• Aucun résultat trouvé

Mécanisme et rôle de la polyadénylation des ARNm

1. INTRODUCTION GENERALE

1.6. P ROJET DE THESE

1.6.1. Mécanisme et rôle de la polyadénylation des ARNm

Au cours de ma thèse, nous avons développé une stratégie thérapeutique innovante pour la FSHD. Nous avons décidé de cibler les éléments clés en 3’ de l’ARNm DUX4 afin de le déstabiliser et d’inhiber la synthèse protéique. En effet, le clivage et la polyadénylation des ARNm en 3’ sont des mécanismes essentiels à la maturation de la majorité des ARNm des eucaryotes (Danckwardt et al., 2008; Millevoi and Vagner, 2010; Proudfoot, 2011; Zhao et al., 1999). Chez l’Homme, ces réactions ont lieu dans le noyau. Ce sont des étapes co-transcripitonnelles qui sont dirigées pas plus de 80 protéines et par des séquences régulatrices en cis (Danckwardt et al., 2008; Mandel et al., 2008; Nunes et al., 2010; Shi and Manley, 2015). La région de clivage est définie par trois séquences clés en 3’ de l’ARNm qui sont : (i) une séquence hexamérique qui correspond au signal de polyadénylation, (ii) un site de clivage positionné 20 à 30 nucléotides en aval du signal de polyadénylation, et (iii) une région riche en résidus G/U ou U (Downstream sequence element, DSE) localisée plus de 30 nucléotides après le site de clivage (Danckwardt et al., 2008) (Tableau 5 et Figure 40).

D’un point de vue mécanistique, le complexe protéique CPSF (Cleavage and Polyadenylation

Specificity Factor) reconnait tout d’abord la séquence consensus du signal de polyadénylation

(Danckwardt et al., 2008; Keller et al., 1991) (Figure 40). Chez l’humain et la souris, plusieurs séquences hexamèriques avec des fréquences d’apparition variables en 3’ des ARNm ont été identifiées comme des signaux de polyadénylation. Les séquences AAUAAA et AUUAAA sont les plus communes (Beaudoing et al., 2000; Tian et al., 2005) (Tableau 5). Le complexe protéique CstF (Cleavage stimulating Factor) se fixe ensuite au niveau de la région riche en résidus G/U et U, alors que les facteurs de clivage CF (Cleavage Factor) se positionnent au niveau de la future région de clivage (Danckwardt et al., 2008; MacDonald et al., 1994) (Figure 40). Le recrutement de l’ensemble de ces protéines conduit à un clivage endonucléolytique. Deux fragments sont générés : un fragment avec un groupe hydroxyle sortant en 3’ et un fragment avec un groupe phosphate sortant en 5’ (Figure 40). Le fragment avec le groupe phosphate sortant en 5’ et lié au complexe CstF est immédiatement dégradé par des exonucléases. La polymérase Poly(A) (PAP Poly(A) Polymerase) ajoute alors environ 250 adénosines, par catalyse de la réaction de polymérisation des adénosines à partir des adénosines triphosphates, au niveau du fragment possédant le groupe hydroxyle libre en 3’ (Figure 40). Cette queue poly(A) est ensuite recouverte par la protéine de liaison poly(A)

132

PABP (Poly(A) Binding Protein) (Figure 40). La fixation de PABP ne peut se faire que si la queue poly(A) est composée d’au moins dix adénosines. Par ailleurs, PABP stimule la réaction de polyadénylation catalysée par PAP et régule la taille de la queue poly(A) (Kerwitz et al., 2003; Kühn et al., 2009). Une interaction entre PABP et les facteurs d’initiation de la traduction en 5’ de l’ARNm induit une circularisation de l’ARNm (Danckwardt et al., 2008; Mandel et al., 2008; Zhao et al., 1999) (Figure 40). Cette maturation est généralement nécessaire à l’export de l’ARNm, et joue un rôle dans la stabilité et l’efficacité de la traduction de l’ARNm (Danckwardt et al., 2008; Mangus et al., 2003; Millevoi and Vagner, 2010).

TABLEAU 5. Séquences hexamèriques identifiées comme des signaux de polyadénylation chez l’Homme et la souris. Ces signaux de polyadénylation sont classés par fréquence d’utilisation (adapté de Beaudoing et al., 2000; Tian et al., 2005).

