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Mécanismes hypothétiques expliquant une redirection du site de clivage en présence

3. DISCUSSION ET PERSPECTIVES

3.2. R EDIRECTION DU SITE DE CLIVAGE EN PRESENCE D ’ OLIGONUCLEOTIDES ANTISENS

3.2.1. Mécanismes hypothétiques expliquant une redirection du site de clivage en présence

La littérature rapporte que plus de 50% des ARNm ont au moins deux signaux de polyadénylation (Beaudoing et al., 2000; Tian et al., 2005). Les évènements de polyadénylation alternatifs constituent un mécanisme de contrôle de l’expression des gènes dans l’espace et le temps (Danckwardt et al., 2008; Hall-Pogar et al., 2005; Zhao and Manley, 1996). Pour les ARNm contenant plusieurs signaux de polyadénylation, le choix du site de clivage est influencé par : i) la composition et la taille des séquences régulatrices, dont le signal de polyadénylation et le DSE, ii) la concentration ou l’activité des facteurs de polyadénylation aux différentes séquences régulatrices et iii) la présence ou non de facteurs régulateurs spécifiques exprimés à des temps ou dans des tissus particuliers (Barabino and

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Keller, 1999; Danckwardt et al., 2008). Par exemple, la protéine PABPN1 intervient dans les événements de polyadénylation alternatifs en supprimant l’usage de signaux de polyadénylation alternatifs faibles (Jenal et al., 2012). Par ailleurs, des évènements de polyadénylation alternatifs peuvent avoir lieu lorsque le signal de polyadénylation est défaillant dans le dernier exon.

DUX4 appartient à la famille des ARNm possédant plusieurs signaux de polyadénylation. Sur

une distance de 1kb en aval du signal de polyadénylation canonique ATTAAA, huit signaux de polyadénylation alternatifs sont identifiés (Figure 55) (Beaudoing et al., 2000; Tian et al., 2005). Cependant, aucun phénomène de polyadénylation alternatif n’a été décrit pour DUX4 à ce jour. De plus, des mutations dans le signal de polyadénylation canonique, comme c’est le cas au niveau du chromosome 10qA, n’induisent pas d’évènements de polyadénylation alternatifs, ni la production d’un ARNm DUX4 stable (Lemmers et al., 2010a).

FIGURE 55. Localisation des différents signaux de polyadénylation alternatifs sur une distance de 1kb en aval du signal de polyadénylation canonique de DUX4.

3.2.1.1. Mécanismes hypothétiques de redirection du site de clivage in

vitro

L’utilisation d’AOs ciblant les éléments clés en 3’ du pré-ARNm ne conduit pas toujours à une déstabilisation de l’ARNm. En effet, au cours de nos études, nous avons observé que les AOs pouvaient induire une redirection du site de clivage. L’ARNm alors produit est stable et présente une queue poly(A). Le mécanisme à l’origine de cette redirection en présence des AOs n’a pas encore été élucidé. Nous supposons que l’AO génère un encombrement stérique ou modifie la structure secondaire du pré-ARNm au niveau du signal de polyadénylation et/ou du site de clivage. Les facteurs de polyadénylation et/ou de clivage sont alors forcés d’utiliser un autre signal de polyadénylation ou site de clivage généralement localisé en aval des signaux canoniques.

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L’utilisation du PMO-CS3 in vitro induit, pour une certaine fraction d’ARNm DUX4, une redirection vers un site de clivage à environ 40 nucléotides en amont du signal de polyadénylation canonique, alors que dans les quelques articles décrivant ce phénomène, la redirection du site de clivage s’effectue en aval (Danckwardt et al., 2008; Raz et al., 2014; Vickers et al., 2001). Par ailleurs, ce nouveau site de clivage n’est associé à aucun signal de polyadénylation alternatif décrit (Beaudoing et al., 2000; Tian et al., 2005). Le PMO-CS3 masque en partie le signal de polyadénylation canonique et le site de clivage. Une hypothèse est qu’en l’absence d’un signal de polyadénylation alternatif fort, c’est-à-dire pour lequel les facteurs de polyadénylation et de clivage présentent une forte affinité, une redirection du site de clivage pourrait s’effectuer vers un nouveau site localisé quelques bases en aval ou en amont du signal de polyadénylation canonique. Cette redirection de quelques bases implique tout de même, en présence de l’AO, une reconnaissance des séquences régulatrices canoniques de polyadénylation de l’ARNm DUX4 par les facteurs protéiques impliqués dans la maturation en 3’ des ARNm. Bien que dans cette hypothèse l’AO n’empêche pas le recrutement des protéines (en raison d’une hybridation partielle de l’AO à l’ARNm cible par exemple), la présence de l’AO au site de clivage empêche le clivage endonucléolytique (modification de la structure secondaire, encombrement stérique). Une réorganisation des protéines permettrait alors d’effectuer en clivage en amont (ou en aval) du signal de polyadényation. Le choix de ce nouveau site de clivage serait guidé : i) par la structure secondaire du pré-ARNm ou ii) par une interaction entre l’ARN polymérase, les différents facteurs de clivage et de polyadénylation et/ou d’autres facteurs. Cette hypothèse peut être étudiée en modifiant un signal de polyadénylation alternatif de DUX4 faible en un signal de polyadénylation fort (ATTAAA par exemple). Ainsi, si l’absence de signal de polyadénylation fort est la condition qui induit une redirection du site de clivage en amont du signal de polyadénylation canonique, en présence du PMO-CS3 et d’un signal de polyadénylation fort alternatif sur l’ARNm DUX4, une redirection vers ce nouveau signal devrait être détectée.

