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Passage de la neurotoxine à travers la barrière intestinale : voies

2.4 Etudes in vivo de l’interaction de BoNT/A avec l’intestin

2.4.2 Passage de la neurotoxine à travers la barrière intestinale : voies

L’implication des HAs dans la protection des BoNTS contre la dégradation a donc été mise en évidence par de nombreuses études. Récemment, un autre rôle des HAs a été proposé pour les sérotypes D et A : elles auraient la capacité de perméabiliser l’épithélium intestinal.

En effet, deux voies de passage à travers un épithélium sont possibles : la voie cellulaire (passage dans les cellules) et la voie paracellulaire (passage entre les cellules). La voie cellulaire fait intervenir un mécanisme appelé transcytose qui est détaillé dans la troisième partie de l’introduction.

L’activité spécifique de HA34 de type B a été décrite très récemment sur un modèle de monocouche épithéliale intestinale de Caco-2 (cf. partie 3.2.3 pour le schéma du modèle), (Matsumura et al., 2007). La mesure de la résistance transépithéliale (TER) a été utilisée pour quantifier l’étanchéité des jonctions serrées qui caractérisent un épithélium normal.Une baisse linéaire de la TER a été mesurée sur 48 h après incubation des Caco-2 du côté apical avec le complexe L de type B, mais pas avec le complexe M ou BoNT/B purifiée. Ceci prouve que la baisse de TER est spécifiquement due aux HAs, ce qui a été confirmé par l’inhibition de la baisse de TER après préincubation du complexe L avec un sérum anti-HAs. De plus, l’activité des HAs était beaucoup plus importante lorsque le complexe L a été appliqué du côté baso- latéral. La perméabilité des jonctions serrées suite à l’application apicale de complexe L a été visualisée à l’aide de rouge de Ruthénium, ainsi que par le passage de dextrans fluorescents dans le réservoir basolatéral. De plus, une altération des jonctions serrées et d’adhérence a été visualisée en microscopie confocale par marquage de l’occludine et de ZO-1, et de l’E- cadhérine et de l’alpha-caténine repectivement. Par ailleurs, l’effet des HAs sur la TER a pu être généralisée à une lignée de cellules épithéliales rénale (MDCK), laissant penser que d’autres lignées cellulaires pourraient être sensibles à l’activité des HAs. La quantification par la technique de Western blot du transport apical-basolatéral des complexes botuliques à travers les Caco-2 a montré que la forme L était transportée 10 fois plus efficacement que la forme M ou BoNT/B seule sur une période de 24 h, mais avec des niveaux similaires au bout de 12 h. L’inhibition de la baisse de TER induite par l’incubation apicale de complexe L par addition de sérum anti-HAs dans le compartiment basolatéral a montré que les HAs agissent principalement au niveau basolatéral des Caco-2.

L’action des HAs sur la perméabilité de l’épithélium intestinal a été montrée in vivo en injectant les ANTPs et des dextrans fluorescents dans des anses intestinales de souris et en détectant 6 h après la présence de fluorescence dans le sérum. L’injection additionnelle d’ANTPs au complexe M dans l’intestin a accéléré la mort des souris, montrant que les ANTPs agissent sur le fonctionnement de la barrière intestinale et facilitent ainsi l’absorption de BoNT ou d’autres protéines par diffusion passive (Matsumura et al., 2007).

Cependant, certains types de C. botulinum ne possèdent pas de gènes codant pour des HAs et sont quant même capables de causer des cas de botulisme par voie alimentaire, bien que les toxicités orales soient moindres. Les HAs ne seraient donc pas essentielles mais agiraient comme des facteurs accessoires de pathogenèse pour augmenter la toxicité en facilitant le passage des BoNTs à travers la barrière épithéliale intestinale (Matsumura et al., 2007).

Les complexes botuliques, et dans une moindre mesure BoNT seule, sont capables de franchir la barrière intestinale et sont détectés dans le milieu intérieur (sang, lymphe). Les ANTPs semblent jouer un rôle de protection des BoNTs lors de leur transit gastrointestinal et pourraient en outre faciliter le passage de la barrière intestinale en augmentant la perméabilité de la muqueuse intestinale.

