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La section précédente indique les limites des instruments de type command and control dans la prévention des marées noires. Elle permet également d’entrevoir qu’un acteur-clé, le pro-priétaire du navire, détient un avantage informationnel significatif en matière de prévention des accidents maritimes. Les propriétaires de navires ont la responsabilité de garantir et d’entretenir la sécurité et la navigabilité du navire. Ce sont eux qui décident des dépenses à effectuer à bord des bâtiments (équipements de prévention, taille, composition et compé-tence de l’équipage, entretien du navire, etc.). Ils sont régulièrement en contact avec leurs navires, ce qui leur assure une certaine maîtrise et continuité de l’information à propos de l’état des navires.

Cette observation nous conduit à exposer à présent les deux principaux régimes de res-ponsabilité spécifiques aux marées noires, dans la mesure où ils permettent en théorie (i) d’atténuer les insuffisances des procédures de contrôle des activités à risque et (ii) de profiter des avantages informationnels généralement détenus par les agents générateurs de risques (cf. chapitre 1). Nous exposons tout d’abord le dispositif américain de responsabilité contenu dans la loi fédérale OPA et l’appréciation qui a pu être faite de son impact sur la préven-tion des déversements accidentels d’hydrocarbures dans le milieu marin (sous-secpréven-tion 2.2.1). La sous-section 2.2.1 est consacrée à la présentation de notre cas d’étude : le régime inter-national de responsabilité et d’indemnisation des dommages causés par les marées noires. La section 2.2.3 compare de manière synthétique les deux régimes et formule différentes remarques à propos de l’impact incitatif du régime international.

2.2.1 Le régime américain de responsabilité et d’indemnisation des

dommages causés par les marées noires

L’Oil Pollution Act est une loi fédérale adoptée en 1990 par les Etats Unis d’Amérique à la suite de la catastrophe de l’Exxon Valdez, survenue en 198915. Elle instaure un cadre réglementaire particulièrement étoffé, destiné prévenir les pollutions par les hydrocarbures dans les eaux américaines et à indemniser les dommages causés. L’originalité de l’OPA, par rapport aux conventions internationales, réside dans son approche globale de la prévention des marées noires. Il définit au moyen d’une même loi à la fois des mesures de réglementation

15Les raisons pour lesquelles les Etats-Unis d’Amérique n’ont pas souhaité adhérer au régime international de responsabilité et d’indemnisation des dommages causés par les marées noires et ont préféré adopter un régime propre sont nombreuses. Dans sa thèse, Chao Wu montre, sur la base des documents issus des congrès du Sénat américain à partir des années 1970, que les Etats fédérés au sein de ce pays ne pouvaient admettre que les conventions internationales l’emportent sur les lois étatiques (Wu 1994, p.304). Kim (2003) met en avant le fait que les montants d’indemnisation offerts par le régime international étaient aux yeux des Etats-Unis largement insuffisants en cas de marées noires très dommageables, comme l’a illustré la catastrophe de l’Exxon Valdez.

directe de l’activité de transport maritime d’hydrocarbures16 et un régime spécifique de responsabilité et d’indemnisation des dommages causés par les pollutions d’hydrocarbures (Odier 1992, Ketkar 2002).

Présentation du régime américain de responsabilité et d’indemnisation des dom-mages causés par les pollutions d’hydrocarbures

Le dispositif américain de responsabilité instaure un double niveau d’indemnisation financé conjointement par le secteur du transport maritime et le secteur pétrolier.

Le premier niveau d’indemnisation : la définition de la responsabilité en cas de déversements d’hydrocarbures L’OPA définit tout d’abord la responsabilité du navire pollueur en cas de marées noires. Il instaure un régime de responsabilité objective solidaire et conjointe17 qui vise trois acteurs : le propriétaire du navire, l’affréteur coque nue et l’opérateur du navire18.