Une redirection du signal de polyadénylation n’est observée qu’avec le PMO-CS3. Or, le PMO-CS1 et le PMO-CS2, comme le PMO-CS3, masquent le signal de polyadénylation et la région de clivage. L’efficacité de ces PMOs à diminuer l’expression de DUX4 est moins importante que pour le PMO-CS3. Il est ainsi envisageable que : i) ces PMOs permettent, comme tous les PMOs testés, uniquement une inhibition de l’ajout qu’une queue poly(A) ou

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la déadénylation de l’ARNm, et n’induisent pas de redirection du site de clivage (en raison d’une plus faible stabilité du duplex PMO-ARNm par exemple) ou ii) ces PMOs, en plus d’une inhibition de la polyadénylation ou une activation de la déadénylation de l’ARNm

DUX4, induisent une redirection du site de clivage pour une très faible fraction d’ARNm DUX4, ce qui n’est pas détecté par 3’RACE-PCR dans nos conditions expérimentales.

A l’inverse des PMO précédents, le PMO-PAS et le PMO-DSE ne masquent qu’une seule des trois séquences régulatrices : le signal de polyadénylation ou la région riche en G/U ou U respectivement. Le PMO-DSE présente une faible efficacité in vitro. Une redirection du site de clivage en présence de ce PMO n’est peut-être pas détectée. Cependant, il est difficile d’imaginer qu’une redirection du site de clivage puisse se produire avec cet AO. En effet, la région riche en G/U ou U est une séquence régulatrice dont les limites ne sont pas aussi bien déterminées que pour le signal de polyadénylation ou le site de clivage. Ainsi, il est possible qu’un AO ciblant en partie cette région n’induise qu’un repositionnement du facteur CstF sans compromettre le clivage au site canonique. En ce qui concerne le PMO-PAS, qui présente une efficacité in vitro à diminuer l’expression de DUX4 similaire à celle du PMO-CS3, l’absence de redirection du site de clivage en présence de ce PMO peut s’expliquer par sa position sur l’ARNm cible. En effet, à la différence de tous les autres PMOs, le PMO-PAS couvre entièrement le signal de polyadénylation ainsi que 13 nucléotides en 5’ et six nucléotides en 3’ du signal de polyadénylation. De ce fait, la formation d’un duplex PMO-PAS-ARNm stable abolirait totalement le recrutement du facteur CPSF au signal de polyadénylation. Le PMO-PAS agirait alors de la même manière qu’une mutation dans le signal de polyadénylation canonique, conduisant à la production d’un ARNm DUX4 instable, non polyadénylé.

3.2.1.1. Mécanismes hypothétiques de redirection du site de clivage in vivo

In vivo, dans le modèle murin pCINéo-DUX4 (+SV40), une redirection du site de clivage est

également observée pour une fraction des ARNm DUX4. Cette redirection du site de clivage se caractérise par une utilisation du signal de polyadénylation (AATAAA) du SV40-PolyA, localisé en aval, à 791pb, du signal de polyadénylation canonique (ATTAAA) (Figure 56). Cependant, cette redirection est indépendante de la présence du U7-PAS snARN. Le signal de polyadénylation AATAAA est le signal de polyadénylation le plus fréquemment utilisé pour

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la détermination du site de clivage des ARNm. Le signal de polyadénylation canonique de

DUX4 est le deuxième signal de polyadénylation le plus représenté (Beaudoing et al., 2000;

Tian et al., 2005). De ce fait, lors de la production du pré-ARNm DUX4 à partir du plasmide pCINéo-DUX4 (+SV40), les facteurs impliqués dans la maturation en 3’ des ARNm reconnaissent et sont probablement concentrés, dans des proportions équivalentes, au niveau de la séquence régulatrice de polyadénylation canonique du pré-ARNm DUX4 et au niveau de la séquence régulatrice de polyadénylation du SV40-poly(A). Par un mécanisme encore inconnu, dépendant surement de l’interaction avec d’autres facteurs protéiques, le clivage et la polyadénylation sont alors réalisés en amont de l’un ou l’autre des signaux de polyadénylation.

FIGURE 56. Localisation des différents signaux de polyadénylation alternatifs en aval du signal de polyadénylation canonique de DUX4 sur les plasmides pCINeo-DUX4 et pCINéo-DUX4 ΔSV40. Les

signaux de polyadénylation utilisés sont indiqués en rouge.

En l’absence de la séquence SV40-poly(A) (modèle murin pCINéo-DUX4 ΔSV40 et

ACTA1-MCM,FLexD/+), et malgré la présence de signaux de polyadénylation alternatifs (dont les

signaux CATAAA et AATATA), mais faibles, localisés immédiatement en aval du signal de polyadénylation canonique, aucune redirection du site de clivage n’est observée en présence ou absence du U7-PAS snARN (Figure 56).

3.2.2. Conséquences d’une redirection du site de clivage sur la