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II. Facteurs de virulence de C. difficile

II.2. Les toxines

II.2.1. Les toxines TcdA et TcdB 1. Structure

II.2.1.4. Régulation de la production de toxines

II.2.1.4.1. Facteurs environnementaux

La synthèse des toxines dépend de la phase de croissance de C. difficile et est influencée par la composition du milieu de culture et par certains facteurs environnementaux. Les toxines TcdA et TcdB sont fortement exprimées en début de phase stationnaire de croissance. Cette expression, ainsi que le taux de production des toxines, sont inhibés par l’ajout de glucose ou de sucres rapidement métabolisables [209, 233]. D’ailleurs, un système de répression catabolique régulé par la protéine CcpA a été identifié chez C. difficile [234]. La production de toxines est également affectée par la présence de certains acides aminés et plus particulièrement la cystéine [233, 235-239], ainsi que la biotine [240]. Un possible lien entre la synthèse des purines et la production de toxines a été, également, évoqué par Maegawa et coll. [241].

D’autres facteurs de stress interviennent dans le contrôle de la production des toxines comme la température ou l’exposition à des concentrations sub-inhibitrices d’antibiotiques. La production de toxines est maximale à 37°C et faible à 22°C et 42°C. La température agirait à l’échelle transcriptionnelle, en favorisant l’auto-induction du régulateur TcdR [242]. Certains antibiotiques ont été également associés à une production précoce et plus importante de toxines, notamment la vancomycine, la pénicilline et le linezolide [243, 244]. D’autres études montrent, toutefois, des résultats assez contradictoires surtout concernant la clindamycine. Certaines de ces études s’accordent à dire que la clindamycine n’aurait pas d’effet sur la production des toxines [243-245] contrairement à d’autres qui prouvent le contraire [246, 247]. Globalement, l’effet des antibiotiques paraît différent et ce en fonction de la méthode d’analyse utilisée, du moment d’ajout de l’antibiotique et surtout du type de souche testé.

Facteurs de virulence de C. difficile  

II.2.1.4.2. Systèmes régulateurs

L’expression des toxines TcdA et TcdB est régulée par deux protéines régulatrices TcdR et TcdC codées respectivement par les gènes tcdR et tcdC situés au sein du même locus de pathogénicité PaLoc (figure 18). Le facteur sigma TcdR active la transcription des deux toxines TcdA et TcdB, ainsi que sa propre transcription via l’un de ses deux promoteurs [212, 214]. Cette auto-régulation positive indique, cependant, l’existence d’autres éléments qui permettraient la régulation même de la transcription de tcdR ou l’activité de TcdR en cas de condition favorable à la production de toxines. Il existe, en effet, la protéine TcdC qui régule négativement l’expression des deux toxines, et ce en interférant entre la protéine TcdR contenant l’ARN polymérase et ses promoteurs [216].

Un autre régulateur, CodY, est aussi capable de se fixer au promoteur de TcdR et de réprimer l’expression des deux toxines TcdA et TcdB. Cette liaison au promoteur de TcdR est favorisée par la présence de GTP et d’acides aminés branchés [248]. Le rôle de CodY n’est cependant pas limité à la régulation de synthèse des toxines. Selon une étude transcriptomique réalisée sur un mutant de CodY, cette protéine serait également impliquée dans la biosynthèse des acides aminés, le transport des nutriments et la fermentation [249]. Cette co-régulation entre des gènes métaboliques et des gènes de virulence, par CodY, laisse supposer un lien entre la suffisance nutritionnelle et la pathogénicité de C. difficile. Ce lien a été vérifié avec l’identification d’un autre régulateur, CcpA (Catabolite Control Protein A), protéine à répression catabolique. Il a été prouvé que CcpA est capable de réprimer l’expression des deux toxines TcdA et TcdB en réponse à la présence de sucres, et plus précisément de sucres à PTS (Phospho-Transferase

System) [234]. Pour cela, CcpA interagit avec la région promotrice ou la région 5’ terminale des

gènes tcdA, tcdB, tcdC et tcdR [250].

En plus du lien établi entre la virulence et le métabolisme énergétique, il existerait également une corrélation entre l’expression de toxines et la sporulation. Cette corrélation a été, initialement, évoquée par Kamiya et coll. qui ont montré une nette diminution du taux de sporulation et du taux de production des toxines après ajout d’un inhibiteur de sporulation, et ce malgré l’absence de variation des formes végétatives [251]. Karlsson et coll. ont également évoqué ce lien suite à leur analyse protéomique qui leur a permis d’identifier 40 protéines exprimées conjointement avec les toxines TcdA et TcdB. La plupart de ces protéines sont des protéines impliquées dans le

métabolisme carboné (succinate, métabolisme du CO/folate et du butyrate). Il y aurait également une surexpression simultanée des gènes des deux facteurs sigma TcdR et SigH avec les gènes

tcdA et folD (opéron CO/folate), SigH étant un régulateur qui intervient dans le contrôle de la

phase de transition et d’initiation de la sporulation [233]. Un mutant SigH, construit peu de temps après par Saujet et coll., montre une production nulle de spores et une forte surexpression de tcdA, tcdB et tcdR ainsi qu’une forte production de TcdA. SigH semble donc contrôler l’expression de gènes de sporulation, ainsi que l’expression de gènes de virulence ; mais d’après cette analyse le phénomène de sporulation et la capacité de production de toxines ne seraient vraisemblablement pas associés [252].

Spo0A, régulateur de l’initiation de la sporulation, ainsi que la voix de signalisation modulant son activité sont aussi impliqués dans la régulation de la synthèse des toxines chez C. difficile. En effet, un mutant Spo0A et un autre mutant d’une histidine kinase (codée par le gène CD2492), responsable de la phosphorylation de Spo0A, ont été construits dans la souche 630∆erm de C. difficile. Ils montrent, tous deux, une diminution importante de la production de toxines [253]. Cette diminution est 100 fois plus importante pour le mutant Spo0A que pour le mutant de l’histidine kinase. L’effet de l’inactivation de Spo0A et de SigH est complètement différent. Alors que la mutation de Spo0A réduit la production de TcdA, celle de SigH la stimule via le contrôle de sa transcription. Par ailleurs, aucun motif de liaison à Spo0A ni de promoteur pour SigH n’a été identifié en amont de tcdA, tcdB ou tcdR, ce qui indique un effet indirect de ces deux protéines sur l’expression des gènes de toxines de C. difficile.

Un autre type de régulation faisant appel au système de « quorum sensing », a été également identifié chez C. difficile. Le « quorum sensing » (= déclenchement par un seuil) étant un système de communication intercellulaire où une molécule de signalisation est secrétée dans l’environnement extracellulaire et dont l’accumulation agit comme un signal de densité cellulaire qui sera à l’origine d’une réponse spécifique. Chez C. difficile, il existe deux systèmes différents de « quorum sensing » identifiés à ce jour : le système « agr » et le système LuxS/auto-inducteur-2 [LuxS/auto-inducteur-254, LuxS/auto-inducteur-255]. Ce dernier aurait un rôle dans la régulation de la transcription des gènes de virulence tcdA, tcdB et tcdE en début de phase stationnaire, mais n’aurait pas d’effet sur leur expression [255, 256]. Aucune étude spécifique n’a cependant été réalisée pour le système « agr ».

Facteurs de virulence de C. difficile  

Le système de régulation des toxines semble être un système très compliqué, influencé par plusieurs facteurs environnementaux et dépendant de plusieurs facteurs de régulation. Beaucoup d’études sont encore nécessaires pour essayer de mieux comprendre ce phénomène.