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Régulation de la voie de glucuronidation

L‘élucidation des facteurs qui régulent la voie de glucuronidation permettrait de dresser un plan de la variation interindividuelle. La concentration de nombreuses molécules éliminées par la voie de glucuronidation est soumise à une grande variabilité interindividuelle (Court et al. 2001; Toffoli et al. 2006; Levesque et al. 2008; Beckebaum et al. 2009). Par exemple, l‘exposition à l‘acide mycophénolique (MPA), dérivé de l‘immunosuppresseur mycophénolate mofétil (MMF), varie d‘environ 40 % chez des patients greffés du foie (Beckebaum et al. 2009). La quantité de glucuronides formés (MPAG et AcMPAG) est également soumise à des changements importants variant de 2 à 6 fois entre les patients (Beckebaum et al. 2009). Ces connaissances pourraient potentiellement aider à prédire le métabolisme de nombreuses molécules pharmacologiques et leurs effets secondaires. Différents mécanismes moléculaires connus pour influencer l‘expression et l‘activité des UGT seront brièvement abordés dans cette section. D‘autres facteurs, tels les facteurs environnementaux, sont également connus pour contribuer à la variabilité interindividuelle de la voie de glucuronidation, mais ne seront pas abordés dans cette introduction (Burchell and Coughtrie 1997; Court 2010). La littérature supporte que des altérations de la voie de glucuronidation pourraient influencer l‘exposition d‘un individu à différents carcinogènes. À long terme, ceci pourrait moduler la susceptibilité à certaines pathologies, telles le cancer (Guillemette et al. 2000a; Guillemette et al. 2001; Vogel et al. 2001; Zheng et al. 2001; Gsur et al. 2002; Strassburg et al. 2002; Guillemette 2003; Chen et al. 2010). De plus, quelques études rapportent que la modulation de l‘activité de glucuronidation systémique pourrait influencer la réponse pharmacologique et la survenue d‘effets indésirables (Iyer et al. 2002; Sun et al. 2006; Lazarus et al. 2009; Sun et al. 2013).

6.1 Régulation au niveau génomique/transcriptomique

Parmi les mécanismes moléculaires permettant de réguler la voie de glucuronidation se retrouvent les variations du nombre de copies de gènes (CNV; copy number variation), les facteurs de transcription, les polymorphismes génétiques, les micro-ARN, la méthylation de l‘ADN / désacétylation des histones et l‘épissage alternatif. La littérature supporte l‘influence de certains de ces mécanismes sur la modification du phénotype de glucuronidation et sur la réponse pharmacologique (Gagnon et al. 2006; Belanger et al. 2010; Guillemette et al. 2010; Verreault et al. 2010; Dluzen et al. 2014).

Les facteurs de transcription participent à la variabilité de l‘expression des gènes UGT. De nombreux facteurs de transcription sont répertoriés pour influencer l‘expression des UGT1A et 2B, et une liste non exhaustive est fournie (Tableau 1). Par exemple, l‘expression d‘UGT1A1, qui est responsable du métabolisme de la bilirubine, est bien connue pour être positivement régulée par le facteur aryl-hydrocarbon (AhR) (Sugatani et al. 2004). Ce facteur est activé par la liaison d‘un ligand exogène (2,3,7,8- tetrachlorodibenzo-p –dioxin (TCDD), β-naphtoflavone) ou endogène tel la bilirubine (Phelan et al. 1998; Birnbaum and Tuomisto 2000; Olinga et al. 2008). Cette liaison permet la translocation de AhR au noyau et la reconnaissance de l‘élément de réponse aux xénobiotiques (XRE; xenobiotic response element) qui est présent dans le promoteur d‘UGT1A1 (Phelan et al. 1998; Yueh et al. 2003). Des mutations affectant la séquence reconnue par ces facteurs de transcription dans le promoteur des gènes UGT pourraient, entre autres, faire partie des mécanismes pouvant influencer la voie de glucuronidation (Lankisch et al. 2005; Mackenzie et al. 2005b; Caillier et al. 2007; Lankisch et al. 2008). De plus, certains de ces facteurs sont exprimés exclusivement dans certains tissus, ce qui affecte également l‘expression des UGT (Gardner-Stephen and Mackenzie 2008; Mackenzie et al. 2010).

