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La protéine Rad53, kinase essentielle des voies de surveillance des dommages de l’ADN

Chapitre 4 : Détection des sites de liaison des PRMs sur la séquence de leurs

4.1 La protéine Rad53, kinase essentielle des voies de surveillance des dommages de l’ADN

4.1.1 Aspects structuraux de Rad53.

La protéine Rad53 a été identifiée en 1991 chez Saccharomyces cerevisiae (Stern et al., 1991) grâce aux travaux de l’équipe de Cynthia Zerillo (Yale University School of Medecine, New Haven, USA). Initialement appelée Spk1, cette protéine de 821 résidus a été décrite comme une kinase capable de phosphoryler les sérines, thréonines et tyrosines. Les premiers travaux associant Rad53 au contrôle du cycle cellulaire chez la levure sont parus en 1994 (Allen et al., 1994). Au cours des années suivantes, des protéines orthologues de Rad53 ont été mises en évidence au sein d’autres organismes. L’orthologue humain de Rad53 a été identifié en 1998 par l’équipe de Stephen Elledge (Howard Hughes Medical Institute, Houston, USA). Cette kinase, assez divergente en terme de séquence avec Rad53, a été nommée Chk2 (Chaturvedi et al., 1999; Matsuoka et al., 1998).

Les protéines de la « famille Chk2 » ont une composition en domaines bien conservée malgré une identité de séquence faible (figure 34) : toutes possèdent une région N-terminale riche en répétitions sérines-glutamines/thréonines-glutamines (SQ/TQ), suivie d’un domaine FHA (identité de séquence moyenne 20%) et d’un domaine kinase (identité de séquence moyenne 40%). La protéine Rad53 se singularise des autres membres de la famille par la présence d’une large extension C-terminale comprenant un second domaine FHA. Seuls Rad53 et ses orthologues chez les autres levures Saccharomyces possèdent ce second domaine FHA.

figure 34 : Les protéines de la «famille Chk2 » représentées sur un arbre phylogénétique. Le nom des différentes protéines est représenté entre parenthèses. Les protéines sont composées d’une région riche en SQ-TQ (en violet), d’un ou plusieurs domaines FHA (en bleu) et d’un domaine kinase (en brun), dont la boucle d’activation est symbolisée par une étoile. Cette figure est extraite de (Bartek et al., 2001).

Les délimitations exactes des différents domaines de Rad53 sont présentées sur la figure 35. Les structures des deux domaines FHA sont connues, tandis que la structure du domaine kinase central n'a pas encore été résolue expérimentalement. Néanmoins, la structure du domaine kinase de Chk2 est disponible depuis 2006 (Oliver et al., 2006).

figure 35 : Délimitations des domaines de la protéine Rad53 : les répétitions SQ-TQ (en violet), les deux domaines FHA (en vert) et le domaine kinase (en rouge). Les numéros correspondant aux premiers et derniers résidus de chaque domaine sont notés sur la ligne du dessous. Ces délimitations sont extraites de (Bartek et al., 2001).

La figure 36-A représente la structure du domaine FHA N-terminal de Rad53, également appelé domaine FHA1, résolue en 2000 par diffraction des rayons X au sein de l'équipe de Stephen Jackson (Institute of Cancer and Developmental Biology, Cambridge, UK). Dans la même publication (Durocher et al., 2000), il a été établi que le domaine FHA1 de Rad53 reconnaît des peptides et des fragments protéiques contenant une thréonine phosphorylée (pT) préférentiellement suivie d'un aspartate en position pT+3 (Kd = 330nM). Cette propriété a été déduite du criblage d’une bibliothèque de courts peptides phosphorylés. Les substitutions en alanine de deux positions très conservées du FHA, l'arginine 70 et la sérine 85, abolissent totalement l'interaction entre le domaine FHA1 de Rad53 et les peptides ou fragments protéiques phosphorylés (Durocher et al., 1999). La structure du domaine FHA1 de Rad53 en interaction avec un peptide phosphorylé permet d'expliquer cette perte d'interaction : la chaîne latérale de l'arginine 70 et celle de la sérine 85 sont en contact direct avec le groupement phosphate de la thréonine phosphorylée. La figure 36-B illustre le réseau des contacts entre le domaine FHA1 de Rad53 et un peptide phosphorylé respectant le motif de plus haute affinité, pTxxD.

