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Chapitre 4 : Détection des sites de liaison des PRMs sur la séquence de leurs

4.5 Discussion

4.5.1 Importance de la prise en compte simultanée des trois critères.

Au regard des différentes interactions mettant en jeu des domaines FHA de Rad53 sur lesquelles la stratégie décrite en 4.2.1 a été appliquée, il est remarquable de noter que les trois paramètres pris en compte sont complémentaires.

Dans le cas de l’interaction entre le domaine FHA1 de Rad53 et Ptc2, il n’aurait pas été possible d’identifier de manière unique la thréonine T376 sans tenir compte du critère de respect du motif de plus forte affinité, pTxxD. Si ce critère n’avait pas été utilisé, la thréonine T48 aurait elle aussi été une candidate potentielle car elle est à la fois prédite comme phosphorylable et parfaitement conservée au sein des espèces proches. L’interaction entre Ste5 et le domaine FHA2 de Rad53 souligne quant à elle l’importance du critère de phosphorylabilité. Dans cet exemple, si la probabilité de phosphorylation n’avait pas fait partie des critères évalués, il n’aurait pas été possible de discriminer entre la thréonine T809, et la thréonine T807. La conservation du site reconnu par le domaine FHA dans les séquences des autres levures Saccharomyces semble jouer un rôle moins important. Il est en effet possible de constater qu’au sein des cinq exemples d’interactions présentés pour lesquels la thréonine reconnue a été identifiée par notre analyse bioinformatique, le critère de conservation n’était pas indispensable. Cette constatation peut s’expliquer, car nous avons restreint la recherche d’homologues aux seules séquences des autres levures Saccharomyces, ce qui fait que l’identité de séquence au sein des alignements multiples générés est élevée et que la plupart des thréonines sont conservées. Ce critère n’est donc pas discriminant dans ce cadre précis.

Une étude récente de l’équipe de Colin Watts (Garvan Institute of Medical Research, Australia) a mis en évidence une interaction entre le domaine FHA de la protéine humaine Chk2 et la protéine EDD, dont la fonction cellulaire précise n’est pas établie (Henderson et al., 2006). Ces travaux ont notamment tenté de détecter le site de EDD reconnu par le domaine FHA de Chk2 en identifiant toutes les thréonines de EDD respectant le motif pTxxI, mis en évidence par Daniel Durocher comme le motif le plus affin pour ce domaine FHA (Li et al., 2002). Après avoir identifié les 15 thréonines respectant le motif TxxI, ils ont choisi de substituer quatre d’entre elles en alanines, soit individuellement, soit simultanément. Les résultats

obtenus ne leur ont pas permis de mettre en évidence une thréonine dont la substitution en alanine abroge l’interaction avec le domaine FHA de Chk2. Ces résultats négatifs soulignent qu’il est important de tenir compte d’autres critères que celui du respect du motif de plus haute affinité afin de limiter le nombre de thréonines candidates et donc le nombre de mutants à étudier.

4.5.2 Modes de liaisons des domaines FHA

Peu après que les domaines FHA ont été mis en évidence en tant que domaines médiateurs d’interactions protéine-protéine reconnaissant des phospho-thréonines en 1999 (Durocher et al., 1999), les premières expériences de criblage de bibliothèques de phospho-peptides ont été réalisées afin de mettre en évidence une sélectivité particulière de ces domaines pour un motif protéique. Ces études ont mis en évidence une sélectivité en position pT+3, très versatile d’un domaine FHA à l’autre (Byeon et al., 2001; Durocher et al., 1999; Durocher et al., 2000; Li et al., 2002; Liao et al., 2000). Ainsi, le mode de reconnaissance proposé en 2002 par Daniel Durocher et Peter Jackson est que les domaines FHA se lient à des motifs linéaires courts, contenant des phospho-thréonines, et respectant un motif particulièrement affin propre à chaque domaine FHA, la position pT+3 étant responsable d’une grande partie de la sélectivité (Durocher and Jackson, 2002). L’interaction entre le domaine FHA2 de Rad53 et Rad9, mise en évidence en 1999 (Byeon et al., 2001; Durocher et al., 1999)et dans laquelle la thréonine de Rad9 reconnue par le domaine FHA2 de Rad53 respecte le motif de plus forte affinité mis en évidence lors des criblages de bibliothèques de phospho-peptides (Durocher et al., 2000), suggère que ce mode de reconnaissance est réel in vivo.

