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Régulation des gènes du locus botulique

C’est chez C. botulinum de type C qu’ont été décrites pour la première fois les caractéristiques de protéines liant l’ADN de BotR : pI basique (10,4) et présence d’un motif « helix-turn-helix » de liaison à l’ADN (Hauser et al., 1995). Un gène homologue fût par la suite identifié chez les types A (Henderson et al., 1996), puis B, D, F et G (East et al., 1996 ; Henderson et al., 1996 ; Bhandari et al., 1997 ; Li et al., 1998). Cependant, aucun gène homologue à botR n’a été détecté pour le type E. Par contre, un gène homologue à botR, nommé tetR, a été localisé en amont du gène de la neurotoxine tétanique. Les BotR des différents types et TetR présentent des analogies allant de 51 à 97% et sont apparentés à d’autres protéines régulatrices, notamment TcdR qui régule positivement la production de toxines A et B de C. difficile et dont le gène à une localisation similaire à celle de botR et tetR (Moncrief et al., 1997).

Le travail de thèse de Stéphanie Raffestin réalisé dans le laboratoire de M. Popoff a permis la caractérisation de BotR et TetR et l’étude de leur rôle dans la régulation de la toxinogenèse. Elle a ainsi montré avec J.C. Marvaud que la surexpression de botR/A (ou tetR) dans une souche de C. botulinum A (ou C. tetani) entraîne une forte augmentation de la production des BoNTs et ANTPs (ou de TeNT), et une hausse des niveaux d’ARNm détectés par la technique de Northern blot, en comparaison avec la souche sauvage. Inversement, l’inhibition partielle de l‘expression de botR (ou tetR) par ARN antisens entraîne une baisse de la toxicité et des niveaux d’ARNm. BotR/A est donc un activateur transcriptionnel des gènes bont et antp et TetR un activateur transcriptionnel du gène tent (Marvaud et al., 1998b).

Des expériences in vitro préliminaires sur des lysats de C. botulinum A surexprimant BotR/A ont montré la formation de complexes entre les promoteurs de l’opéron ntnh-bont/A et de protéines dont BotR/A (Marvaud et al., 1998a). De plus, les protéines recombinantes BotR/A ou TetR, en association avec le core enzyme de l’ARN polymérase d’E. coli, entraînent respectivement in vitro un retard de migration des régions promotrices des deux opérons du locus botulique (Pntnh-bont/A et Pha34) et de la région promotrice de tent (PtetX) (Raffestin

et al., 2005). Des expériences de transcription in vitro ont confirmé que BotR/A et TetR sont

des facteurs sigma. Un schéma de la régulation des opérons botuliques et tétanique par Bot/R et TetR est présenté en Fig. 12.

Fig. 13 Représentation schématique des différentes des étapes d’initiation de la transcription par l’ARN polymérase associée à un facteur sigma de la famille σ70

. Les séquences promotrices, composées des boîtes -10 et -35 en amont du site d’initiation de la transcription. L’efficacité des promoteurs dépend de l’affinité de l’ARN polymérase (holoenzyme) pour ces séquences. Une fois l’holoenzyme fixée sur le promoteur (complexe fermé), le complexe adopte une conformation ouverte (complexe ouvert) caractérisée par l’ouverture de la double hélice d’ADN. Il y a alors transcription des premiers brins d’ADN dits abortifs, puis lorsque les conditions sont optimales le facteur sigma est chassé de l’ADN et la polymérase perd son affinité pour la zone du promoteur. Elle peut alors se déplacer sur l’ADN et l’élongation des ARNm débute.

-35 -10

+

facteur sigma core enzyme de

l‘ARN polymérase holoenzyme région du promoteur formation d’un complexe fermé formation d’un complexe ouvert complexe ternaire élongation facteur sigma libéré ARNm ouverture locale de la double hélice ARN abortifs

La caractérisation du mécanisme d’action de BotR/A sur la transcription des deux opérons du locus botulique a mené à la conclusion que BotR/A fait partie d’un nouveau sous-groupe de régulateurs de la famille des facteurs sigma alternatifs auquel appartient TcdR. Les facteurs sigma sont des protéines qui, en s’associant au core enzyme de l’ARN polymérase, dirigent sa liaison avec une forte affinité vers des séquences promotrices cibles. Ils assurent ainsi un contrôle positif sur la transcription de certains gènes (cf. Fig. 13). Les facteurs sigma alternatifs ont la particularité de contrôler la transcription de régulons spécifiques en réponse à des conditions de stress ou lors de processus de développement particuliers (Hecker and Volker, 2001).