L'équipe de Ming-Daw Tsai (Ohio State University, Columbus, USA) a étudié la structure du domaine FHA C-Terminal de Rad53, souvent nommé domaine FHA2. En 1999, ils ont résolu la structure de ce domaine, non complexé, par résonance magnétique nucléaire (Liao et al., 1999). Dans les deux années suivantes, il a été établi que le domaine FHA2 de Rad53 se lie in

vitro à des peptides phosphorylés sur des thréonines (Durocher et al., 2000), mais également,

figure 36 : (A) Structure résolue par diffraction des rayons X du domaine FHA1 de Rad53 en interaction avec un peptide phosphorylé respectant le motif pTxxD (code PDB 1G6G). Le domaine FHA1 de Rad53 est représenté par un ruban vert. Les deux résidus dont la substitution en alanine abroge l’interaction sont représentés en sphères bleues pour l’arginine 70 et roses pour la sérine 85. Le peptide phosphorylé est représenté en gris. (B) Représentation schématique des contacts lors de l’interaction (ovale = peptide ; rectangle = domaine FHA). Figure extraite de (Durocher et al., 2000).

figure 37 : (A) Structure tridimensionnelle (RMN, structure raffinée) du domaine FHA2 de Rad53 en interaction avec un peptide phosphorylé respectant le motif pYxL (code PDB 1J4K). Le domaine FHA2 de Rad53 est représenté par un ruban vert. Le peptide phosphorylé est représenté en gris. (B) Structure tridimensionnelle (RMN, structure raffinée) du domaine FHA2 de Rad53 en interaction avec un peptide phosphorylé respectant le motif pTxxL (code PDB 1J4L). Le domaine FHA2 de Rad53 est représenté par un ruban vert. Les deux résidus dont la substitution en alanine abroge l’interaction sont représentés en sphères bleues pour l’arginine 605 et roses pour la sérine 619. Le peptide phosphorylé est représenté en gris.

La sélectivité du domaine FHA2 de Rad53 pour ses substrats est moins importante que celle du domaine FHA1 de Rad53 puisqu’il peut reconnaître des motifs associant une thréonine phosphorylée (pT) et une isoleucine ou une leucine en position pT+3 (Byeon et al., 2001; Durocher et al., 2000), mais aussi des motifs associant une tyrosine phosphorylée (pY) à une leucine en position pY+2 (Wang et al., 2000). Cependant, l’affinité de l’interaction avec les motifs contenant des pY (Kd = 4 mM) est nettement inférieure à celle de l’interaction avec les motifs contenant des pT (Kd = 10 µM). De plus, il existe peu de tyrosines kinases chez S.

cerevisiae. La conjugaison de ces deux facteurs suggère que l’interaction avec le motif pY a

peu de vraisemblance physiologique.

Pour assurer la liaison du domaine FHA2 de Rad53 aux peptides contenant des thréonines phosphorylées, l’arginine 605 et la sérine 619 jouent le même rôle que l’arginine 70 et la sérine 85 dans le domaine FHA1. La substitution de l’un ou l’autre de ces résidus en alanine abroge totalement l’interaction du domaine FHA2 avec ces peptides (Durocher et al., 1999).

4.1.2 Rôle de la protéine Rad53 dans la signalisation des dommages de l’ADN.

Les cellules sont fréquemment soumises à des stress endogènes ou exogènes endommageant l’ADN. Une réparation fidèle de ces lésions est nécessaire pour le maintien de l’intégrité du matériel génétique et pour la survie cellulaire. Les défauts de réparation peuvent en effet constituer des éléments d’initiation de la cancérogenèse (Rouse and Jackson, 2002).

