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Activité enzymatique des BoNTs au niveau des terminaisons

Les substrats de l’activité enzymatique des BoNTs sont intracellulaires et les BoNTs doivent entrer dans les cellules neuronales pour les intoxiquer. L’intoxication se déroule en quatre étapes : liaison à des récepteurs au niveau des terminaisons nerveuses, internalisation dans des vésicules d’endocytose, translocation de l’endosome vers le cytosol et modification enzymatique des cibles intracellulaires (Schiavo et al., 2000). Les trois premières étapes ayant été décrites, il reste à comprendre comment la neurotoxine botulique induit la paralysie flasque caractéristique du botulisme.

La structure tripartite des BoNTs, déterminée grâce à la résolution de leur structure tridimensionnelle (Lacy et al., 1998 ; Swaminathan and Eswaramoorthy, 2000), reflète le mécanisme d’entrée des toxines en distinguant un domaine de liaison aux cellules (Hc), un domaine de translocation (Hn) et un domaine catalytique (L) (cf. Fig. 7).

La chaîne légère L introduite dans le cytosol neuronal est capable à elle seule de reproduire l’action de la toxine (Poulain et al., 1988; Stecher et al., 1989; de Paiva and Dolly, 1990). Elle possède le motif His-Glu-X-X-His caractéristique des poches catalytiques des métallo- endopeptidases à Zn2+ (Schiavo et al., 1992b).

Elle agit en clivant spécifiquement en des sites distincts selon les toxinotypes une ou plusieurs protéines du complexe SNARE à l’extrémité des terminaisons nerveuses  (cf. Fig. 52) :

• Les BoNT/A et /E clivent la SNAP-25 (Synaptosome-associated protein 25), souvent associée à la membrane plasmique

• Les BoNT/B, /D, /F et /G clivent la VAMP (Vesicle Associated Membrane Protein) ou synaptobrévine qui est une protéine intégrale des vésicules synaptiques

• BoNT/C clive deux substrats, la SNAP-25 et la syntaxine-1 qui est une protéine intégrale de la membrane plasmique

(Schiavo et al., 1992a ; Schiavo et al., 1992b; Blasi et al., 1993a; Blasi et al., 1993b ) Ces trois protéines forment un complexe qui sert de récepteur à la protéine NSF (N- ethylmaleimide-Sensitive Factor). Ce complexe est impliqué dans la fusion des vésicules synaptiques avec la membrane plasmique, permettant notamment la libération des neurotransmetteurs contenus dans des vésicules de stockage à proximité des zones actives des membranes pré-synaptiques (cf. Fig. 53) (Rothman, 1994). La fusion est déclenchée par une augmentation de la concentration intracellulaire en Ca2+

dont le principal senseur est la synaptotagmine. Cette protéine intégrale des vésicules synaptiques interagit de manière Ca2+

dépendante avec les SNAREs, notamment avec la partie C-terminale de SNAP-25 (Chapman, 2002; Koh and Bellen, 2003).

Lorsque l’une des trois protéines du complexe SNARE est clivée, le complexe SNARE peut toujours se former mais le processus de fusion des vésicules synaptiques est interrompu à différents niveaux. Lorsque la SNAP-25 est clivé, le complexe conserve une certaine fonctionnalité mais dans le cas du clivage des deux autres cibles, le blocage est total (Humeau

Fig. 54 Schéma de l’entrée de BoNT/A et BoNT/B au niveau de la terminaison nerveuse présynaptique. Les neurotoxines de type A et B se lient respectivement à SV2 et à la synaptotagmine, et sont internalisées par endocytose dans des vésicules probablement couvertes de clathrine. L’acidification des vésicules déclenche l’insertion membranaire de la chaîne lourde H et la translocation de la chaîne L à travers la membrane dans le cytoplasme. La chaîne L de BoNT/A clive SNAP-25 alors que la chaîne L de BoNT/B clive la synaptobrévine (ou VAMP). Le clivage de l’une ou l’autre des protéines SNARE interfère avec la formation de complexes SNARE stables qui sont requis pour la fusion des vésicules synaptiques avec la membrane lors de l’exocytose. D’après (Jahn, 2006)

BoNT/B BoNT/A

Chaîne H Chaîne L

Seuls les substrats sous forme monomérique, et non associés en complexe SNARE, sont clivables par les BoNTs. TeNT et les BoNTs sont les toxines les plus puissantes connues, avec une dose mortelle chez l’homme estimée à moins de 1 µg par voie orale (Schantz and Johnson, 1992) Or leur activité enzymatique n’est pas très élevée, puisque le Km de TeNT

pour VAMP est de 200 µM. De plus, les substrats des neurotoxines ne sont sous forme monomérique qu’un court instant (1-5 s) au cours du cycle de fusion des vésicules. Mais comme ces protéines sont recyclées, les BoNTs clivent progressivement la totalité des molécules substrats et il a été montré chez l’animal qu’une inhibition de 20% de la libération de l’acétylcholine au niveau de la jonction musculaire est suffisante pour empêcher la contraction musculaire. En outre, la paralysie de 10 à 15 % des fibres musculaires du diaphragme suffit à déclencher des troubles respiratoires avec asphyxie (Poulain et al., 2000). Lorsque des neurones d’hippocampe de rat en culture sont intoxiquées par BoNT/A ou /E, seules certaines synapses sont bloquées (glutamatergiques) alors que d’autres conservent une activité d’endo-exocytose (GABAergiques). Cette différence d’activité est à mettre en relation avec les différence de niveaux d’expression de SNAP-25 dans les neurones (Verderio et al., 2004; Verderio et al., 2007). Par ailleurs certains isoformes non synaptiques des trois protéines SNAREs impliqués dans d’autres processus sécrétoires que la neuroexocytose sont également clivées par les BoNTs (la cellubrévine, SNAP-23, les syntaxines 2 et 3). Ainsi, l’injection de la chaîne L des BoNTs dans des cellules non-neuronales contenant les cibles spécifiques des toxines bloque efficacement la sécrétion (Niemann et al., 1994). Mais l’inefficacité de l’application extracellulaire des BoNTS sur ces mêmes cellules laisse penser que ces dernières ne possèdent pas les récepteurs nécessaires à la liaison et à l’internalisation des BoNTs.