Chez C. difficile, il a été montré que l’expression des gènes des toxines contrôlés par le régulateur TcdR est réprimée pendant la phase exponentielle de croissance des cultures bactériennes et augmente significativement à l’entrée en phase stationnaire (Dupuy and Sonenshein, 1998). La phase de croissance joue donc un rôle dans l’activité de ce facteur sigma alternatif apparenté à BotR. De plus, la température de croissance influe également sur la production des toxines au niveau transcriptionnel via le régulateur TcdR, dont le gène est exprimé à 37°C et inhibé aux autres températures comme 22°C ou 42°C (Karlsson et al., 2003).

Chez cinq souches de toxinotype B, des analyses de l’expression de bont/B par PCR quantitative en temps réel ont montré que le niveau le plus élevé est observé au niveau de la phase de transition entre les phases exponentielle et stationnaire de croissance (Lovenklev et

al., 2004). Les niveaux d’expression au moment de la phase de transition sont 2 à 10 fois

supérieurs selon les souches à ceux détectés en phase exponentielle. L’influence de deux inhibiteurs de croissance sur l’expression de bont/B a été testée : l’effet de l’oxygénation du milieu de culture est négligeable alors que le nitrite de sodium diminue l’expression de bont/B à des doses supérieures à 30 ppm.

De même, l’expression relative de bont/E (par rapport aux ARN totaux) est diminuée d’un facteur 25 en présence de nitrite de sodium (100 µg/ml) ou d’acide sorbique (1 mg/ml).

Par ailleurs, certains nutriments semblent réguler la production de BoNT/A. Ainsi, la formation de toxine est réprimée par les voies cataboliques de l’azote impliquées dans la dégradation de l’arginine et stimulée par des facteurs non identifiés présents dans de la caséine purifiée ou dans des hydrolysats de caséine (Patterson-Curtis and Johnson, 1989). Contrairement à la répression observée chez C. difficile sur la production des toxines A et B, le glucose n’a pas d’effet inhibiteur sur la production de BoNT/A et réduit même les effets répresseurs de l’arginine.

Les facteurs environnementaux contrôlant la toxinogenèse, et ceux qui jouent sur le régulateur BotR restent largement méconnus.

BotR/A est un activateur transcriptionnel des gènes des opérons ntnh-bont/A et ha34-ha17-

ha70. Il fait partie d’un nouveau sous-groupe de régulateurs de facteurs sigma alternatifs

auquel appartient TcdR, un régulateur de la production des toxines A et B chez C. difficile.

Afin de savoir si un mécanisme similaire était observé chez C. botulinum de type A, l’impact de la phase de croissance sur la régulation de la toxinogenèse a été étudié en réalisant une analyse transcriptionnelle semi-quantitative des gènes du locus botulique par transcription inverse et PCR en temps réel, au cours d’une cinétique de croissance bactérienne.

Fig. 14 Schéma de l’organisation du tube digestif des mammifères.

Fig. 15 Représentation schématique de la structure de l’intestin. D’après (Hansen, 2003b) canal pancréatique glande sous-mucosale vaisseau sanguin neurofilament vaisseau sanguin canal lymphatique neurofilament muqueuse sous-muqueuse plexus nerveux plexus nerveux muscle circulaire muscle longitudinal séreuse Parotide Submandibulaire Sublinguale Glandes salivaires Pharynx Oesophage Pancréas Canal pancréatique Langue Estomac Iléum (intestin grêle) Anus Rectum Foie Vésicule biliaire Duodénum Canal biliaire Colon transverse Colon ascendant Colon descendant Colon Caecum Appendice Cavité orale

2 Interaction de la neurotoxine botulique avec l’intestin

Dans le cas de botulisme dû à une intoxication alimentaire ou à une toxi-infection, les complexes botuliques préformés sont respectivement ingérés avec les aliments ou produits in

situ par les bactéries colonisant le tractus intestinal. L’hypothèse la plus commune est qu’ils

passent la barrière intestinale puis se retrouvent dans le sang et la lymphe où ils sont véhiculés dans l’organisme. Cette étape, permettant à la toxine d’atteindre le milieu intérieur, est assez mal connue et les résultats observés à ce sujet sont présentés ci-dessous.

2.1 Description anatomique et fonctionnelle du tractus gastrointestinal des