Fréquences (Tian et al., 2005)

Fréquences (Beaudoing et al., 2000)

Séquence de six

nucléotides Humain Souris Humain

AAUAAA 53.18 59.16 58.2 AUUAAA 16.78 16.11 14.9 UAUAAA 4.37 3.79 3.2 AGUAAA 3.72 3.28 2.7 AAGAAA 2.99 2.15 1.1 AAUAUA 2.13 1.71 1.7 AAUACA 2.03 1.65 1.2 CAUAAA 1.92 1.80 1.3 GAUAAA 1.75 1.16 1.3 AAUGAA 1.56 0.90 0.8 UUUAAA 1.20 1.08 1.2 ACUAAA 0.93 0.64 0.6 AAUAGA 0.60 0.36 0.7 AAAAAG - - 0.8 AAAACA - - 0.5 GGGGCU - - 0.3

133 FIGURE 40. Mécanismes de clivage et de polyadénylation des ARNm en 3’. La région de clivage est définie par trois séquences clés en 3’ de l’ARNm qui sont : une séquence héxamérique qui correspond au signal de polyadénylation (AAUAAA ici), un site de clivage (CS) positionné 20 à 30 nucléotides en

aval du signal de polyadénylation, et une région riche en résidus G/U ou U (DSE Downstream

sequence element) localisée plus de 30 nucléotides après le site de clivage. La première étape du

mécanisme de maturation en 3’ du pré-ARNm implique la fixation du complexe multiproteique CPSF sur le signal de polyadénlaytion, du complexe CstF sur le signal DSE et des protéines CF au niveau du site de clivage. Le recrutement de l’ensemble de ces protéines induit un clivage endonucléolytique. Cette étape est suivie par l’ajout d’une queue polyA d’environ 250 adénosines en 3’ libre de l’ARNm

par la polymérase PAP. Cette queue poly(A) est recouverte par les protéines PABP, qui permettent, par interaction avec les facteurs d’initiation de la traduction en 5’, la circularisation de l’ARNm. AAUAAA : signal de polyadenylation ; DSE : Downstream sequence element ; CS : Site de clivage ; CstF : Cleavage stimulating Factor; CPSF : Cleavage/Polyadenylation specificity factor ; PolII : RNA

Polymerase II ; PAP : Poly(A) polymerase ; PABP : Poly(A) Binding Protein ; eIF4A/G/E : eukaryotes initiation factor 4A/G/E (adapté de Danckwardt et al., 2008).

Comme pour tous les ARNm, la stabilité de l’ARNm DUX4 est modulée par l’ajout d’une queue poly(A). Ceci a été mis en évidence par l’étude de la région en aval de la dernière

134

répétition sur le chromosome 4qA et 10qA, puis la découverte de patients FSHD avec des réarrangements mitotiques entre ces deux chromosomes (Lemmers et al., 2004a, 2010a, 2012a). Les séquences qui gouvernent l’ajout d’une queue poly(A) sont situées dans l’exon 3 de l’ARNm DUX4 et sont donc uniquement associées à l’haplotype 4/10qA. Cependant, une contraction des répétitions D4Z4 sur le chromosome 10qA ne permet pas la production d’un ARNm stable (Lemmers et al., 2010a). En effet, sur le chromosome 4qA, l’exon 3 de DUX4 contient le signal de polyadénylation ATTAAA, tandis que sur le chromosome 10qA, un polymorphisme affecte la séquence du signal de polyadénylation, qui devient alors AUCAAA ou AUUUAA. Ces séquences hexamèriques ne sont pas décrites comme des signaux de polyadénylation (Beaudoing et al., 2000; Lemmers et al., 2010a; Tian et al., 2005). Ainsi, les transcrits DUX4 issus des répétitions D4Z4 présentes sur le chromosome 10qA ne peuvent être stabilisés par l’ajout d’une queue poly(A) en l’absence d’un signal de polyadénylation fonctionnel et sont donc dégradés.

L’importance de ce signal de polyadénylation est également démontrée par le cas d’un individu atteint de FSHD, porteur d’une contraction des répétitions D4Z4 sur le chromosome 10qA mais pas sur le chromosome 4qA. Chez cet individu, des transcrits DUX4 stables sont produits à partir du chromosome 10qA. Ceci est possible suite à une translocation du chromosome 4 vers le chromosome 10 d’un fragment démarrant au niveau de la dernière répétition D4Z4 et se poursuivant jusqu’au télomère. Cette translocation apporte un signal de polyadénylation fonctionnel sur le chromosome 10qA en aval de la dernière répétition D4Z4 (Lemmers et al., 2010a).