Par ailleurs, en plus de son implication dans la reconnaissance des récepteurs neuronaux, HA34 aurait également un rôle dans l’activité enzymatique de BoNT/A et BoNT/E (Sharma and Singh, 2004). L’activité d’endopeptidase de ces deux types de neurotoxines botuliques est augmentée in vitro par préincubation avec HA34, en particulier lorsque les toxines sont réduites. Ainsi, le clivage de SNAP-25 par les formes réduites de BoNT/A et BoNT/E est respectivement 25 fois et 43 fois plus efficace après préincubation avec HA34. HA34 n’est pas capable de cliver SNAP-25 mais elle augmente les taux d’activité enzymatique de BoNT/A et BoNT/E. De plus, HA34 liée à BoNT/A ou BoNT/E augmente leur activité d’endopeptidase dans des synaptosomes, suggérant une entrée potentielle de HA34 et BoNT dans les synaptosomes.

L’activité et la spécificité des complexes botuliques dépendent donc à la fois de la présence de récepteurs à la surface des cellules et de l’expression de la cible intracellulaire. La chaîne légère L est, à elle seule, responsable de l’activité enzymatique des BoNTs, à savoir le clivage spécifique d’une des trois protéines qui composent le complexe SNARE impliqué dans la libération des neurotransmetteurs au niveau des terminaisons présynaptiques (cf. Fig. 54). Ce clivage a des conséquences dramatiques sur la neurotransmission et donc sur la contraction musculaire. Les BoNTs entraînent alors une paralysie durable qui peut être mortelle, ce qui en fait des armes biologiques potentielles très puissantes, mais également des outils thérapeutiques très efficaces et de plus en plus utilisés.

Objectifs du travail de thèse

Afin de mieux connaître comment la production de la neurotoxine botulique et des protéines non toxiques associées était régulée, je me suis interessée à l’expression des gènes du locus botulique de C. botulinum de type A. L’impact de la phase de croissance sur la régulation de la toxinogenèse a été étudié en réalisant une analyse transcriptionnelle semi-quantitative des gènes du locus botulique par RT-PCR en temps réel au cours d’une cinétique de croissance bactérienne (cf. partie 4.1.) (Couesnon et al., 2006).

J’ai ensuite étudié comment, dans le cas d’une intoxication alimentaire ou d’une toxi- infection, la neurotoxine passe la barrière intestinale. Pour cela, deux approches ont été envisagées.

Tout d’abord, j’ai étudié l’interaction de BoNT/A avec des lignées de cellules neuronales, qui sont les cellules cibles de la toxine, et intestinales, qui sont des cellules potentielles de transport de la toxine.

Une partie de mon travail de thèse a porté sur l’étude des récepteurs reconnus par le domaine de liaison Hc de BoNT/A (Hc/A) à la surface des cellules intestinales en comparaison avec les cellules neuronales. Je me suis également intéressée au passage de BoNT/A biologiquement active (seule ou en complexe) à travers une monocouche de cellules épithéliales intestinales, en comparant l’efficacité de deux lignées, l’une de type entérocyte et l’autre de type cellule de crypte (cf. partie 4.2.) (Couesnon et al., 2007).

J’ai également essayé de caractériser et de comparer les voies d’endocytose du Hc de BoNT/A, en utilisant la protéine recombinante Hc/A couplée à un fluorophore (Hc/A*), dans les lignées de cellules intestinales et neuronales (cf. partie 4.4.) (article en préparation).

Une deuxième approche de l’étude de l’interaction des BoNTs avec la muqueuse intestinale se situe non plus à l’échelle cellulaire mais à l’échelle de l’organe, ou tout du moins une partie. En utilisant le fragment recombinant Hc/A marqué par fluorescence (Hc/A*), j’ai essayé de visualiser le trafic du Hc/A* injecté dans la lumière d’une anse d’iléum de souris ligaturée. Je me suis particulièrement intéressée à l’interaction du Hc/A* avec les nombreuses terminaisons nerveuses présentes dans la sous-muqueuse et dans la musculeuse intestinales (cf. partie 4.3.) (article en préparation).

L’effet de BoNT/A injectée dans la lumière intestinale sur les contractions spontanées de l’intestin a également été étudié (cf. partie 4.3.). Il peut être considéré comme un test fonctionnel du passage de la muqueuse intestinale par la toxine, la constipation étant un des symptômes précoces couramment signalés lors de cas de botulisme dus à une intoxication alimentaire ou à une toxi-infection.

Le passage de la neurotoxine botulique à travers la barrière intestinale et son transport vers les neurones cibles sont les premières étapes de l’intoxication botulique. Une meilleure compréhension de ces étapes devrait permettre de mieux connaître la physiopathologie et le déroulement de cette affection, ainsi que de développer de nouvelles stratégies de prévention du botulisme.

4 Résultats

4.1 Article n°1 : Expression des gènes des neurotoxines botuliques A et E