En utilisant le fragment recombinant du domaine Hc de BoNT/A marqué par un fluorophore (Hc/A*), j’ai essayé de visualiser le trafic du Hc/A* injecté dans la lumière d’une anse d’iléum de souris ligaturée. Je me suis particulièrement intéressée à l’interaction du Hc/A* avec les nombreuses terminaisons nerveuses présentes dans la sous-muqueuse et dans la musculeuse. L’effet de BoNT/A injectée dans la lumière intestinale sur les contractions spontanées de l’intestin a également été étudié. Il peut être considéré comme un test fonctionnel du passage de la muqueuse intestinale par la toxine et il faut noter que la constipation est un des symptômes précoces couramment signalés lors de cas de botulisme dû à une intoxication alimentaire ou à une toxi- infection (cf. partie 1.3.).

Cependant, le fait que la toxine seule injectée dans la lumière du tube digestif puisse exerçer son action létale laisse penser qu’un des mécanismes d’entrée de la toxine est la voie cellulaire. Cette voie est détaillée dans la troisième partie de l’introduction, en décomposant les étapes de liaison aux cellules, trafic intracellulaire et activité enzymatique des BoNTs.

Méthodes Sensibilité pour le type A Animal entier

• Létalité

 DL (Dose Létale) : dose minimale pour causer la mort par injection i.p.

 DL50 : dose produisant 50% de létalité dans une population

d’animaux par injection i.p..

• Durée de survie : inversement proportionnelle à la dose de toxine

12,5 pg 6,25 pg 102

DL50

Préparations neuromusculaires

Les tissus musculaires avec leurs nerfs moteurs sont placés dans un bain physiologique et la force de contraction musculaire induite par stimulation électrique est mesurée

• Muscle de la patte postérieure de la souris • Diaphragme et nerf phrénique

5 DL50

Cellules en culture

• Cellules primaires  Tissu du cerveau

 Moelle épinière de fœtus de souris  Cellules granulaires

• Lignées immortalisées

 PC12 : Pheochromocytoma • Synaptosomes

Obtenus par homogénéisation et fractionnement de tissu nerveux, ils sont constitués de la couche lipidique de la membrane cellulaire et des protéines synaptiques

• Système nerveux d’Aplysie Ganglions buccal et cérébral

102 -103 DL50 103 DL50 102 DL50 105 DL50 105 -106 DL50 104 -105 DL50 Méthodes Immunologiques

Distinction des différents composants des complexes botuliques grâce à leurs propriétés immunologiques

• Test d’hémagglutination passive

Les hématies liées à des anticorps spécifiques des différents composants du complexe s’aggrègent en présence de ceux-ci.

1 DL50

Mesure de l’activité endopeptidase

Etude du clivage de la cible de chaque type de toxine < 1 DL50

Tab. 4 Exemples de méthodes de détection et de mesure de l’activité des BoNTs. D’après (Pearce et al., 1997).

3 Liaison, entrée et trafic des neurotoxines botuliques dans les

cellules neuronales et intestinales

Les cellules cibles des neurotoxines botuliques sont, comme leur nom l’indique, des cellules neuronales. Le botulisme se manifeste par une paralysie flasque suite à l’action des BoNTs sur le système nerveux périphérique se traduisant par un blocage de la neurotransmission, c'est-à-dire le transfert d’informations des neurones vers d’autres cellules notamment musculaires. Ce blocage résulte de l’inhibition de la libération des neurotransmetteurs, qui sont les « agents » de ce transfert d’informations, au niveau de zones spécialisées appelées synapses. Les neurotoxines ciblent spécifiquement les jonctions neuromusculaires en agissant au niveau des terminaisons pré-synaptiques des motoneurones.

