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4. Le corégulateur transcriptionnel RIP140

4.3. Implications physiopathologiques

RIP140 intervient dans une grande variété de processus physiologiques, au travers de ses interactions avec les facteurs de transcription (Figure 28). Les fonctions biologiques de RIP140 ont été étudiées grâce au développement de modèles murins génétiquement modifiés, principalement des souris dont le gène RIP140 a été invalidé, par remplacement de la région codante par une cassette exprimant la β-galactosidase (RIPKO, Knock Out) (White et al., 2000), ou surexprimé de manière constitutive (Fritah et al., 2010).

Figure 28 Gènes cible régulés par RIP140 et fonctions associées

4.3.1. Métabolisme énergétique

Le tissu adipeux peut être considéré comme un organe endocrine qui produit et sécrète des hormones, telles que l’œstradiol (E2), la leptine, la résistine, l’adiponectine et les cytokines inflammatoires, assurant l’homéostasie énergétique (Stern et al., 2016). RIP140 est un corépresseur de nombreux récepteurs nucléaires et facteurs de transcription impliqués dans le métabolisme énergétique, tels que PPARα, PPARδ (Peroxisome Proliferator-Activated

Receptors), TRα, ERRα, ERRγ, LXR (Liver X Receptor), le facteur de respiration nucléaire 1

(NRF-1, Nuclear Respiratory Factor-1) et le facteur de transcription E2F1. En participant à la régulation de la composition du tissu adipeux, RIP140 permet de maintenir l’équilibre entre la consommation d’énergie et son stockage (Hu et al., 2015; Liu et al., 2015).

Le tissu adipeux blanc sert de réservoir pour le stockage des triglycérides. Les adipocytes de ce tissu sont capables d’augmenter de taille en cas d’obésité afin d’assurer un stockage lipidique plus important. Ils deviennent inflammatoires, ce qui favorise la résistance à l’insuline. Le tissu adipeux brun, présent chez l’adulte (Cypess et al., 2009; Rosell and al., 2011), est impliqué dans la thermogenèse par oxydation des acides gras. Les souris RIPKO sont plus maigres que les souris sauvages (20% de perte de masse corporelle), avec une perte de 70% de la masse graisseuse et une diminution de la taille de leurs adipocytes. Le stockage lipidique intra-hépatique est également plus faible que chez les animaux sauvages. Les souris RIPKO présentent une résistance à l’obésité induite par une nourriture enrichie en graisses (HFD, High Fat Diet) (Leonardsson et al., 2004). La fonction de site de stockage des adipocytes de leur tissu adipeux blanc est altérée chez les souris RIPKO, car ils expriment des gènes caractéristiques du tissu adipeux brun, impliqués dans la dépense énergétique (Christian et al., 2005). RIP140 fonctionne comme un corépresseur des voies cataboliques, telles que l’oxydation des acides gras, la phosphorylation oxydative, la biogenèse mitochondriale et la glycolyse (Powelka et al., 2006). Il est également un corépresseur de la néoglucogenèse et un coactivateur de la synthèse des triglycérides (Herzog et al., 2007). Une abolition de RIP140 entraîne, par voie de conséquence, une augmentation de l’expression de gènes normalement réprimés et une augmentation de la dépense énergétique.

Le tissu adipeux beige a récemment été caractérisé, il se développe au sein du tissu adipeux blanc lors d’une exposition au froid ou par l’action d’agonistes β2-adrénergiques. Il est considéré comme bénéfique, car impliqué dans la thermogenèse, même si sa signature moléculaire diffère du tissu adipeux brun. RIP140 semble jouer un rôle dans l’expression de gènes du tissu adipeux brun dans les adipocytes du tissu adipeux blanc (Kiskinis et al., 2014).

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Les macrophages, outre leur fonction dans l’immunité innée, sont impliqués dans l’homéostasie énergétique. Ils existent sous deux états d’activation M1 et M2 qui présentent différents profils d’expression génique et transcriptionnel (Gautier et al., 2012). L’état M2 permet de maintenir la sensibilité à l’insuline alors que l’état M1, associé à l’inflammation chronique, favorise le développement de la résistance à l’insuline. RIP140 modifie la polarisation des macrophages d’un état à l’autre. En condition HFD son expression, augmentée dans les macrophages, stimule la polarisation M1 et le recrutement des macrophages dans le tissu adipeux blanc (Liu et al., 2015). Dans ces conditions, une invalidation spécifique dans les macrophages de RIP140, non seulement réduit l’infiltration des macrophages M1, mais augmente la proportion de macrophages M2 anti-inflammatoires, ce qui conduit au « brunissement » du tissu adipeux blanc et à une restauration de la sensibilité à l’insuline (Liu et al., 2014) (Figure 29).