Des clauses d’exonérations sont toutefois prévues. Les trois acteurs peuvent être dégagés de leur responsabilité s’ils parviennent à prouver que le dommage résulte intégralement et exclusivement d’un acte de Dieu, d’un acte de guerre, d’un acte ou omission d’un tiers ou de la combinaison de ces trois cas. Cette possibilité fait néanmoins l’objet de restrictions. La partie tenue initialement pour responsable doit tout d’abord apporter la preuve qu’elle a pris les mesures préventives adéquates compte tenu des caractéristiques du pétrole et des autres circonstances de l’accident. Par ailleurs, lorsque la responsabilité d’un tiers est avérée, l’agent initialement responsable doit justifier qu’il a entrepris les précautions nécessaires à l’encontre des actes prévisibles ou omission du tiers en question ainsi que des conséquences prévisibles de ces actes et omissions. Enfin, la partie responsable ne doit pas avoir failli à ses obligations à la suite d’un déversement. Il lui est impossible de s’exonérer de sa responsabilité si elle a « [. . .] omis ou refusé (1) de signaler l’accident alors qu’elle était au courant de l’accident ou devait l’être ; (2) de fournir toute coopération raisonnable réclamée par les autorités compétentes dans les activités d’enlèvement d’hydrocarbures ; ou (3) de se conformer avec le plan d’urgence national, sans une raison suffisante» (Wu 1994, p.320).

16Les mesures réglementaires adoptées à cet effet sont diverses (Anonyme 2001g, Ketkar 2002). Une des mesures les plus connues réside dans l’obligation de ne recourir qu’à des navires double coque dans les eaux territoriales à partir de 2015. Par ailleurs, il est exigé pour tous les navires entrant dans les eaux américaines d’avoir mis au point préalablement un plan d’intervention d’urgence en cas d’accident, stipulant à la fois les actions à entreprendre et les sociétés susceptibles d’intervenir. L’OPA définit également des zones sensibles de navigation et y met en place des procédures d’escorte des navires. Enfin, compte tenu des circonstances supposées du naufrage de l’Exxon, l’OPA instaure des mesures relatives à la consommation d’alcool ou de drogue par le personnel navigant.

17Chacun des acteurs concernés peut être tenu d’indemniser l’intégralité des dommages même s’il n’a eu qu’un rôle annexe dans la survenance de la pollution.

18La définition inscrite dans le texte de la loi est la suivante : « In the case of a vessel, any person owning, operating or demise chartering the vessel » (Kim 2003). Comme le souligne Wu (1994), si le propriétaire de navire et l’affréteur coque nue ne sont pas difficiles à identifier (l’affrètement coque nue correspond à une pratique courante de location de navire, en vertu de laquelle l’affréteur a la pleine possession et l’entier contrôle du navire), il est en revanche plus difficile de définir avec autant de précision la notion d’opérateur de navire. Ce flou d’interprétation n’est pas sans incidence sur les effets de l’OPA en matière de prévention des navires, comme le montrent les travaux de Brooks (2002).

Le régime américain de responsabilité limite financièrement les indemnisations susceptibles d’être payées par les parties responsables. Des plafonds de limitation de responsabilité sont définis en fonction de la taille et du type de navire, en distinguant les navires citernes (soient les pétroliers ou les barges19) des navires ordinaires. Pour les navires ordinaires, le plafond est fixé à $600 (448 euro20) par tonneau de jauge brut ou à $500 000 (374 000 euro) si ce montant est supérieur. Pour un navire citerne dont la jauge brut est :

– inférieure ou égale à 3 000 tonneaux, le plafond vaut $1 200 (897 euro) par tonneau ou $2 millions (1,5 millions d’euro) si ce montant est supérieur ;

– supérieure à 3 000 tonneaux, le plafond vaut $10 millions (7,5 millions d’euro) ou $1 200 (897 d’euro) par tonneau, si cette valeur est plus élevée (cf. figure 2.1).

Cette limitation n’est pas automatique. L’OPA interdit en particulier aux parties respon-sables de limiter leur responsabilité :

– en cas de faute lourde ou délibérée de leur part ;

– en cas de non-respect de la réglementation en matière de sécurité maritime, de construction ou de navigation ;

– si la partie responsable refuse ou manque de signaler l’accident ou de coopérer avec les autorités compétentes lors des opérations visant à atténuer la pollution.

