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3. La réparation de l’ADN

3.5. Le système de réparation des mésappariements (MMR)

3.5.4. Efficacité des agents cytotoxiques et système MMR

Le système MMR est impliqué dans la réparation et la cytotoxicité d’un certain nombre de lésions causées notamment par les agents alkylants (SN1), la 6-thioguanine, les fluoropyrimidines, le cisplatine et les UV. Définir le rôle exact du système MMR dans l’induction de la mort cellulaire due à ces différents agents est compliqué par le large spectre de dommages provoqués et la convergence de multiples voies de réparation dans le traitement de ces lésions (BER, NER, DSBR) (cf. sections 3.2, 3.3, 3.4).

Les agents alkylants tels que le N-méthyl-N’-nitrosoguanidine (MNNG), le méthylnitrosourée (MNU) et le témozolomide sont capables de méthyler les quatre bases de l’ADN, produisant des lésions qui sont des substrats de l’O6-méthylguanine-méthyltransférase (MGMT) et du système BER. Dans le cas des agents alkylants de type SN1 (Tableau 11), la réponse aux dommages (DDR) requiert des composants du système MMR. Des défauts des complexes MutSα ou MutLα ont été associés à la tolérance de lésions potentiellement cytotoxiques dont l’exposition prolongée n’est plus reliée à la mort cellulaire (Karran, 2001). Les lésions du type O6-méthylguanine (O6-MG) sont des contributeurs majeurs des effets mutagéniques et cytotoxiques des agents alkylants. De faibles doses de MNNG induisent un arrêt du cycle cellulaire en phase G2/M, lors du second cycle cellulaire après exposition, dépendant du système MMR après activation d’ATR (Jiricny, 2013). L’apoptose qui s’ensuit est dirigée dans la plupart des cas par la phosphorylation de p53 qui nécessite la fonctionnalité des complexes MutSα et MutLα (Brown et al., 2003; Kim et al., 2007). Le rôle des protéines MMR dans l’arrêt du cycle cellulaire explique en partie la perte de sensibilité des cellules déficientes en protéines MMR à certaines molécules cytotoxiques. Lorsqu’une lésion O6-MG est présente dans l’ADN au cours de la réplication, la synthèse d’ADN par une polymérase réplicative ou translésionnelle (TLS) peut entraîner la génération de mésappariements qui vont être reconnus et pris en charge par le système MMR. L’excision et la synthèse assurées par le MMR concernent uniquement le brin néosynthétisé, la lésion O6-MG peut donc persister si elle est située sur le brin parent et conduire à la formation d’un nouveau

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mésappariement et des cycles itératifs de réparation MMR infructueux, nommés cycles futiles (Li, 2007). La persistance de l’O6-MG finit par entraîner une collapse de la fourche de réplication et une cassure double brin activant les points de contrôle du cycle cellulaire et finalement l’apoptose induite par p53 (York and Modrich, 2006).

Type de substance Molécules Métabolite cytotoxique Mécanisme d’action

Substitution nucléophile SN1 Agents méthylants méthyl-nitrosourea (MNU), N- méthyl-N’-nitro-N-nitrosoguanidine (MNNG) Témozolomide, Procarbazine Dacarbazine 6-O-méthyl-2’-déoxyguanosine Me

G s’apparie avec T durant la réplication. Lésions traitées sans succès par le système MMR, arrêt du cycle cellulaire en G2. Antimétabolites 6-Thioguanine (6-TG) 6-S-méthylthio-2’-déoxyguanosine Idem ci-dessus 2 cycles de réplication nécessaires 6-TG incorporée à l’ADN avant d’être méthylée

Agents responsables d’ICLs Cis-diamine-dichloroplatinum (II) (CDDP, cisplatine)

Lésion réparée par NER Si persiste jusqu’à la

réplication, arrêt de la fourche Implication du MMR

1-(-2-chloroéthyl)-3-cyclohexyl-nitrosourea (lomustine, CCNU), mitomycine-C (MMC)

Groupement chloroéthyl réagit avec brin d’ADN opposé créant une liaison covalente. Cellules MMRd plus sensibles Rôle système MMR inconnu.