Figure 29 Rôle de RIP140 dans le tissu adipeux

Adapté de (Nautiyal, 2017)

Dans les muscles squelettiques, RIP140 est aussi un régulateur clé du métabolisme énergétique. Deux types principaux de fibres musculaires se distinguent en fonction de leur métabolisme énergétique. Les fibres glycolytiques, correspondent à des fibres à contraction rapide qui dépendent de la respiration anaérobie, alors que les fibres oxydatives sont des fibres à contraction lente qui nécessitent des taux élevés de phosphorylation oxydative et l’oxydation des acides gras. Les fibres musculaires oxydatives remplacent les fibres glycolytiques chez les souris RIPKO (Seth et al., 2007). RIP140 est plus fortement exprimé dans les fibres glycolytiques et son niveau d’expression détermine le mode d’utilisation de l’énergie dans les muscles ainsi que le changement du type de fibre prédominant (Fritah et al., 2012). Le cœur est un muscle dont la fonction contractile repose sur une importante activité

mitochondriale de synthèse d’ATP. RIP140 est peu exprimé au sein du muscle cardiaque et sa surexpression chez des souris transgéniques entraîne rapidement une hypertrophie cardiaque, une fibrose ventriculaire et une augmentation de la mortalité dans les quatre premières semaines de vie. La répression des gènes cible de RIP140 impliqués dans le métabolisme des acides gras, dans la biogenèse et les fonctions mitochondriales, est étroitement liée avec la pathologie cardiaque qui apparaît comme une conséquence de la diminution de l’activité mitochondriale et de la consommation d’oxygène (Fritah et al. 2010).

4.3.2. Inflammation

Les récepteurs Toll-Like (TLR, Toll-Like receptors) permettent à l’organisme de reconnaître une infection microbienne, un dommage tissulaire et d’initier la réponse immunitaire innée, en stimulant la production de cytokines pro-inflammatoires. Le phénomène de tolérance des endotoxines (ET, Endotoxin Tolerance) est un mécanisme protecteur qui évite la surproduction de cytokines proinflammatoires en réponse à une infection. En l’absence de ce processus d’ET, l’incidence de chocs septiques et la mortalité associée augmenteraient. En qualité plus rare de coactivateur, RIP140 stimule les processus inflammatoires et participe à la régulation positive de l’expression de cytokines pro-inflammatoires par les macrophages exposés à des ligands TLR (Toll-Like receptors). Ce rôle coactivateur de RIP140 repose sur sa capacité à interagir directement avec la sous-unité activatrice, RelA, du facteur NF-κB, régulateur clé de l’inflammation dans de nombreux tissus. RIP140 recrute pour ce faire la protéine de liaison CREB (CBP, cAMP-Response

Element (CREB)-Binding Protein) qui est une histone acétylase. RIP140 favorise l’expression

de cytokines pro-inflammatoires, telles que l’IL-6, le TNFα, et l’IL-1β, ce qui est cohérent avec ses rôles métaboliques (Zschiedrich et al., 2008). Certains ligands TLR peuvent entraîner la dégradation de RIP140, permettant la résolution de la réponse inflammatoire et contribuant à l’ET. De plus, la sous-unité RelA apparaît capable de moduler sa propre activité transcriptionnelle en recrutant un complexe qui conduit à la dégradation ciblée de son coactivateur. En effet, la phosphorylation de résidus tyrosine de RIP140 par la protéine Syk et le recrutement d’une E3 ligase dépendant de RelA sont les prérequis de sa dégradation déclenchée par un lipopolysaccharide (LPS). L’invalidation spécifique de RIP140 dans les macrophages conduit à une diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires. La capacité de l’INFγ (INterFeron γ) à restaurer la sensibilité aux endotoxines semble ainsi liée à l’inhibition de la dégradation de RIP140 (Ho et al., 2012).

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4.3.3. Ovulation et développement de la glande mammaire

Les souris adultes femelles RIPKO présentent un retard de maturation sexuelle, en lien avec le vieillissement et des niveaux réduits d’IGF1 circulant (IGF1, Insulin Growth Factor

1) (Yuan et al., 2012). Ces souris sont stériles par défaut d'ovulation, malgré un œstrus normal

(Nautiyal et al., 2013c; White et al., 2000). La folliculogenèse, de même que la lutéinisation se déroulent normalement, mais le corps jaune retient l’ovocyte, expliquant ce phénotype d’anovulation (Leonardsson et al., 2002; Nautiyal et al., 2010; White et al., 2000). Des défauts de la régulation transcriptionnelle et de l’expression dépendantes de RIP140 des facteurs de croissance de la famille EGF-like (Epidermal Growth Factor), tels que l’amphiréguline (AREG), l’épiréguline (EREG) et la bétacellulin (BTC), ont été mis en évidence (Tullet et al., 2005). La perte d’expression de ces facteurs entrave l’expansion du

cumulus oophorus, qui correspond aux cellules qui entourent l’ovocyte et accompagnent sa

sortie de l’ovaire (Figure 30). Une analyse du promoteur Areg dans des cellules de la granulosa, a permis de mettre en évidence sa régulation d’expression par RIP140 par l’intermédiaire de la coactivation des facteurs de transcription CREB et c-Jun (Nautiyal et al., 2010). Le phénotype de ces souris est très proche de celui du syndrome du follicule lutéinisé non rompu, responsable de stérilité chez la femme (White et al., 2000).

