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II. Facteurs de virulence de C. difficile

II.2. Les toxines

II.2.2. La toxine binaire

  En plus des toxines TcdA et TcdB, certaines souches de C. difficile synthétisent un autre type de toxine, la toxine CDT (= Clostridium difficile Transferase), dite toxine binaire car nécessitant deux sous-unités l’une catalytique et l’autre enzymatique. Cette toxine fait partie de la famille des toxines à activité ADP-ribosyltransférase ciblant l’actine et qui comprend la toxine C2 de C. botulinum et la toxine Iota de C. perfringens [270]. La toxine binaire de C. difficile est donc composée d’un élément enzymatique CDTa (48 kDa) et d’un élément de liaison CDTb (99 kDa) codés respectivement par les gènes cdtA et cdtB situés au sein du locus CdtLoc (6,2 kb). Ce

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locus comprend, en plus, un gène cdtR codant une protéine régulatrice, CdtR, qui active la production de la toxine binaire (figure 20) [271]. Certaines souches de C. difficile (comme la souche 630 ou la souche VPI 10463) possèdent, dans leur génome, des parties de séquence des gènes cdtA et cdtB mais avec une délétion de 2 kb située dans la partie C-terminale de CDTa [272].

La prévalence des souches exprimant les deux sous-unités de la toxine binaire est évaluée à 6 % par Gonçalves et coll. [273]. La production de cette toxine par certaines souches a été associée à des cas d’ICD plus ou moins graves [274, 275]. Mais, son rôle dans la pathogénicité de C.

difficile n’est toujours pas complètement établi. Il a déjà été démontré que la toxine binaire aurait

un effet entérotoxique dans le modèle d’anses ligaturées de lapin, sans pour autant induire des symptômes de maladie chez le hamster [276]. Elle aurait également un effet cytotoxique sur cellules Vero [277] et elle induirait une augmentation de l’adhésion bactérienne par formation de protrusions associées aux microtubules à la surface des cellules épithéliales intestinales [278]. La toxine binaire serait même capable d’induire un taux de mortalité plus élevé, selon Bacci et coll. [279].

Le mécanisme d’action de la toxine binaire a été très peu étudié, mais il serait apparenté au mécanisme d’action des autres membres de la famille des ADP-ribosyltransférases. L’élément CDTb serait activé par clivage. Il formerait alors un heptamère à la surface cellulaire et il se fixerait sur des récepteurs spécifiques. Tout récemment, une équipe allemande a identifié le LSR (Lipolysis-stimulated lipoprotein Receptor) comme étant le récepteur membranaire de la toxine binaire de C. difficile. Une fois CDTb fixé au récepteur, CDTa se lie à CDTb et est internalisé par endocytose. Selon un mécanisme similaire à celui de TcdA et TcdB, CDTa est transloqué dans le cytosol après acidification de l’endosome. Cette étape est favorisée par la protéine Hsp90 et la cyclophiline [280]. D’après Gulke et coll., la partie N-terminale de CDTa est responsable de l’interaction avec CDTb et la partie C-terminale est responsable de l’activité enzymatique (figure 21) [281]. CDTa agirait, par la suite, en ribosylant les monomères d’actine G de façon irréversible. Cette ADP-ribosylation bloque la polymérisation de l’actine G en micro filament d’actine F et rompt l’équilibre entre les deux formes d’actine, ce qui provoque une ballonisation des cellules et puis la mort cellulaire [198].

II.3. Autres facteurs de « virulence » II.3.1. La spore

La formation des spores est un moyen important pour C. difficile de résister aux conditions défavorables et de se disséminer facilement dans le milieu environnant. C’est ce qui rend, entre autres, les infections à C. difficile aussi difficiles à contenir et à contrôler. Les spores sont en effet résistantes à la chaleur, aux radiations, aux produits chimiques et aux antibiotiques. Sans des conditions d’hygiène irréprochables, il est donc vraiment difficile d’empêcher la contamination par les spores de C. difficile surtout au contact de patients malades, du personnel soignant et/ou de matériel et surfaces potentiellement contaminés. Pour causer l’infection, les spores doivent cependant germer et cette germination est facilitée par la présence de sels biliaires contenus dans le tractus digestif. En condition de laboratoire, la germination des spores de C.

difficile est facilitée par la présence de cholate ou de taurocholate, ainsi que par la présence de

glycine [282, 283, 284]. La présence de chenodeoxycholate semble toutefois inhiber la germination [285]. Ces propriétés de germination peuvent être variables en fonction du type de souche de C. difficile [286].

L’examen des spores de C. difficile, par microscopie électronique de transmission, montre que celles-ci sont composées d’un exosporium (dans la majorité des cas), d’une paroi sporale dense avec une couche d’anneaux concentriques intérieurs, d’un cortex et d’un noyau comprenant des amas de ribosomes et une multitude de complexes nucléoprotéiques (figure 22) [287]. L’analyse protéomique des spores de la souche 630 de C. difficile révèle l’existence d’environ 336 polypeptides associés aux spores dont 88 sont communs aux clostridies et 29 sont spécifiques à

C. difficile. La plupart de ces protéines sont impliquées dans les processus de traduction,

sporulation/germination et dans la dégradation/stabilisation des protéines. Des protéines métaboliques associées à la production d’énergie sont aussi largement représentées [287]. Cinq protéines associées à la couche externe de la paroi des spores ont été également identifiées (CotA, CotB, CotCB, CotD et CotE). Trois d’entre elles présentent une activité catalytique. CotCB et CotD possèderaient une activité catalase et CotE aurait une double fonction chitinase et peroxydase. Les activités catalase et peroxydase pourraient être impliquées dans le pouvoir antioxydant des spores leur permettant de réduire la toxicité du H2O2. L’activité chitinase pourrait, quant à elle, jouer un rôle dans l’inflammation du tractus gastro-intestinal [288]. Un

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orthologue d’une superoxide dismutase, SodA, a été aussi identifié dans le génome de la souche 630 avec un rôle probable dans les liaisons covalentes entres les protéines sporales riches en tyrosine. Comme démontré chez B. subtilis, la protéine CotJB1 (à laquelle il a été attribué le nom de CotCA) pourrait être une des protéines-substrats de SodA surtout qu’elle est riche en tyrosine (10,34 % de tyrosines) [288].

Malgré l’importance du phénomène de sporulation, très peu d’études ont été consacrées à l’étude du cycle de sporulation chez C. difficile. A l’heure actuelle, à part l’identification de quelques protéines associées aux spores, on ne connait absolument rien sur les différentes étapes de ce processus ni sur les protéines qui leurs sont spécifiquement associées. Il a été juste montré que le facteur sigma K est essentiel à une sporulation efficace chez C. difficile [289] et que la protéine SleC est nécessaire à la germination et à la croissance de C. difficile en présence de taurocholate [290].