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L'expression des protéines virales est finement régulée au cours du cycle viral, qui est lui-même lié au programme de différenciation cellulaire. Les protéines virales ne sont pas toutes exprimées au même moment au cours du cycle viral, la différenciation des kératinocytes activant l'expression des gènes tardifs dans les couches des cellules les plus différenciées (Graham, 2017). La régulation de l'expression des gènes viraux est aussi modifiée au cours de la carcinogenèse associée aux HPV.

1.5.1 Régulation transcriptionnelle

1.5.1.1 Promoteur précoce et facteurs de transcription

Comme les gènes cellulaires transcrits par l'ARN polymérase II, une boite TATA précède le TSS (site d'initiation de la transcription), qui lie le complexe de pré-initiation comprenant notamment TBP (Thierry, 2009). En amont de cette boite TATA se situent deux E2BS (E2 binding site 1 et 2) et un site de liaison de SP1 (Bernard, 2013b). Ce facteur de transcription activateur est nécessaire à l'activité de p97 (Gloss & Bernard, 1990). Les deux E2BS1 et 2 sont positionnés entre les sites de liaison de SP1 et TBP, et E2 agit comme répresseur transcriptionnel en créant un encombrement stérique lors de sa liaison aux E2BS, empêchant ainsi la fixation de SP1 et TBP (Tan et al, 1992). L'organisation des E2BS adjacents au site SP1 est particulièrement conservée chez les αHPV, signifiant une fonction importante pour ces virus.

La région centrale du promoteur comprend de nombreux sites de fixation de facteurs de transcription, parmi lesquels AP1 qui a des rôles critiques sur la régulation de l'expression des gènes viraux. AP1 est un hétérodimère composé de c-fos et c-jun possédant trois sites de liaison sur le promoteur d'HPV16 (Hoppe-Seyler & Butz, 1994) et serait le principal activateur de p97 (Chan et al, 1990; Chong et al, 1990, 1991; Thierry et al, 1992; Butz & Hoppe-Seyler, 1993; Kyo et al, 1997). La LCR d'HPV16 contient aussi 7 motifs TTGGC, reconnus par les facteurs de transcription NFI (nuclear factor 1), des activateurs transcriptionnels (Gloss et al, 1989; Baldwin et al, 2007).

Enfin, d'autres facteurs de transcription comme TBX2 et TBX3 (Schneider et al, 2013), YY1 (Bauknecht et al, 1992; O’Connor et al, 1996), C/EBP (Wang et al, 1996; Struyk et al, 2000), MLL5β

(Yew et al, 2011), Oct1 (O’Connor & Bernard, 1995), PEF1 (Cuthill et al, 1993), TEF1 (Ishiji et al, 1992), le récepteur au glucocorticoïde et celui à la progestérone (Gloss et al, 1987; Chan et al, 1989; Mittal et al, 1993), CUX1 (CDP) (O’Connor et al, 2000), SOX2 (Martínez-Ramírez et al, 2017) et FOXA1 (Sichero et al, 2012) ont été décrits comme pouvant moduler l'expression du promoteur précoce d'HPV de par leur interaction avec la LCR. Le Tableau II résume la fonction de ces FT.

Tableau II : Facteurs de transcription se fixant à la LCR.

Liste non exhaustive des facteurs de transcription se fixant à la LCR avec l'abréviation, le nom complet et son effet sur la LCR.

1.5.1.2 Promoteur tardif et différenciation cellulaire

L'activation du promoteur tardif d'HPV16 permettant l'expression des gènes tardifs est observée dans les cellules différenciées. Il a été montré que l'ARN Polymérase II (Pol II) pouvait se fixer au promoteur viral tardif dans les kératinocytes indifférenciés sans pour autant permettre la transcription des gènes viraux tardifs. Au contraire, dans les cellules différenciées, BRD4 et CDK8 sont recrutées et mettent en contact la LCR avec le promoteur tardif grâce à un repliement topologique, facilitant l'association de CDK9 avec le complexe Pol II, et permettant l'activation et l'élongation transcriptionnelle (Songock et al, 2017).

Effet sur la LCR Nom AP1 Activating factor 1 FOXA1 Forkhead box A1 GRE Glucocorticoid response element HRE Hormone response element MLL5β Mixed lineage leukemia 5 beta NFI Nuclear factor I OCT1 Octamer-binding transcription factor-1 PEF1 Penta-EF-hand domain containing 1 SP1 Specificity protein 1 TEF1 Transcriptional enhancer factor 1 CEBPβ CCAAT/enhancer binding protein beta CUX1 Cut like homeobox 1 E2 HPV early protein 2 NFI-X Nuclear factor 1 SOX2 Sex determining region Y box 2 TBX2 T-box 2 TBX3 T-box 3 YY1 Yin Yang 1 Activateurs Répresseurs

1.5.1.3 Régulation épigénétique

L'expression des oncoprotéines est aussi contrôlée par des régulations épigénétiques qui ont été abordées dans le chapitre 1.2.2.2 : "Infections transformantes" et qui sont développées dans le chapitre 3 : "HPV et régulation épigénétique".

