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Régulations épigénétiques au locus 4q35 par des complexes protéiques et des ARN non codants

1. INTRODUCTION GENERALE

1.3. D ESCRIPTION GENETIQUE DE LA FSHD

1.3.5. Modifications épigénétiques associées à la FSHD

1.3.5.1. Modifications de la condensation de la chromatine dans la FSHD

1.3.5.1.6. Régulations épigénétiques au locus 4q35 par des complexes protéiques et des ARN non codants

Un autre niveau de régulation de la transcription des gènes fait intervenir des facteurs protéiques qui reconnaissent des séquences spécifiques d’ADN. Ces facteurs protéiques peuvent activer ou au contraire empêcher l’expression de gènes. De ce fait, un des mécanismes proposé pour la FSHD est une modification des interactions protéiques aux répétitions D4Z4 impactant le profil d’expression des gènes du locus 4q35 (Gabellini et al., 2002).

Chaque répétition D4Z4 contient une séquence de 27bp appelée DBE (D4Z4 Binding

Element) (CCATTCATGAAGGGGTGGAGCCTGCCT) (Gabellini et al., 2002). Cette

séquence est un élément de répression transcriptionnelle. Elle permet le recrutement de protéines du complexe Polycomb dont notamment le facteur de transcription YY1 (Yin Yang

1), la protéine EZH2 (Enhancer of Zeste Homolog 2), la protéine associée à la chromatine

non-histone HMGB2 (High-Mobility Group Protein B2) et la nucléoline qui compose plusieurs complexes de facteurs de transcription (Cabianca et al., 2012; Déjardin and Kingston, 2009; Gabellini et al., 2002; Hanakahi et al., 1997; Infante et al., 2015; Margueron and Reinberg, 2011; Schulz et al., 2001; Thomas and Seto, 1999; Thomas and Travers, 2001; Ying et al., 2000). De manière intéressante, HMGB2 peut interagir avec HP1 pour former un complexe de répression transcriptionnelle (Lehming et al., 1998). Les protéines du complexe Polycomb sont également retrouvées enrichies en amont des répétitions D4Z4, au niveau d’un

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élément appelé NDE (NonDeleted Element) (Cabianca et al., 2012). Le complexe Polycomb, et le complexe antagoniste Trithorax, constituent des groupes d’éléments qui modifient l’architecture de la chromatine et par conséquent l’expression des gènes à proximité de leurs sites de fixation (Ringrose and Paro, 2004; Schuettengruber et al., 2007). La présence de protéines du complexe Polycomb aux répétitions D4Z4 et en amont des répétitions D4Z4 chez les individus contrôles induit une répression des gènes avoisinants par mise en place d’hétérochromatine (Cabianca et al., 2012; Gabellini et al., 2002).

Cependant, le motif DBE n’est pas uniquement un site de recrutement des protéines du complexe Polycomb. Chez les patients FSHD, la séquence démarrant au motif DBE et se poursuivant au-delà du site NDE localisé en amont des répétitions D4Z4, est transcrite en un long ARN non codant (dit antisens) nommé DBE-T (D4Z4 Binding Element-Transcript) (Block et al., 2012; Cabianca et al., 2012) (Figure 16). DBE-T joue un rôle positif sur la transcription des gènes en cis au locus 4q35. En effet, il permet de modifier la structure chromatinienne en recrutant des protéines du complexe Trithorax, dont ASH1L (ASH1 Like

histone lysine methyltransferase) (Cabianca et al., 2012; Gregory et al., 2007;

Schuettengruber et al., 2007). Par ailleurs, dans un schéma de boucle rétro-positive, ASH1L active la transcription de DBE-T (Cabianca et al., 2012).

Ainsi, il est supposé que chez les individus contrôles, le recrutement de protéines du complexe Polycomb principalement aux séquences DBE de chaque répétition D4Z4, ainsi qu’au motif NDE, induit une répression de la transcription des gènes au locus 4q35 par établissement d’une structure d’hétérochromatine (Cabianca et al., 2012; Gabellini et al., 2002) (Figure 16). Chez les patients FSHD, la réduction du nombre de répétitions D4Z4 a pour conséquence une réduction de la fixation du nombre de complexes répresseurs totaux et une transcription de l’ARN non codant DBE-T (Figure 16). La production de DBE-T permet alors le recrutement de protéines du complexe Trithorax et donc une levée de la répression des gènes de la région 4q35 par perte des marques épigénétiques répressives (Bodega et al., 2009; Cabianca et al., 2012; Gabellini et al., 2002) (Figure 16). Cependant, un rôle de DBE-T dans le développement de la FSHD est à moduler. En effet, des patients FSHD présentant des délétions majeures juste en amont des répétitions D4Z4, incluant la séquence NDE, ont été décrits (Deak et al., 2007; Lemmers et al., 2003). Chez ces patients, un rôle de DBE-T dans le développement de la FSHD est donc exclu.