Figure 30 Expansion du cumulus oosphorus nécessaire à l'ovulation

Adapté de (Nautiyal, 2017)

Les souris RIPKO présentent en outre, de graves défauts de développement de la glande mammaire. La croissance des canaux lactifères à la puberté est principalement affectée, entraînant chez les souris adultes un réseau épithélial très peu développé. L’épithélium mammaire débute son expansion par une division cellulaire massive sous l’influence des œstrogènes qui agissent par l’intermédiaire d’ERα et les actions mitogéniques paracrines d’Areg. Or l’expression de ce facteur de croissance, indispensable au développement de la glande mammaire, est sous le contrôle de facteurs de transcription (c-Jun et CREB),

eux-mêmes régulés par RIP140. A l’inverse, la glande mammaire des souris transgéniques, qui surexpriment de manière constitutive RIP140, exhibe une croissance précoce, de nombreuses ramifications latérales avec une hyperplasie des canaux lactifères (Nautiyal et al., 2013c) (Figure 31). Ces souris transgéniques meurent trop rapidement de cardiomyopathies, en lien avec le métabolisme énergétique, pour permettre l’étude de la tumorigenèse de la glande mammaire (Fritah et al., 2010).

Figure 31 Importance de RIP140 dans le développement de la glande mammaire

Adapté de (Nautiyal, 2017)

Cependant, l’analyse de populations cellulaires mammaires issues de ces souris transgéniques a démontré que la surexpression de RIP140 entraîne une augmentation de la population de cellules basales. Dans la population luminale, il a été mis en évidence une augmentation préférentielle des cellules progénitrices par rapport aux cellules différenciées, indiquant que RIP140, en favorisant la prolifération et bloquant la différenciation, participe à la détermination du destin cellulaire dans la glande mammaire. Des analyses globales par ChIP-seq (Chromatin ImmunoPrecipitation-sequencing) des sites de fixation du récepteur ERα dans les tissus mammaires, ont révélé que certains des régulateurs du développement de la glande mammaire, qui sont des gènes cible d’ER, sont transcriptionnellement coactivés par RIP140 (Nautiyal et al., 2013c).

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4.3.4. Cognition

RIP140 est fortement exprimé dans le cerveau des souris au niveau des aires corticales et hippocampiques, depuis le stade embryonnaire (Lee et al., 1998). Cette expression tend cependant à diminuer avec l’âge. Une augmentation de l’expression de RIP140 a été mise en évidence dans l’hippocampe des patients atteints d’un syndrome de Down (Gardiner, 2006), ce qui s’explique par la localisation au niveau du chromosome 21 du gène codant RIP140. Cette surexpression contribuerait, par ces effets sur le coactivateur du PPARγ (PGC-1), aux dysfonctions chromosomiques et à la sévérité phénotypique de ce syndrome (Izzo et al., 2014). Les interactions de RIP140 avec des récepteurs impliqués dans les processus de plasticité cérébrale, tels qu’ERα ou GR, renforcent la possibilité d’une implication de RIP140, tout en compliquant son décryptage. Des tests comportementaux ont été réalisés sur des souris mâles RIPKO, âgées de 2 mois, dépourvues d’altération morphologique corticale et/ou hippocampique. La coordination motrice et l’activité générale ne sont pas significativement différentes avec celles des animaux sauvages. Il a été observé une diminution de la vitesse de nage chez les souris RIPKO, mais qui peut être attribuée à la faiblesse musculaire de ces individus en comparaison aux sauvages ou encore par l’altération de la signalisation GR (Kolber et al., 2008). Les souris RIPKO présentent des défauts de mémorisation spatiale marqués, là où les souris hétérozygotes exhibent seulement une tendance de diminution de ces capacités (Duclot et al., 2012). Ces données illustrent le rôle bénéfique de RIP140 sur les fonctions cognitives, qui pourrait expliquer la déficience atténuée de l’apprentissage chez des animaux trisomiques pour le chromosome 21, ainsi que les nombreuses perturbations métaboliques et développementales associées à ce syndrome (Gardiner et al., 2010). Il a été démontré que la translocation cytoplasmique de RIP140, dans les neurones hippocampiques, les protège de la mort cellulaire induite par le stress calcique du réticulum endoplasmique (RE). En effet, une fois dans le cytoplasme, l’extrémité C-terminale de RIP140 se lie à l’extrémité C-terminale du récepteur de l’inositol triphosphate (IP3R) responsable de la libération de calcium, localisé au niveau de la membrane du RE. Cette interaction empêche l’ouverture du canal calcique gardé par IP3R et la libération excessive et toxique de Ca2+ (Feng et al., 2014). RIP140 participerait également à la différenciation des cellules N2A de neuroblastome in vitro (Feng et al., 2015). L’implication de RIP140 dans la maladie d’Alzheimer a été récemment mise en évidence. Il est principalement exprimé dans les aires affectées, corticales et hippocampiques, et le contrôle négatif de l’expression de gènes impliqués dans la formation des plaques β-amyloïdes par un mécanisme dépendant des PPARγ supportent ce rôle (Blondrath et al., 2016).