Du fait de leur taille, les BoNTs ne peuvent pas atteindre directement le système nerveux central puisque l’endothélium de la barrière hémato-encéphalique empêche la diffusion des protéines du plasma sanguin vers le fluide cérébro-spinal, sauf peut-être au niveau des rares endroits où les capillaires sanguins sont fenestrés. L’action sur le système nerveux central pourrait également être indirecte due à une altération de l’intégration des signaux sensitifs par l’action directe des BoNTs ; entraînant donc des changements centraux secondaires (Curra et

al., 2004). Par ailleurs, à forte dose les BoNTs sont capables d’atteindre le système nerveux

central, probablement par transport rétrograde comme le fait la neurotoxine tétanique (Wellhöner, 1992).

Les cellules épithéliales intestinales, qui constituent une barrière physique à l’entrée dans le milieu intérieur de l’organisme, pourraient jouer le rôle de cellules de transport des BoNTs, ce qui leur permettrait ensuite d’atteindre les terminaisons nerveuses.

Si le mécanisme d’action intracellulaire des BoNTs au niveau des cellules neuronales est relativement bien connu, les étapes de reconnaissance des récepteurs et de transport cellulaires des BoNTs commencent seulement à être détaillées.

La remarquable toxicité des neurotoxines (0,1 à 1 ng / kg de poids corporel) in vivo est due à leur spécificité pour les neurones et à leur activité catalytique qui a des conséquences très importantes sur la neurotransmission. Afin de détecter les toxines et d’étudier leur mode d’action, plusieurs méthodes et systèmes ont été développés et quelques exemples sont regroupés dans un tableau (cf. Tab. 4). Les sensibilités de chaque méthode pour BoNT/A sont également indiquées.

Cependant, la plupart des modèles in vitro ou même ex vivo restent relativement peu sensibles en comparaison avec les doses retrouvées dans les cas naturels de botulisme. Malgré leurs limites, ils permettent d’élucider peu à peu les étapes de l’intoxination botulique dont voici les principaux résultats, en commençant par l’étape de liaison des toxines aux cellules et l’identification des récepteurs cellulaires.

Fig. 33 Schéma de la synthèse des gangliosides. CER : céramide ; GalNAc : N- acétylgalactosamine ; LacCer : lactosylcéramide ; NeuAc : acide sialique ou neuraminique. La mutation de la N-acétylgalactosaminyl-transférase (GalNAc-T) est à l’origine de l’absence des gangliosides complexes compris dans le rectangle en pointillé. D’après (Bullens et al., 2002).

Glycolipide Oligosaccharide Lactosylcéramide Gal β1-4 Glc β1-

Trihexosylcéramide(Gb3) Gal β1-4 Galβ1- 4Glc β 1-

Paragloboside (nLc4) Gal β1-4 GlcNAc β1-3 Gal β1-4 Glc β1-

Sialoparagloboside(SnLc4) NeuAc α2-3 Gal β1-4 GlcNAc β1-3 Gal β1- 4 Glc β1-

Globoside(Gb4) GalNAc β1-3 Gal β1-4 Gal β1-4 Glc β1-

GM3 NeuAc/NeuGlc α2-3 Gal β1-4 Glc β1-

GM1 Gal β1-3 GalNAc β1-4 (NeuAc α2-3) Gal β1- 4 Glc β1-

Asialo- GM1 Gal β1-3 GalNAc β1-4 Gal β1- 4 Glc β1

GD1a NeuAc α2-3 Gal β1-3 GalNAc β1-4 (NeuAc α2-3) Gal β1- 4 Glc β1

GD1b Gal β1-3 GalNAc β1-4 (NeuAc α2-8 NeuAc α2-3) Gal β1- 4 Glc β1-

GT1b NeuAc α2-3 Gal β1-3 GalNAc β1-4 (NeuAc α2-8 NeuAc α2-3) Gal

β1- 4 Glc β1

GQ1b Gal β1-3 GalNAc β1-4 (NeuAc α2-8 NeuAc α2-3) Gal β1- 4 Glc β1-

α2-3 NeuAc α2-8 NeuAc

Tab. 5 Structure de la partie saccharide des glycolipides. D’après (Yowler and Schengrund, 2004).

série a GD3 série b synthase