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Régulation des protéines des voies de signalisation via leurs PRMs

Chapitre 1 : Introduction Générale

1.2 Les domaines médiateurs d’interactions protéine-protéine

1.2.5 Régulation des protéines des voies de signalisation via leurs PRMs

Les cellules rivalisent avec les ordinateurs pour ce qui est de leur capacité à intégrer des signaux internes et externes multiples et appliquer des règles de décision complexes. De même que les circuits électroniques utilisent des composants électroniques simples, les voies de transduction des signaux cellulaires sont composées d’éléments simples comme des domaines capables d’apporter/supprimer des modifications covalentes, et d’autres domaines capables de les reconnaître. Beaucoup de protéines des voies de signalisation ont un comportement allostérique. Elles peuvent exister sous plusieurs formes, certaines actives et d’autres inactives, qui sont stabilisées par des modifications covalentes ou des ligands. Dans le cadre des protéines des voies de transduction du signal, celles-ci contiennent généralement un domaine catalytique qui isolé montre une activité constante (non-régulée), et d’autres domaines qui inhibent l’activité de la protéine soit en bloquant l’accès au site actif du domaine catalytique (allostérie stérique), soit en contraignant la structure du domaine catalytique (allostérie conformationnelle). Ces deux types d’allostéries mettent en jeu des modules structuraux régulateurs, c’est la raison pour laquelle on les regroupe sous l’appellation « allostérie modulaire ». Pour passer d’un mode actif à un mode inactif, il suffit de relâcher l’inhibition des domaines régulateurs sur le domaine catalytique par exemple par la présence d’un ligand plus affin (figure 7).

figure 7 : Comparaison entre les différents modes d’allostérie. (a) Allostérie Conventionelle. Un même domaine contient un site catalytique et un site secondaire de régulation et peut adopter une forme active ou inactive : l’amarrage du ligand au niveau du site secondaire stabilise l’une des deux formes (la forme active le plus souvent). (b) Allostérie Modulaire. Le domaine catalytique est physiquement séparé du ou des domaines régulateurs. Lorsque le domaine régulateur bloque directement l’accès au site actif afin d’auto-inhiber son activité, on parle l’allostérie modulaire stérique. Au contraire, lorsque les interactions des domaines régulateurs bloquent la conformation du site catalytique, on parle d’allostérie modulaire conformationnelle. Figure d’après (Dueber et al., 2004).

Les travaux concernant la régulation de la protéine c-Abl illustrent parfaitement la notion d’allostérie modulaire. Des travaux récents (Hantschel et al., 2003; Nagar et al., 2006; Nagar et al., 2003) ont mis en évidence les mécanismes particulièrement fins de la régulation de cette kinase composée de plusieurs domaines. La partie N-terminale regroupe un domaine SH3, un domaine SH2 et un domaine kinase ; alors que la partie C-terminale contient plusieurs domaines de liaisons. La protéine c-Abl est normalement régulée par un mécanisme d’auto-inhibition dont le dysfonctionnement peut mener à certaines leucémies.

figure 8 : Régulation de la kinase C-Abl 1b par un mécanisme d’allostérie modulaire conformationnelle. (A) Composition de la protéine C-Abl 1b native et des deux mutants étudiés. Le domaine catalytique kinase est en bleu, les deux domaines régulateurs SH3 et SH2 sont en jaune et vert respectivement. Les sites de myristoylation sont indiqués par une croix rose, les substitutions par une étoile noire. (B) Modèle de régulation proposé d’après l’étude structurale et celle des différents mutants. Dans sa forme inactive (a gauche), les différentes interactions bloquent l’accès au site actif du domaine kinase (entre les deux lobes du domaine kinase, en bleu). (C) Structure cristallographique du mutant stabilisant la forme inactive : domaine kinase en bleu, domaine SH2 en vert, domaine SH3 en jaune, les boucles flexibles dont la boucle d’activation du domaine kinase en rouge, les hélices interagissant avec le myristol en violet. Les figures B et C sont extraites de (Nagar et al., 2006).

Grâce à deux mutants spécifiques, les auteurs ont pu étudier la structure de la protéine c-Abl stabilisée dans sa forme active et inactive (figure 8-A). La structure de la forme inactive de c-

du domaine kinase ; (iii) une interaction entre une sérine phosphorylée et le domaine SH2. De plus, le complexe intra-moléculaire est rigidifié par la boucle N-terminale formée des résidus en amont du domaine SH3 et refermée par l’interaction entre le groupe myristol et le domaine SH2 (figure 8-B et C). L’ensemble de ces résultats a permis aux auteurs de suggérer un mode d’activation basé sur un relâchement des interactions intra-moléculaires illustré par la figure 8-B.

De plus en plus d’exemples de protéines des voies de signalisation dont l’activité est régulée par l’allostérie sont mis en évidence et la table 3 récapitule les exemples pour lesquels ces mécanismes de régulation sont les mieux caractérisés à l’heure actuelle.

table 3 : Exemples de protéines dont l’action est régulée par auto-inhibition. La partie haute rassemble les exemples où la régulation se fait par allostérie modulaire stérique. La partie basse comporte les exemples où la régulation se fait par allostérie modulaire conformationnelle, comme c-Abl.