Tableau 1. Facteurs de transcription influençant l’expression des gènes UGT.

Facteurs de transcription UGT ciblées Référence bHLH-PAS

HNF1α UGT1A1, 1A3, 1A4, 1A8,

1A9, 1A10, 2B7, 2B17 (Bernard et al. 1999; Gregory et al. 2000; Ishii et al. 2000; Gregory et al. 2004a; Wells et al. 2004; Gardner-Stephen et al. 2005; Gardner-Stephen and Mackenzie 2007b; Ramirez et al. 2008)

HNF1β UGT1A3, 2B17 (Gregory et al. 2000)

Pbx2 UGT2B17 (Gregory and Mackenzie 2002)

AhR UGT1A1, 1A3, 1A4, 1A6,

1A9

(Sugatani et al. 2004; Lankisch et al. 2008)

bZIP

HNF4α UGT1A1, 1A6, 1A9 (Barbier et al. 2005; Gardner- Stephen and Mackenzie 2007a)

NRF2 UGT1A1, 1A6 (Munzel et al. 2003; Yueh and Tukey 2007)

NR

PXR UGT1A1, 1A3, 1A4, 1A6 (Rae et al. 2001; Gardner- Stephen et al. 2004)

2005; Erichsen et al. 2010)

LXR UGT1A3 (Verreault et al. 2006)

PPARα UGT1A1, 1A3, 1A4, 1A6,

1A9, 2B4 (Barbier et al. 2003a; Barbier et al. 2003b; Senekeo- Effenberger et al. 2007)

AR UGT2B15, 2B17 (Chouinard et al. 2007)

Catégories de facteurs de transcription : bHLH-PAS : « basic-helix-loop-helix/Per-ARNT-Sim » ; bZIP : « basic leucine zipper » ; NR : « nuclear receptor »

Le nombre de polymorphismes génétiques répertoriés pour les gènes UGT humains est assez impressionnant (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/SNP/). Plusieurs de ces polymorphismes sont liés à des pathologies ou à une modification de la réponse pharmacologique (revu dans (Guillemette 2003; Lazarus et al. 2009; Stingl et al. 2014)). Un exemple probant est un polymorphisme dans le promoteur d‘UGT1A1, caractérisé par la présence d‘une répétition supplémentaire de TA dans la boîte TATA. Ce polymorphisme, nommé UGT1A1*28 ((TA)7TAA en remplacement de ((TA)6TAA)), est lié à

une diminution de l‘expression de l‘enzyme UGT1A1 (50 %) et à une diminution de l‘activité de glucuronidation cellulaire (30-50%) (Bosma et al. 1995; Iyer et al. 1998; Iyer et al. 2002). Le polymorphisme UGT1A1*28 est associé au syndrome de Gilbert, causé par une augmentation de la bilirubine non conjuguée (Bosma et al. 1995). De nombreuses études rapportent également que ce génotype est associé à une exposition accrue au métabolite actif de l‘irinotécan, le SN-38 (Iyer et al. 2002; Paoluzzi et al. 2004; Toffoli et al. 2006). Cette molécule est utilisée dans le traitement du cancer colorectal. De plus, le polymorphisme 1A1*28 est associé à un risque plus élevé de développer des neutropénies sévères (grades 3-4) sous traitement à l‘irinotécan (Iyer et al. 2002; Toffoli et al. 2006; Hoskins et al. 2007; Ruzzo et al. 2008; Glimelius et al. 2011). Malgré la caractérisation d‘un grand nombre de polymorphismes génétiques des UGT, ceux-ci n‘expliquent pas en totalité la grande variabilité de la voie de glucuronidation (Court et al. 2001; Krishnaswamy et al. 2005). Par exemple, tel que décrit précédemment, l‘influence du polymorphisme d‘UGT1A1*28 sur la modulation de la réponse à l‘irinotécan est bien connue, mais plusieurs groupes continuent d‘évaluer le rôle de polymorphismes génétiques additionnels, afin de raffiner la catégorisation des patients à risque de développer ces effets indésirables (De Mattia et al. 2013; Levesque et al. 2013; Liu et al. 2013). Ceci supporte donc la pertinence d‘étudier d‘autres mécanismes responsables de cette variabilité.