60 FIGURE 16. Modèle de la régulation transcriptionnelle des gènes au locus 4q35 médiée par les protéines du complexe Polycomb et Trithorax chez des individus contrôles et des patients FSHD. Chez

les individus contrôles, des protéines du complexe Polycomb (rond gris foncé) sont recrutées aux séquences DBE présentes au niveau de chaque répétition D4Z4 (triangle gris). Le complexe Polycomb

permet une répression transcriptionnelle des gènes du locus 4q35. Chez les patients FSHD, la contraction des répétitions D4Z4 réduit le recrutement du nombre de complexes Polycomb totaux et permet une transcription de l’ARN non codant DBE-T. La production de DBE-T induit le recrutement de protéines du complexe Trithorax (rond noir). La répression transcriptionnelle des gènes en 4q35 est

levée (adapté de Cabianca et al., 2012; Gabellini et al., 2002).

La conséquence de la perte des marques épigénétiques associées à l’hétérochromatine est donc une potentielle levée de la répression transcriptionnelle des gènes localisés à proximité du locus FSHD. Cette idée est confortée par la découverte d’un enhancer au niveau du motif D4Z4 (position 1 à 170) (Petrov et al., 2008). L’activité de cet enhancer est dépendante de la fixation du facteur de transcription KLF15 (Krüppel-Like Factor 15) (Dmitriev et al., 2011). L’expression de KLF15 est contrôlée par les facteurs de transcription myogéniques comme MyoD. Par conséquent, KLF15 est exprimé durant la différenciation musculaire. Par ailleurs, les facteurs de transcription myogéniques sont plus exprimés dans les cellules de patients FSHD comparées aux cellules d’individus contrôles (Broucqsault et al., 2013; Dmitriev et al., 2011). Il en résulte une augmentation plus importante de la fréquence de transcription de KLF15 dans les myoblastes et myotubes de patients FSHD, en comparaison aux myoblastes et myotubes d’individus contrôles. L’activité enhancer des répétitions D4Z4 est alors plus importante dans les cellules de patients FSHD (Dmitriev et al., 2011).

Ainsi, il est supposé qu’au cours de la différenciation musculaire, en présence de marques épigénétiques répressives (méthylation de l’ADN, modification post-traductionnelles de la queue des histones) (associées ou non à la contraction des répétitions D4Z4), l’enhancer n’est

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pas accessible à la faible quantité de protéines KLF15. De ce fait, la transcription des gènes au locus FSHD n’est pas favorisée (Figure 17). A l’inverse, chez les patients FSHD, une forte expression de KLF15, associée à la perte des marques épigénétiques répressives aux répétitions D4Z4, permet la fixation de KLF15 à l’enhancer, et par conséquent, l’activation transcriptionnelle des gènes en 4q35 dont la dérégulation confère un phénotype FSHD (Dmitriev et al., 2011) (Figure 17).

FIGURE 17. Modèle d’activation de l’enhancer aux répétitions D4Z4 par le facteur de transcription KLF15 au cours de la différenciation musculaire chez des patients FSHD ou des individus contrôles. L’expression de KLF15 est contrôlée par les facteurs de transcription myogéniques. Chez les individus

contrôles, peu de protéines KLF15 sont produites. De plus, les marques chromatiniennes répressives empêchent la fixation de KLF15 aux séquences enhancer présentes au niveau de chaque répétition D4Z4. La transcription des gènes du locus FSHD n’est pas favorisée. A l’inverse, chez les patients

FSHD, la fréquence de transcription de KLF15 est plus élevée en raison d’une expression plus importante des facteurs myogéniques. Cette forte expression de KFL15, associée à une perte des

marques épigénétiques répressives, permet la fixation de KFL15 à l’enhancer. Il en résulte une activation transcriptionnelle des gènes en 4q35 et un phénotype FSHD (adapté de Dmitriev et al.,

2011)