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Internalisation et translocation des neurotoxines dans les cellules

3.2 Voies d’entrée des BoNTs dans les cellules

3.2.3 Internalisation et translocation des neurotoxines dans les cellules

3.2.3.1 Cycle des vésicules synaptiques

Lors du cycle vésiculaire dans les terminaisons nerveuses, les vésicules synaptiques s’arriment et sont amorcées au niveau de la zone active de la membrane pré-synaptique (cf. Fig. 47) (Danglot and Galli, 2007). Après stimulation, les vésicules synaptiques fusionnent avec la membrane permettant la libération des neurotransmetteurs (NT) dans la fente synaptique. Si la vésicule synaptique ne fusionne par totalement avec la membrane, mais forme un pore transitoire, elle peut être récupérée par les voies courtes de recyclage, c’est-à- dire les mécanismes « kiss and run » (en rouge dans la Fig. 47) ou « kiss and stay » (en vert). Dans le mécanisme « kiss and run », la vésicule synaptique est récupérée par une invagination de la membrane au niveau de la zone active et est rapidement remplie à nouveau de NT. Dans le mécanisme « kiss and stay », la vésicule synaptique est rapidement remplie à nouveau de NT sans quitter la zone active. Si la vésicule synaptique fusionne complètement avec la membrane plasmique, elle est alors internalisée par une endocytose dépendante de la clathrine. Suite à une forte stimulation, une endocytose de gros volumes au niveau des terminaisons nerveuses a été observée accompagnées de grandes invaginations couvertes de clathrine et de la protéine adaptatrice du manteau AP-2. Les vésicules synaptiques sont alors débarassées de leur manteau de clathrine et suivent la voie directe (« a », bleu clair dans la Fig. 47) pour être remplie à nouveau de NT, ou la voie indirecte (« b », bleu foncé dans la Fig. 47) qui passe par les endosomes précoces. C’est la protéine adaptatrice AP-3 qui assure le bourgeonnement des vésicules synptiques dans la lignée cellulaire neuronale PC12.

3.2.3.2 Internalisation de le neurotoxine tétanique

Alors que la neurotoxine botulique agit au niveau des terminaisons cholinergiques périphériques, la neurotoxine tétanique agit au niveau des synapses dans le système nerveux central. TeNT est transportée par un transport axonal rétrograde de la membrane pré- synaptique de la terminaison nerveuse périphérique motrice jusqu’au corps cellulaire situé dans la moelle épinière. TeNT subit alors une migration transynaptique et atteint les neurones cibles qui sont les neurones inhibiteurs impliqués dans la régulation des motoneurones cf. Fig. 48).

Il a été montré que, dans des neurones d’hippocampe de rat, la neurotoxine tétanique (Bielinski et al.) serait internalisée dans des vésicules synaptiques (colocalisation avec SV2) lors du processus de recyclage (Matteoli et al., 1996). En conditions dépolarisantes, TeNT a été visualisée par microscopie électronique dans des vésicules dont la taille correspond à celle des vésicules synaptiques.

Cependant, au niveau des neurones moteurs, il a été montré que l’internalisation du domaine Hc (Hc/TeNT) n’est pas dépendante de l’activité synaptique mais elle est dépendante de la dynamine puisque l’expression du mutant K44A dans les motoneurones inhibe l’entrée de Hc/TeNT (Deinhardt et al., 2006). De plus, l’internalisation à 12°C de Hc/TeNT couplé à la péroxydase a été visualisée en microscopie électronique dans des puits couverts de clathrine au niveau de la membrane plasmique du soma, des dendrites et des axones. Seule la moitié des vésicules couvertes de clathrine internalisant le Hc/TeNT contient de la transferrine, ce qui laisse penser que l’entrée de Hc/TeNT a lieu via une voie spécialisée dépendante de la clathrine. Bien que TeNT se lie à GD1b et GT1b , ces gangliosides ne sont pas présents dans les

vésicules contenant le Hc/TeNT, ce qui suggère un tri latéral du Hc/TeNT et ses ligands GD1b

Fig. 49 Séquence d’évènements assurant la translocation de la chaîne légère L de BoNT (en bleu) à travers le canal formé par la moitié N-terminale de la chaîne lourde Hn. (1) Structure cristallographique de BoNT/A avant insertion dans la membrane. (2) Insertion de BoNT/A dans la membrane associée au dépliement de L en une forme globule fondu (« molten globule »). Après une série d’étapes de transferts (3 et 4), l’événement de sortie a lieu (5) avec réduction du pont disulfure (en vert) et libération du canal de H, dans des conditions analogues à celles rencontrées dans les endosomes. (Fischer and Montal, 2007b).