Afin de garantir que les parties potentiellement responsables puissent faire face aux paie-ments de tels montants, l’OPA exige que les navires pétroliers souscrivent une garantie financière à hauteur du plafond déterminé par la législation si le navire excède 300 tjb. Il est également exigé que chacun de ces navires détienne à son bord un certificat de garantie financière (dénommé certificate of financial responsibility, COFR) afin de pouvoir pénétrer dans les eaux nationales américaines.

Le second niveau d’indemnisation : l’Oil Spill Liability Trust Fund L’OPA met également en place un fonds d’indemnisation réservé aux victimes des dommages causés par les marées noires et intitulé Oil Spill Liability Trust Fund (ou encore Trust Fund)21.

De manière générale, le Trust Fund intervient dans deux cas de figures. Tout d’abord, il indemnise les victimes lorsque les parties potentiellement responsables ont été exonérées de leur responsabilité. De même, il verse des indemnisations lorsque le plafond de responsabilité du navire est inférieur au montant des dommages22.

L’Oil Spill Liability Trust Fund est financé collectivement par l’industrie pétrolière, au moyen d’une taxe perçue sur les hydrocarbures bruts reçus dans les raffineries américaines et sur les produits pétroliers transitant par les Etats-Unis. Il est plafonné à 1 milliard de dollars (747,2

19Les barges correspondent à des embarcations à fonds plat qui sont utilisées pour le transport de mar-chandises, dont le pétrôle, généralement dans des eaux peu profondes (canaux, rivières, lacs, estuaires. . .).

20Ce calcul est obtenu en utilisant le taux de change observé le 15 mars 2005, soit e1=$1,3386 (source : Banque de France).

21L’Oil Spill Liability Trust Fund n’a pas été mis en place en 1990 par l’Oil Pollution Act mais en 1986 par l’Internal Revenue Code. Il a été significativement modifié en 1989 et 1990 lors de l’élaboration de l’OPA. En particulier, les amendements de 1990 ont transféré au Trust Fund différents fonds créés par les législations fédérales antérieures s’appliquant aux pollutions marines par hydrocarbures (Wu 1994, Kim 2003).

22Le Trust Fund peut également agir dans certains cas de figures très précis dont la présentation ne présente pas d’intérêt majeur dans le cadre de cette étude. Le lecteur intéressé pourra se reporter à la thèse de Wu (1994).

millions d’euro) par marée noire, avec pour contrainte supplémentaire de ne pas verser plus de 500 millions de dollars au titre des dommages à l’environnement (373,6 millions d’euro)23. Ce montant s’ajoute aux indemnisations versées aux victimes au titre de la responsabilité du navire pollueur (cf. figure 2.1).

0 200 400 600 800 1000 1200 0 20 40 60 80 100 120 140 Mi lli o n s d e D o lla rs U S

Taille du navire (milliers de tonneaux de jauge brut) Plafond de responsabilité de la partie responsable

Montant total Oil Spill Trust Fund

Fig.2.1 – Montants d’indemnisation disponibles en fonction de la taille du navire pétrolier

Champ d’application et dommages visés par l’OPA L’OPA s’applique aux déverse-ments de tout type d’hydrocarbures, bruts ou raffinés et à tout type de navires. Il concerne les dommages subis dans la zone économique exclusive ainsi que dans les grands lacs des Etats Unis.

La liste des dommages indemnisables est explicitement définie. Elle prend en compte tout d’abord les « frais d’enlèvement », c’est-à-dire l’ensemble des coûts des mesures destinées à atténuer les dommages et supportés par les acteurs qualifiés par les textes ainsi que les individus qui auront entrepris de telles mesures conformément au National Contingency Plan24. Elle inclue également les dommages « proprement dits », c’est-à-dire les dommages résiduels, qui englobent (Wu 1994, p.312) :

– « les dommages et intérêts pour le préjudice, la destruction, la perte, ou la perte d’utilité des ressources naturelles, y compris les coûts raisonnables d’évaluation du préjudice [. . .] »25;

23Des questions se posent toutefois au sujet du plafonnement du Trust Fund. Wu (1994) mentionne un extrait de l’Internal Revenue Code qui précise que lorsque le milliard de dollars est insuffisant pour indemniser l’ensemble des dommages, les demandes des victimes ne se voient pas réduites au pro rata mais sont indemnisées intégralement suivant l’ordre de leur présentation au Trust Fund. Dans ces conditions, le milliard de dollars s’apparente plus à une réserve d’argent immédiatement disponible à la suite d’une marée noire.