Cependant, quelques articles publiés par la suite ont remis en question ce modèle de reconnaissance en mettant en évidence des exceptions paradoxales. Il a notamment été établi par des expériences biochimiques et la publication d’une structure du domaine FHA de Ki67 en complexe avec un fragment de la protéine hNifk (Byeon et al., 2005; Li et al., 2004), que ce domaine FHA pouvait reconnaître des motifs contenant des phospho-thréonines plus longs (plus de 40 acides aminés), et sans sélectivité particulière sur la position pT+3. La figure 56 présente la structure de ce complexe (figure 56-A), que l’on peut mettre en regard de la structure du complexe FHA1 de Rad53 avec un peptide court (figure 56-B).

figure 56 : Structures de complexes mettant en jeu des domaines FHA et introduisant les deux modes de liaisons des domaines FHA identifiés à ce jour. (A) Le modèle « reconnaissance de fragments longs » représenté par la structure du complexe entre le domaine FHA de Ki67 et un fragment protéique de 44 résidus provenant de hNifk. La structure a été déterminée par RMN (code PDB 2AFF, modèle 1) : le domaine FHA est en ruban vert, le fragment issu de hNifk est en ruban blanc, les deux thréonines phosphorylées de ce fragments pT234 et pT238 sont identifiées. C’est la thréonine pT234 qui est reconnue par la poche de reconnaissance conservée du domaine FHA de Ki67. (B) Le modèle « reconnaissance de fragments courts », illustré par la structure du domaine FHA1 de Rad53 en complexe avec un fragment court respectant le motif déterminé par criblage de bibliothèque de phospho-peptides comme le motif le plus affin : pTxxD. La structure a été résolue par diffraction des rayons X (code PDB 1G6G). Le domaine FHA est en ruban vert et le peptide phosphorylée en gris.

Bien que la poche de reconnaissance de la thréonine phosphorylée soit identique dans les deux complexes, on constate de nettes différences. Dans le complexe entre le domaine FHA de Ki67 et le fragment de hNifk, on constate la formation d’un feuillet mettant en jeu un brin de l’extrémité hybride du fragment de hNifk et le brin β4 du domaine FHA de Ki67. Ces travaux démontrent qu’il existe pour les domaines FHA un autre mode de reconnaissance, qui privilégie des fragments plus longs et sans sélectivité particulière concernant la position pT+3.

Enfin, une étude réalisée par Brietta Pike en 2004 et caractérisant l’interaction entre le domaine FHA1 de Rad53 et la protéine Mdt1 met en évidence que la thréonine reconnue par le domaine FHA1 de Rad53 est associée à un motif pTxxI, alors que le motif de plus forte affinité du domaine FHA1 de Rad53 privilégie un acide aminé acide en position pT+3 (Pike

et al., 2004). Le même paradoxe a été montré dans le cadre de l’interaction entre le domaine FHA1 de Rad53 et Rad9 (Schwartz et al., 2002).

La conjugaison de ces deux éléments :

(i) la résolution d’une structure de complexe attestant d’un mode de reconnaissance où le fragment reconnu est plus long et ne fait pas intervenir de sélectivité en position pT+3 et ;

(ii) la mise en évidence de deux interactions entre un domaine FHA et un fragment protéique ne respectant pas son motif de plus haute affinité ;

a conduit à une remise en question du premier modèle de reconnaissance de peptide courts par les domaines FHA (Mahajan et al., 2005). Peu d’exemples témoignent en effet de la pertinence du modèle basé sur la reconnaissance de peptides courts : avant les travaux présentés dans ce chapitre, seule l’interaction entre le domaine FHA2 de Rad53 et Rad9 a montré que la thréonine reconnue respecte la règle du motif pT+3.

Nos résultats permettent d’apporter de nouveaux éléments à cette discussion. En effet, pour sélectionner les thréonines reconnues par les domaines FHA1 et FHA2 de Rad53, nous avons utilisé le respect des motifs courts de plus haute affinité, déterminés par les criblages de bibliothèques de peptides, comme des critères de sélection. Les cinq exemples d’interactions mettant en jeu un domaine FHA de Rad53 que nous avons présentés et pour lesquels nous avons effectivement détecté la thréonine reconnue, sont autant d’exemples allant dans le sens du modèle de reconnaissance initialement présenté, puisque la nature de l’acide aminé en position +3 est un critère de sélection pertinent. Nos résultats suggèrent ainsi que les deux modes de reconnaissance « fragment long » et « fragment court » co-existent in vivo.

Chaque domaine FHA est donc susceptible de présenter deux modes d’interaction. Si dans certains cas, notre analyse basée sur l’hypothèse « fragment court » échoue, il est possible d’imaginer un mode de liaison alternatif que seules des analyses structurales poussées pourront caractériser. Nos résultats suggèrent que cela pourrait être le cas de l’interaction entre le domaine FHA1 de Rad53 et NSE5.

Chapitre 5 : Prédiction des spécificités de