La métaphore entre protéines régulées et « portes logiques » est fréquemment utilisée : de même qu’une protéine intègre plusieurs signaux et les combine de manière à en déduire quel doit être son état d’activité (actif ou inactif), une porte logique intègre elle aussi plusieurs signaux qu’elle analyse de manière à produire un signal de sortie. Par exemple, la figure 9-A illustre comment la protéine N-WASP, qui dans son état actif est capable d’activer la polymérisation de l’actine via le complexe Arp2/3, peut être comparée à une porte logique « AND ». L’activité de N-WASP est régulée par deux domaines régulateurs : un domaine GDB et un domaine basique. C’est uniquement si les substrats spécifiquement reconnus par les deux domaines GDB et B sont présents simultanément que l’activité de N-WASP est maximale. A l’inverse, dès qu’un des deux substrats est absent, l’activité est très réduite (Prehoda and Lim, 2002). Cette propriété intégrative surprenante est d’autant plus importante que l’on considère des concentrations de substrats faibles : si la concentration en substrats en très inférieure au Kd alors le fonctionnement intégratif est conséquent, tandis qu’il est quasiment nul lorsque la concentration est supérieure au Kd.

L’utilisation de l’allostérie modulaire semble particulièrement adaptée d’un point de vue évolutif car elle permet de produire des « portes logiques » facilement « reprogrammables ». En particulier, l’équipe dirigée par Wendell Lim (University of California, San Fransisco, USA) a testé s’il était possible de reprogrammer le comportement d’une protéine régulée (Dueber et al., 2003). Les auteurs ont synthétisé des protéines hydrides comprenant (figure 9-B):

(i) le domaine actif de la protéine N-WASP ; (ii) deux PRMs (SH3 et PDZ) ;

(iii) les fragments reconnus par ces deux modules.

L’ordre dans lequel ces différents éléments sont inclus dans les protéines hybrides varie, de même que la longueur des linkers séparant les différents domaines. Les auteurs mettent en évidence que 2/3 des protéines conçues via ce système ont un comportement de « porte logique », c'est-à-dire que leur activité catalytique varie en fonction de l’ajout des ligands des deux PRMs. Les auteurs observent également que ce système permet de mimer des portes logiques simples (« AND », « OR »), mais aussi des portes plus sophistiquées, comme la porte « NAND NOT ».

figure 9 : Jeu de « portes logiques » à partir de la protéine N-WASP. (a) La protéine N-WASP possède deux sous-unités régulatrices notées GDB et B. Lorsque ces deux domaines forment des interactions intra-moléculaires avec le domaine catalytique et la protéine Arp2/3, l’activité du domaine catalytique est nulle. En présence de l’un ou l’autre des substrats extra- moléculaires de GDB et B, l’activité est très faible. Par contre, lorsque les deux substrats extra-moléculaires sont présents simultanément, les domaines GDB et B relâchent leurs interactions intra-moléculaires pour se lier aux substrats extra- moléculaires plus affins, et par ce fait le domaine catalytique devient complètement actif. On mime donc une porte logique « AND » puisque l’activité n’est complète qu’en présence simultanée des deux substrats extra-moléculaires. (b) Le domaine catalytique de N-WASP est associé à deux PRMs, les domaines PDZ et SH3. Des peptides se liant aux domaines PDZ et SH3 sont insérés dans la séquence afin de permettre des interactions intra-moléculaires. Dans la première construction, l’activité catalytique de la protéine ne dépend que de l’ajout du substrat du domaine PDZ. Dans la seconde construction, le domaine catalytique est actif dès que l’un des deux substrats extra-moléculaires est ajouté. La troisième construction est quasiment identique à la deuxième : les différents éléments se succèdent dans le même ordre mais les linkers sont plus courts. Le domaine catalytique est actif uniquement lorsque les deux substrats sont ajoutés simultanément. Enfin, la quatrième construction est active lorsque le substrat du domaine PDZ est absent, ou lorsque les deux substrats sont absents simultanément. Figure d’après (Dueber et al., 2004).

D’autres approches ont été testées : (i) insérer de nouveaux domaines au sein d’une protéine dont l’activité est déjà régulée par des mécanismes d’allostérie modulaire (Guntas and Ostermeier, 2004; Radley et al., 2003), (ii) créer des protéines hybrides soit en utilisant des mécanismes simples de recombinaisons non-homologues soit en fusionnant des séquences (Guntas et al., 2005; Guntas et al., 2004; Sallee et al., 2007). L’ensemble de ces résultats récents concordent avec ceux de l’équipe de Lim et montrent qu’il est possible de reprogrammer le comportement d’une protéine « porte logique » en modifiant sa composition en domaines et leur arrangement. L’hypothèse de Lim est que cette facilité à modifier le type de « porte logique » en jouant sur la recombinaison des différents PRMs et de leurs substrats est une clé des mécanismes d’évolution des systèmes de signalisation (Dueber et al., 2004).

1.3 Développements bioinformatiques pour prédire les propriétés des PRMs :