1.5.2 Régulation post-transcriptionnelle

1.5.2.1 Épissage

L'épissage est un mécanisme survenant au cours ou après la transcription et qui permet l'élimination des introns. L'épissage est réalisé au niveau de séquences nucléotidiques spécifiques dans le transcrit, avec des sites donneurs (SD) et des sites accepteurs (SA). Cet épissage permet la régulation de l'expression des gènes ainsi que la production de différentes isoformes protéiques à partir d'un seul gène (Graham & Faizo, 2017). L'épissage est réalisé par le spliceosome qui est contrôlé au niveau de l'ARN par des protéines des familles SR et hnRNP (Graham & Faizo, 2017).

Avec 4 sites donneurs et 7 sites accepteurs, l'expression des transcrits précoces d'HPV16 est aussi régulée par épissage, et le nombre d'ARNm différents produits (au moins 20) est supérieur au nombre de protéines codées par le génome viral (Figure 16) (Johansson & Schwartz, 2013). La région 5' des transcrits, codant E6 et E7, comporte un SD (SD226) et 3 SA (SA409, SA526 et SA743). Le SD et les deux premiers SA sont localisés dans la POL E6 et le dernier SA dans la POL E7 (Schmitt et al, 2011; Chen et al, 2014a).

L'épissage entre SD226 et SA409 produit des transcrits matures possédant un décalage du cadre ouvert de lecture de E6 et un codon stop prématuré, conduisant à la production de l'isoforme E6*I. Cet arrêt prématuré de traduction sur le transcrit favorise la ré-initiation de la traduction à partir de la même sous-unité 60S du ribosome, ce qui n'aurait pas été possible sans épissage (Kozak, 2002; Tang et al, 2006). En effet, les POL E6 et E7 ne sont séparées que de deux nucléotides et ne permettent pas cette ré-initiation après traduction de la forme entière de E6. L'épissage entre SD226 et SA409 est très fréquent lors des infections par HPV et dans les cancers induits par HPV (Smotkin et al, 1989; Cornelissen et al, 1990), et il a été émis l'hypothèse que cet épissage permet une traduction plus efficace de la protéine E7. Une autre hypothèse est que cet épissage permet la production d'une isoforme d'E6, E6*I, dont le rôle biologique exact n'est pas encore complètement élucidé.

Cet épissage de la région précoce permet donc de réguler différentiellement l'expression de E6 par rapport à E7 à partir de l'ARN polycistronique transcrit après activation du promoteur p97.

Figure 16 : Structure du génome d'HPV16 linéarisé et schéma d'épissage des transcrits.

Le génome d'HPV16 a une taille de 7906 pb et il est représenté à l'échelle (en haut à gauche) sous forme linéaire (en haut), avec les promoteurs précoce (p97) et tardifs (p670 et p1127 ou pE8), les 9 POL, les régions

non traduites des ARNm précoces (eUTR) et tardives (lUTR), les sites de polyadénylation (pAE et pAL) et une partie de l'origine de réplication (ori). La pointe des triangles et les nombres associés indiquent la position d'un

site donneur (triangle rouge) et d'un site accepteur (triangle vert) d'épissage des transcrits. Les transcrits (en bas) sont représenté avec les POL complètes ou potentiellement traduites, les régions épissées (trait fin en biais) et les régions non épissées mais non codantes (trait gras horizontal). Certains transcrits ont une capacité

de traduction, proposée par Chen et collaborateurs. Les nombres à gauche des transcrits indiquent la proportion relative de leur expression par rapport à la totalité des transcrits HPV exprimés dans chaque type de

lésion, d'après (Chen et al, 2014a). Toutes les fractions n'ont pas été calculées, et tous les transcrits n'ont pas été montrés. D'après (Zheng & Baker, 2006; Johansson & Schwartz, 2013; Graham & Faizo, 2017)

1.5.2.2 Polyadénylation des transcrits viraux et stabilité

HPV16 possède deux sites de polyadénylation, un précoce (pAE) et un tardif (pAL). Le premier site régule négativement l'expression des gènes tardifs lors des premières étapes du cycle viral (Johansson & Schwartz, 2013). E2 est un régulateur négatif de la polyadénylation au niveau de pAE et favorise ainsi l'expression des gènes tardifs. Il a été proposé qu'un niveau faible ou modéré de E2 permettrait la réplication du génome viral à un nombre élevé de copies, et qu'un haut niveau de E2 inhiberait l'activité de p97 et provoquerait un changement entre l'expression des gènes précoces et tardifs (Bernard, 2002; Johansson & Schwartz, 2013).