Tableau 11 Substances dont la cytotoxicité est dépendante du statut du système MMR

(Jiricny, 2006)

Le système MMR est impliqué dans la réparation et la cytotoxicité d’agents tels que le cisplatine qui forment des adduits volumineux sur l’ADN. Le plus fréquent est la formation de liaisons croisées intrabrins impliquant des bases puriques adjacentes, prises en charge par le système NER. Le cisplatine engendre aussi la formation de liaisons croisées interbrins (ICL, Interstrand Cross-Links), plus toxiques par le blocage complet de la réplication et de la transcription qu’elles induisent. Il n’est pas encore évident de comprendre comment le système MMR participe à la réparation de ces ICLs ou en module la cytotoxicité, car il est loin d’être le seul à répondre à ce type de dommage (Pani et al., 2007). Cependant il a été

démontré que MutSβ se lie au cisplatine in vitro et que le système MMR assure la cytotoxicité du cisplatine au travers d’une voie de signalisation des caspases (Topping et al., 2009). Un défaut de MSH3 est capable d’inhiber complètement le processus de recombinaison homologue nécessaire à la prise en charge de ces lésions (Park et al., 2013a).

Les polymérases translésionnelles peuvent encore outrepasser la lésion et poursuivre la synthèse d’ADN, fournissant potentiellement un substrat à la recombinaison homologue pour réparer une cassure double brin (Zhang and Walter, 2014). Au vu de nos connaissances sur le fonctionnement canonique du système MMR, il semble peu probable que le système MMR participe directement au retrait des ICLs, mais il est sûrement apte à moduler d’autres intervenants tels que la HR ou les TLS (Pabla et al., 2011; Spies and Fishel, 2015).

Les dommages oxydatifs de l’ADN sont en premier lieu gérés par le système BER. Mais le système MMR intervient dans la réparation de certaines lésions, notamment les mésappariements dus à la 7,8-dihydro-8-oxo-guanine (8-oxoG), où il est capable d’exciser la lésion 8-oxoG et de cibler les mésappariements 8-oxoG :A (Bridge et al., 2014). Une voie non canonique, indépendante de la voie BER et de MLH1 a été mise en évidence, qui semble cohérente avec l’augmentation de sensibilité aux agents oxydants observées avec les cellules déficientes en protéine MSH2, mais non en MLH1 (Martin et al., 2009). La reconnaissance par MutSα et l’excision de la lésion oxydative entraîne la monoubiquitinylation de PCNA et le recrutement de la polymérase translésionnelle Polη, au lieu des polymérases réplicatives Polδ ou ε (Zlatanou et al., 2011).

Le système NER est le premier à intervenir en réponse aux dommages induits par les UV. Cependant la fréquence des tumeurs de la peau induite par les UV est plus importante chez les souris MSH2 déficientes de même que le nombre de mutations des cellules de mammifères MMRd (Borgdorff et al., 2006). Un nouveau rôle du système MMR a été mis en évidence par l’exposition de cellules souches embryonnaires de souris, déficientes en système NER et/ou MMR, aux UV. Il s’agit d’une réparation post synthèse translésionnelle (TLS, Translesion

Synthesis) (cf. section 3.6) dans les cellules prolifératives. Le complexe MutSα cible les

mésappariements occasionnés par les TLS face aux lésions induites par les UV, en aval des réponses NER et TLS, activant la signalisation ATR et des cassures chromosomiques au cycle suivant (Tsaalbi-Shtylik et al., 2015). Dans le cadre du syndrome de Lynch, la perte de cette réparation post-TLS, la mutagenèse élevée inhérente au syndrome et l’exposition constante de l’intestin à de multiples agents génotoxiques pourraient expliquer le tropisme colorectal caractéristique de ce syndrome.

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