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3. La réparation de l’ADN

3.5. Le système de réparation des mésappariements (MMR)

3.5.2. La réparation des mésappariements

Les polymérases réplicatives (famille B) sont responsables d’un très faible taux d’erreurs lors de la réplication qui peut être drastiquement augmenté en cas de dysfonctionnement du système MMR (Peña-Diaz and Rasmussen, 2015). La réplication est initiée au niveau d’origines de réplication où la polymérase α assure la première élongation des fragments d’Okazaki (réplication du brin retardé) (O’Donnell et al., 2013), poursuivie par la polymérase δ. La polymérase ε assure la synthèse d’ADN du brin précoce. Ces polymérases majoritaires (δ et ε) possèdent, à la différence de Polα, une activité intrinsèque 3’-exonucléasique qui leur permet de corriger une partie de leurs erreurs (Johansson and Dixon, 2013). Il existe de nombreuses illustrations de la réciprocité existant entre le taux, le type et les loci où surviennent les erreurs de réplication et le niveau d’expression et l’efficacité du système MMR. Il a été démontré que la réplication du brin retardé est deux fois moins précise que celle du brin précoce et que le système MMR est deux fois plus efficace dans la réparation des erreurs du brin tardif que du précoce (Lujan et al., 2014).

Le rôle majeur du système MMR est la réparation des erreurs de réplication qui implique la voie MutSα/MutLα. Elle est initiée lorsque l’hétérodimère MutSα, qui comporte deux sites actifs ATPasiques, se fixe au niveau d’un mésappariement (base-base ou petites insertions/délétions). La fixation au mésappariement et la présence d’ATP induisent un changement conformationnel de MutSα, de telle sorte qu’il forme une pince capable de se déplacer le long de l’ADN (Lee et al., 2014; Liao et al., 2015). Cet état activé permet son interaction avec l’hétérodimère MutLα. Le PCNA, chargé sur l’ADN par le RFC, stimule l’activité endonucléasique de MutLα (située à l’extrémité N-terminale de PMS2) pour l’excision du brin néosynthétisé contenant l’erreur (Kadyrov et al., 2006). Le fragment manquant est à nouveau synthétisé sans erreur par la polymérase δ ou ε, puis la ligature, par la ligase 1,termine la réaction (Jiricny, 2013) (Figure 22). Le système eucaryote n’utilise pas l’asymétrie de méthylation post-réplicative comme signal discriminant de brin à la différence d’E. coli (Putnam, 2016). Bien qu’aucun signal spécifique de brin n’ait été définitivement identifié, le système MMR apparaît dirigé par un point de coupure préexistant lui permettant de discriminer le brin néosynthétisé contenant la base mésappariée. En effet, la seule présence d’un hétéroduplexe au sein d’une molécule d’ADN circulaire ne suffit pas à déclencher la correction du mésappariement. La présence d’une entaille, en 5’ ou en 3’ du mésappariement, est nécessaire à la correction par les protéines MMR de l’hétéroduplexe en homoduplexe (Fang and Modrich, 1993). L’activité endonucléasique de MutLα, stimulée par le PCNA, permet de générer une coupure spécifique du brin contenant le mésappariement, à proximité

de celui-ci que ce soit en 5’ ou en 3’ et préférentiellement sur un brin contenant déjà une coupure (Pluciennik et al., 2010).

Figure 22 Le système MMR reconstitué

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Si le point de coupure préexistant est situé en 5’ du mésappariement, le complexe MutLα n’intervient pas dans l’excision mais empêche l’hydrolyse du brin normal. Lorsque le point de coupure se trouve en 3’ du mésappariement, MutLα assure la création d’une coupure en 5’, ce qui correspond à la principale source d’extrémités d’ADN disponibles pour le retrait des mésappariements. Il semblerait que ce soit le chargement asymétrique du PCNA sur le brin d’ADN par le RFC qui permette la discrimination du brin et l’orientation spécifique de l’activité endonucléasique de MutLα sur le brin néosynthétisé (Erdeniz et al., 2007). Les extrémités 5’ des fragments d’Okazaki servent également de signal de discrimination de brin pour le retrait des mésappariements générés durant leur synthèse au niveau des origines de réplication (Lujan et al., 2014). Bien qu’inutile au phénomène de coupure, il semblerait que l’interaction entre MutSα et MutLα permette de localiser l’activité endonucléasique de MutLα à proximité du mésappariement (Kadyrov et al., 2007).

Différents modèles de formation des complexes mésappariement-MutSα-MutLα et de la signalisation subséquente pour la réparation ont été proposés. L’un d’eux suggère que MutSα et MutLα forment une pince coulissante qui diffuse le long de l’ADN jusqu’à son interaction avec le signal de discrimination du brin. Un autre établit une capture de MutSα à proximité du mésappariement par MutLα et une polymérisation de MutLα induite par MutSα (Hombauer et al., 2011; Modrich, 2006). Concernant le retrait du mésappariement, trois mécanismes sont évoqués. Le premier correspond à l’excision de 5’ en 3’ par EXO1, où MutSα piège le domaine C-terminal d’EXOI, ce qui supprime l’action auto-inhibitrice de son site catalytique, permettant l’excision du brin de 5’ en 3’ jusqu’au niveau du mésappariement. Le deuxième implique également des extrémités d’ADN 5’, mais le retrait du mésappariement repose sur une synthèse d’ADN par les polymérases Polδ ou ε, par déplacement de brin. Enfin, la troisième possibilité est une excision du mésappariement de 3’ en 5’ grâce à l’activité exonucléasique de Polδ et ε (Kadyrova and Kadyrov, 2016).

Le système MMR est impliqué dans d’autres voies du métabolisme de l’ADN, comme la recombinaison mitotique et méiotique. Cette dernière implique principalement MutLγ (MLH1-MLH3) qui semble fonctionner avec le complexe MSH4-MSH5 (Lipkin et al., 2002). Les protéines MMR sont fortement impliquées dans la recombinaison homologue (HR) et la jonction des extrémités non homologues (NHEJ). La recombinaison homologue apparie les chromosomes homologues avant la méiose, ce qui assure la diversité génétique de la reproduction sexuée. Elle est initiée au cours de la méiose par de nombreuses cassures double brin programmées. De l’échange de brins qu’elle entraîne résultent des hétéroduplexes d’ADN qui présentent des nucléotides mésappariés, dus aux différences des séquences

chromosomales parentales. Le système MMR assure la prise en charge de ces mésappariements, ce qui conduit à l’échange non réciproque de l’information génétique (ou conversion génique). Le MMR supprime la recombinaison homologue lorsque l’ADN hétéroduplexe formé contient un excès de bases mésappariées. Cette régulation assure la précision de la réparation des cassures double brin et contribue au maintien des barrières interespèces de la reproduction sexuée (Spies and Fishel, 2015).