniaux regroupés 59 1,8%

Préjudices regroupés (sans distinction préjudices

patrimoniaux et extrapatrimoniaux) 13 0,4%

TOTAL 3371 100%

Type de préjudice évoqué par la victime indirecte devant les cours d’appel et devant les cours administratives d’appel.

Afin de pouvoir identifier les différentes pratiques, plusieurs niveaux d’analyse ont été mis en œuvre distinguant, tout d’abord, le sort de la victime directe du sort de la victime indirecte. Ensuite, les cas d’identification ou de regroupements ont été répartis suivant le caractère patrimonial ou extrapatrimonial (ou personnel) des préjudices en ménageant les hypothèses dans lesquelles aucune distinction n’était opérée dans la décision indemnisant la victime.

Effectifs Fréquences

Préjudice extrapatrimonial identifié 423 54,7%

Préjudice patrimonial identifié 164 21,2%

Préjudices extrapatrimoniaux regroupés 145 18,7%

Préjudices patrimoniaux regroupés 17 2,2%

Préjudices regroupés (sans distinction préjudices patrimoniaux et

extrapatrimoniaux) 25 3,2%

TOTAL 774 100%

Regroupement des préjudices sans distinction entre les préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels. Les données générales ci-dessus rapportées

permettent de régler, à titre liminaire, la question des cas de regroupement de préjudices opérés sans que n’apparaisse dans la décision de distinction tenant à la nature des préjudices indemnisés. Concernant la victime directe, cette pratique apparaît très marginale. Sur les 3371 cas de préjudices répertoriés, seuls 13 cas ont été rencontrés soit 0,4% des effectifs. 10 cas ont

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été signalés devant le juge administratif et 3 cas devant le juge judiciaire. Dans ces quelques hypothèses, pour les cas réellement exploitables, l’explication principale tient dans ce que les juges du second degré ont simplement réaffirmé le montant total de l’indemnité alloué à la victime en première instance sans fournir de détails52. Concernant les victimes indirectes, les cas de regroupements sont également exceptionnels puisque 25 cas ont été répertoriés à ce titre sur un total de 774 (3,2 %)53. Comme dans l’hypothèse précédente, ces cas sont presque exclusivement signalés devant les cours administratives d’appel (23 cas) et correspondent à des hypothèses dans lesquelles la décision vise « les préjudices » sans autre indication ou « les préjudices de tous ordres »54. Cette concentration de cas devant les juridictions administratives s’explique en partie par une surreprésentation du contentieux administratif en matière d’indemnisation de victimes indirectes55.

Dans l’ensemble, les résultats de la recherche confirment, qu’en principe, l’indemnisation de la victime directe et l’indemnisation des victimes indirectes passent bien par une distinction entre les préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels.

Sous le bénéfice de cette observation préalable, les préjudices patrimoniaux peuvent être regroupés (1-2-1-1) tout comme les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels (1-2-1-2).