24Le National Contingency Plan est un plan d’intervention en cas de pollution marine, à l’image du plan POLMAR en France.

– les « dommages et intérêts pour le préjudice, ou la perte économique résultant de la destruction d’un bien mobilier ou immobilier [. . .] » ;

– les « dommages et intérêts pour la perte d’utilité des ressources naturelles comme moyen de subsistance [. . .] » ;

– les « dommages et intérêts pour la perte nette de taxes, de redevances, de loyers ou de commissions, due au préjudice ou à la destruction d’un bien mobilier, immobilier ou de ressources naturelles [. . .] » ;

– les « dommages et intérêts pour la perte de profit, ou diminution de la productivité finan-cière causée par le préjudice, la destruction, ou la perte d’un bien mobilier ou immobilier, ou des ressources naturelles [. . .] » ;

– les « dommages et intérêts pour les frais de services publics supplémentaires pendant et après les activités de nettoyage [. . .] ».

L’OPA : une loi « minimale » L’Oil Pollution Act est une loi fédérale qui s’applique dans chaque Etat américain à défaut de lois étatiques spécifiques complémentaires26 (Wu 1994).

Les Etats ont toute latitude pour adopter des régimes de responsabilité additionnels. Ils peuvent mettre en place leurs propres fonds d’indemnisation complémentaires et avoir des exigences particulières en matière de certificats de garantie financière. De ce fait, les configu-rations en matière de responsabilité et d’indemnisation des dommages causés par les marées noires sont variées parmi la trentaine d’Etats américains concernés par ce type de pollution (Kim 2003). Certains Etats, comme la Californie, le New-Jersey ou celui de New-York, ont inscrit le propriétaire de la cargaison parmi la liste des agents responsables en cas de pollu-tion. D’autres, dont la Californie, ont instauré des régimes de responsabilité illimitée. La liste des dommages indemnisables dans le cadre de ces lois étatiques diffère d’un Etat à l’autre, de même que les montants de garantie financière exigés. La Californie exige des pétroliers transitant dans ses eaux un certificat de couverture financière à hauteur d’un milliard de dollars alors que l’Ohio ne requiert rien de plus que ce qu’impose déjà l’OPA. Par ailleurs, l’Oregon a choisi de mettre en place un fonds d’indemnisation complémentaire illimité.

L’impact de l’OPA sur la prévention des déversements accidentels d’hydrocar-bures

Les différentes dispositions contenues dans le texte législatif de l’OPA ne furent pas toutes appliquées en 1990. L’obligation de détenir un certificat de garantie financière à bord du navire ne fut effective qu’à la fin de l’année 1994. Les mesures opérationnelles, telles la nécessité d’élaborer un plan d’urgence pour l’ensemble des navires, n’entrèrent en vigueur qu’à partir de 1996 (Kim 2002). Malgré ces décalages temporels, différents travaux se sont attachés à proposer, sur la base des quelques années écoulées depuis l’adoption de l’OPA, un bilan de cette législation récente.

noires, basée sur l’approche des coûts de restauration, a été arrêtée par la NOAA (Ofiara 2002, Boyd 2004).

26Comparativement à la situation précédant son entrée en application, l’OPA élargit la capacité des Etats à adopter des réglementations supplémentaires en matière de pollution par hydrocarbures (Kim 2000).

L’impact de l’OPA en matière de prévention des déversements accidentels d’hydrocarbures a été étudié selon trois angles complémentaires :

– du point de vue de ses effets sur les déversements d’hydrocarbures dans les eaux territo-riales américaines ;

– du point de vue des modifications des comportements des acteurs du transport maritime en matière de gestion du risque de marées noires ;

– au moyen d’une analyse coût-efficacité des différentes mesures adoptées dans le cadre de l’OPA.