Parmi toutes les lésions possibles de l’ADN, les cassures double brin sont probablement les plus dangereuses. Suite à une cassure double brin, une cascade d’interactions protéine- protéine se met en place au sein de la cellule. La lésion doit tout d’abord être identifiée précisément, puis le signal doit être transmis et amplifié afin de déclencher la réponse adéquate, qui peut être l’arrêt temporaire de la progression du cycle cellulaire, l’expression des gènes participant à la réparation de la lésion, ou dans le cas des eucaryotes supérieurs l’induction de la mort cellulaire programmée (Khanna and Jackson, 2001).

Au sein de la cascade d’interactions protéine-protéine mise en place suite à une cassure double brin, la kinase Rad53 joue un rôle central. Après que la lésion a été détectée, Rad53 est

hyperphosphorylée (Sweeney et al., 2005). La déphosphorylation de Rad53 est nécessaire pour que la progression du cycle cellulaire reprenne (Pellicoli et al., 2001 ; Vaze et al.,2002), lorsque les lésions ont été réparées (processus de rétablissement), ou lorsque malgré la présence de dommages, certaines cellules reprennent la progression du cycle (processus d’adaptation).

figure 38 : Modèle en 6 étapes d’activation de Rad53 suite à une cassure double brin de l’ADN, proposé par l’équipe de Daniel Durocher (Sweeney et al., 2005). Suite au dommage : (1) activation de Mec1 et Ddc2 ; (2) phosphorylation de Rad9 sur de multiples sites par Mec1 ; (3) recrutement de Rad53 par Rad9 ; (4) phosphorylation de Rad53 par Mec1 par l’intermédiaire de Rad9. Par la suite, (5) Rad53 s’autophosphoryle avant de (6) se dissocier de Rad9. L’étape (4) est une hypothèse des auteurs, les mécanismes exacts d’activation de Rad53 par Mec1 et/ou Rad9 ne sont pas complètement élucidés à l’heure actuelle (février 2007).

4.1.3 Partenaires connus de Rad53.

De par son rôle central dans les voies de signalisation des dommages de l’ADN, Rad53 interagit avec un grand nombre de partenaires. A titre d’exemple, la base de données BIND (Gilbert, 2005) référence plus d’une dizaine d’interactions impliquant Rad53 (table 11). Rad53 fait donc partie des protéines dont le degré de connexité au sein des réseaux d'interactions protéine-protéine est très élevé : c'est un hub. Parvenir à étudier indépendamment toutes les interactions de Rad53 afin de comprendre précisément le rôle de chacune d'entre elles est particulièrement intéressant. La majorité des interactions entre Rad53 et ses partenaires est médiée par l'un des deux domaines FHA de Rad53. C'est notamment le cas des interactions avec Rad9, Ptc2, Dbf4 et Asf1.

table 11 : Partenaires connus de Rad53 d’après la base de données BIND (le code associé à Rad53 dans BIND est 6325104). La première colonne indique le nom du partenaire. Les publications associées sont indiquées dans la seconde colonne. Partenaire Première(s) publication(s) associée(s)

Mec 1 (Desany et al., 1998; Lee et al., 2003; Sweeney et al., 2005)

Rad53 (Lee et al., 2003)

Asf1 (Emili et al., 2001)

Rad9 (Durocher et al., 1999; Emili, 1998; Liao et al., 2000; Vialard et al., 1998)

Dbf4 (Dohrmann et al., 1999)

Dun1 (Lee et al., 2003)

Hho1 (Lee et al., 2003)

Ptc2 (Leroy et al., 2003)

Swi6 (Sidorova and Breeden, 2003)

Sgs1 (Bjergbaek et al., 2005)

Rnr4 (Huang and Elledge, 1997)

Complexe Cdc7/Dbf4 (Kihara et al., 2000)

Stn1 (Ito et al., 2001)