La variation du nombre de copies de gènes UGT a également été rapportée dans la littérature (Wilson et al. 2004; Jakobsson et al. 2006; Swanson et al. 2007). En effet, la variation du nombre de copies d‘UGT2B17 et 2B28 chez les Caucasiens est assez élevée, 27 % et 13.5 % pour 2B17 et 2B28 respectivement, et ces délétions peuvent survenir dans les deux gènes de façon concomitante. Environ 57 % des Caucasiens ont au moins une délétion dans un de ces deux gènes (Menard et al. 2009). Des sites de recombinaison putatifs riches en purines ont été identifiés aux extrémités de ces gènes (Menard et al. 2009). Les données supportent que la délétion d‘au moins deux copies de 2B17 ou 2B28 augmente le risque de récidive biochimique (2.26 fois; P = 0.0007) de cancer de la prostate après prostatectomie radicale (Nadeau et al. 2011). De plus, la délétion d‘UGT2B17 est également associée à une diminution des niveaux sériques d‘androstanediol-17-glucuronide et une augmentation du risque de développer un adénocarcinome du poumon chez la femme (OR = 2.8; 95 % intervalle de confiance = 1.2 - 6.3) (Gallagher et al. 2007; Swanson et al. 2007). La délétion de ces gènes a donc le potentiel d‘influencer la glucuronidation systémique et subséquemment l‘exposition des individus à différentes molécules, telles les hormones (UGT2B17 : dihydrotestostérone (DHT), androstérone, testostérone) qui sont normalement éliminées par la glucuronidation (Beaulieu et al. 1996).

Quelques études supportent que la méthylation de certains gènes puisse aider à prédire l‘efficacité thérapeutique de certaines molécules (Plumb et al. 2000; Ferreri et al. 2004; Esteller 2005). Dans cette optique, la méthylation du promoteur des UGT représente donc une option intéressante supplémentaire qui pourrait aider à prédire la variabilité de cette voie. L‘hyperméthylation de l‘ADN et l‘hypoacétylation des histones ont été corrélées à une répression de la transcription d‘UGT1A1 dans des lignées de cancer colorectal (Gagnon et al. 2006). Des évidences in vivo supportent également une corrélation entre la méthylation du site -4 CpG (99 nt à partir de l‘ATG) du promoteur d‘UGT1A1, l‘expression protéique de cette enzyme (R = 0.54; P = 0.008) et l‘activité de conjugaison de la bilirubine (R = 0.73; P < 0.00001) (Yasar et al. 2013). La méthylation du promoteur de certains gènes UGT semble également participer à l‘expression tissulaire spécifique de ces enzymes (Oda et al. 2013; Oda et al. 2014).

Des données récentes supportent qu‘une autre modification épigénétique pourrait influencer l‘expression des UGT. En effet, des évidences émergent supportant que

UGT, l‘exemple le plus probant étant celui d‘UGT1A (Li et al. 2013a; Dluzen et al. 2014). Des analyses in vitro démontrent que l‘expression du miR491-3p est liée à une diminution significative de l‘expression d‘UGT1A1 (48 %; P < 0.001), 1A3 (35 %; P < 0.05) et 1A6 (27 %; P < 0.05) dans la lignée d‘hépato-carcinome HuH-7 (Dluzen et al. 2014). Des données préliminaires supportent que l‘expression de ce miARN montre une corrélation inverse avec l‘expression d‘UGT1A3 (r = -0.296; P < 0.05) et 1A6 (r = -0.487; P < 0.05) dans des foies humains (Dluzen et al. 2014).