L'expression des oncogènes viraux est aussi contrôlée en modulant la stabilité des transcrits, soit après intégration du génome viral soit par liaison de miARN aux transcrits viraux. Lors de la carcinogenèse, l'intégration du génome viral dans le génome de la cellule infectée augmente la stabilité des ARN E6/E7 à cause d'un remplacement de l'UTR 3' virale par une UTR 3' cellulaire (Jeon &

Transcrits HPV16

p97 p670 pAE pAL

eUTR lUTR ori

E6 E7 E1 E2 E4 E5 L1 L2 226409526 742880 1302 25822709 3358 3632 5639 Génome HPV16 % des transcrits SCC 44 2,8 / 6,3 0,4 4 1 / 0 0,2 2 0,7 / 31 0 0 3,9 CIN3 33 2,4 / 4 0,3 4,3 0,6 / 0,2 0,2 3 0,5 / 41 0 0 3,8 CIN2 2,4 0 / 2 0 0,1 0 / 0 0 2,8 0 / 80 0,3 5,2 0 Proposée E6 E7 E7 / E5 E6 E7 E7 / E2 E6 E7 E7 / 0 1 2,2 E2 E1^E4 L2 L1 Traduction 1000 bases / / / / 0 0,06 0,15 L1 E8 p1127

Lambert, 1995). En effet, l'UTR 3' des transcrits précoces viraux contient des éléments riches en A et U (ARE, pour A/U rich element) diminuant la demi-vie des ARNm. Le remplacement de l'UTR 3' de l'ARNm de la β-globine par l'UTR 3' des transcrits viraux précoces diminue d'ailleurs plus de sept fois leur demi-vie, alors que la demi-vie des transcrits viraux ayant subi une intégration augmente de deux à quatre fois (Jeon & Lambert, 1995).

De plus, les miARN cellulaires pourraient contrôler la stabilité des ARN viraux. En effet, plusieurs miARN peuvent lier les transcrits viraux, comme le miR-375 (Jung et al, 2014). Le miR-122 pourrait potentiellement se fixer sur les transcrits précoces grâce à deux sites de liaison (He et al, 2014). Lin et collaborateurs ont aussi montré qu'une interaction directe entre l'ARNm de E6 et les miR-875 ou miR- 3144 pouvait inhiber l'expression de E6 (Lin et al, 2015). Enfin, d'autres études ont montré une interaction entre les transcrits HPV et les miR-139 (Sannigrahi et al, 2017), miR-187 (Lin et al, 2017) et miR-145 (chez HPV31) (Gunasekharan & Laimins, 2013)

2 Régulation épigénétique

Le génome des cellules eucaryotes est contenu dans le noyau en un complexe macromoléculaire nommé chromatine, contenant de l'ADN, de l'ARN, et des protéines histones et non-histones. L'unité structurale minimale de la chromatine est le nucléosome, composé de 147 pb d'ADN et d'un octamère d'histones formé par des paires d'histones H3, H4, H2A et H2B (Kouzarides, 2007). La chromatine est régulée dynamiquement à plusieurs niveaux : premièrement les chromosomes occupent à l'interphase une région bien définie, nommée territoire chromosomique (Gorkin et al, 2014). Ensuite, des régions de ces chromosomes forment des domaines topologiquement associés (TAD, topologically associated domains), caractérisés par des interactions chromatiniennes entre leurs loci (Dixon et al, 2012). Finalement, des boucles de chromatine au sein des TAD organisent des gènes co-régulés par la transcription (Aranda et al, 2015). La régulation transcriptionnelle spécifique à un type cellulaire, qui est un déterminant majeur de la diversité cellulaire chez les organismes multicellulaires, est initialement induite par un signal et peut être soutenue par des informations épigénétiques dans le temps et au fil des divisions cellulaires. Le terme épigénétique a été introduit pour la première fois en 1942 par Conrad Waddington et regroupe les phénomènes réversibles et héritables contrôlant l'expression des gènes sans altérer la séquence ADN (Liyanage et al, 2014). D'après Zhang et Pradhan, les quatre déterminants majeurs de la régulation épigénétique sont la méthylation de l'ADN, les modifications post-traductionnelles des histones, la conformation de la chromatine et les ARN non codants (ARNnc) (Zhang & Pradhan, 2014).