3.2.3.3 Internalisation de la neurotoxine botulique

Dans un modèle de cellules primaires de neurones d’hippocampe de rat, il a été montré que les voies d’entrée des BoNTs et de TeNT seraient différentes, les BoNTs étant internalisées par un processus indépendant de l’activité synaptique (Verderio et al., 1999). Inversement l’entrée de BoNT/A et /E dans des neurones de moelle épinière en culture a été induite par une dépolarisation au K+

et dépendrait donc de l’activité synaptique (Keller et al., 2004), comme cela a été confirmé lors de la découverte du récepteur SV2 (Dong et al., 2006).

Par ailleurs, l’inhibition de la voie d’endocytose dépendante de la clathrine, par désorganisation des puits couverts de clathrine, diminue fortement l’activité de BoNT/A sur une lignée de neuroblastomes murins alors qu’une désorganisation des DRMs, par traitement à la MβCD, augmente l’activité de BoNT/A. Cette hausse de l’activité de BoNT/A pourrait être due à une stimulation induite de l’exocytose des vésicules synaptiques conduisant soit à une présence accrue de SV2 à la membrane, soit à une augmentation de la mobilité latérale facilitant les interactions entre BoNT/A, les gangliosides et SV2 (Petro et al., 2006).

BoNT et TeNT semblent entrer par des voies différentes au niveau des terminaisons nerveuses périphériques mais la dépendance de l’activité de recyclage n’a pas encore été clairement établie et pourrait varier selon les modèles cellulaires et les conditions expérimentales utilisés.

3.2.3.4 Translocation des BoNTS dans le cytosol neuronal

Les toxines endocytosées dans les cellules neuronales se retrouvent dans des compartiments intracellulaires où elles sont inactives. Les BoNTs gagnent le cytosol par un mécanisme de translocation faisant intervenir le domaine N-terminal (Hn) de la chaîne lourde. Ce domaine, très conservé parmi les différents sérotypes, est capable de s’associer en tétramères et de faire des pores dans des bicouches lipidiques suite à l’acidification du milieu (Montal et al., 1992). Ainsi, lorsque la vésicule contenant la toxine (vésicule synaptique recyclée ou vésicule d’endocytose « classique ») est acidifiée par action des ATPases vacuolaires, Hn changerait de conformation et deviendrait capable de s’insérer dans la membrane vésiculaire puis de transloquer la chaîne légère L dans le cytosol neuronal. Deux schémas ont été proposés pour expliquer ce processus. Selon une première hypothèse, la chaîne L se déplierait à pH acide et passerait par un pore transmembranaire formé par le ou les domaine(s) Hn puis, suite à l’exposition au pH neutre du cytosol, la chaîne L se replierait et serait libérée de la vésicule par réduction du pont disulfure intercaténaire (Hoch et al., 1985). Le second modèle avancé par Beise et al. (Beise et al., 1994) propose que suite à l’acidification de la vésicule, la chaîne L s’insèrerait dans la bicouche lipidique et provoquerait une lyse osmotique de la vésicule et la libération de la toxine entière dans le cytosol. Divers éléments sont en désaccord avec ces deux schémas et une hypothèse alternative a proposé que la chaîne L serait transloquée à travers la membrane vésiculaire via un canal ouvert latéralement aux lipides, plutôt qu’à l’intérieur d’un pore protéique (Montecucco et al., 1994). Il a été récemment montré que le pont disulfure intercaténaire est nécessaire à la translocation de la chaîne légère à travers le canal protéique formé par la chaîne lourde (cf. Fig. 48) (Fischer and Montal, 2007a).

La translocation de BoNT implique donc une étape d’insertion membranaire de Hn induite par une acidification, qui pourrait être couplée à un dépliement de la chaîne L permettant son entrée dans le canal « chaperon » de Hn et sa conduction. La chaîne légère est alors libérée de la chaîne lourde suite à la réduction du pont disulfure et retrouverait une conformation active dans le cytosol.

pôle apical

pôle basal

Fig. 50 Marquage des filaments d’actine (phalloïdine, rouge) sur une monocouche de cellules épithéliales intestinales (lignée Caco-2) avec les coupes (x,y), (x,z) et (y,z). Notez l’aspect unistratifié de l’épithélium sur les coupes (x,z) et (y, z), et sur la coupe (x,y) l’apparence des microvillosités apicales en « chou-fleur » dont le cytosquelette d’actine est marqué par la phalloïdine (flèche). (Barre = 10 µm). (Couesnon, non publié)

(x,y) (x,z)