L’impact de l’OPA sur les déversements d’hydrocarbures Kim (2002) étudie les effets de l’OPA sur les déversements d’hydrocarbures en adoptant une approche descriptive. L’auteur met en évidence (cf. graphique 2.2) :

– une baisse importante en 1991 des volumes totaux d’hydrocarbures déversés accidentelle-ment par les navires citernes dans les eaux territoriales américaines :

– une stabilisation des volumes déversés à un niveau historiquement bas depuis 1991 ; – une disparition des déversements supérieurs à 1 million de gallons27;

– une forte diminution des déversements compris entre 100 000 et 1 million de gallons.

0 5000 10000 15000 20000 1975 1980 1985 1990 1995 2000 Mi lli e rs d e g a llo n s Année

Volume total déversé Déversements supérieurs à 1 000 001 gallons Déversements compris entre 100 001 et 1 000 000 gallons Déversements compris entre 10 001 et 100 000 gallons Déversements inférieurs à 10 000 gallons

Fig.2.2 – Volumes d’hydrocarbures déversés dans les eaux américaines par taille de déver-sement.

Source : Kim (2002).

Tout en rappelant que l’ensemble des dispositions de l’OPA ne furent pas appliquées en 1990, l’auteur estime cependant que la baisse des quantités déversées depuis 1990 tient à l’adoption de ce nouveau cadre institutionnel et plus particulièrement aux dispositions mises en place dès 1990 qui responsabilisent davantage les acteurs du transport maritime pétrolier. Kim identifie en particulier : l’augmentation significative des plafonds de responsabilité en

cas de marée noire, une prise de conscience plus importante du risque en cas de marée noire, une augmentation des primes d’assurance des navires, une meilleure sélection des navires par les compagnies pétrolières, des contrôles plus sévères des navires dans les ports ou encore la pression de l’opinion.

Les travaux de Ketkar (2002) affinent et complètent l’analyse de l’impact de la mise en place de l’OPA sur les déversements d’hydrocarbures. Conformément à celle de Kim, l’étude menée par Ketkar établit que les volumes déversés annuellement dans les eaux américaines ont fortement baissé depuis 1990. Les résultats des deux études divergent néanmoins à propos de la fréquence des déversements puisque Ketkar montre que le nombre total de déversements d’hydrocarbures a augmenté depuis 1990 alors que Kim observe le contraire. Cette différence tient au fait que (i) Ketkar considère les déversements d’hydrocarbures causés par l’ensemble des navires et (ii) que l’administration des gardes-côtes américaine se serait montrée, selon Ketkar, plus efficace dans sa mission de détection des pollutions marines que par le passé, en particulier à l’égard des déversements causés par les petites embarcations telles celles de plaisance. Les deux auteurs parviennent néanmoins aux mêmes résultats sur le segment des navires citernes : Ketkar démontre également que les déversements provenant de l’ensemble des navires citernes transportant du pétrole (pétroliers et barges) ont significativement baissé depuis 1990. La situation est toutefois contrastée entre les navires pétroliers et les barges : la contribution des pétroliers au volume total déversé a fortement baissé alors que celle des barges a augmenté28.

Ketkar s’attache également à évaluer économétriquement l’hypothèse selon laquelle les mo-difications observées à partir des années 1990 sont liées à la mise en place de l’OPA. Selon l’auteur, la mise en place de l’OPA aurait eu un impact négatif sur le volume total d’hydro-carbures déversés bien que cet effet ne soit pas statistiquement significatif.

L’impact de l’OPA sur les acteurs du transport maritime d’hydrocarbures Brooks (2002) étudie la réorganisation stratégique de la filière du transport maritime d’hydrocar-bures aux Etats-Unis suite à l’adoption de l’OPA en 1990. L’auteur prend appui sur la littérature étudiant l’insolvabilité comme un moyen d’échapper aux paiements d’indemnisa-tions en cas d’accident29. Il apprécie dans quelles mesures les grandes compagnies pétrolières américaines – de tout temps propriétaires de navires pétroliers- auraient cherché à se désen-gager de l’activité de transport d’hydrocarbures à la suite de l’adoption de l’OPA, au profit d’entités de transport maritime plus petites et moins solvables, susceptibles d’élever le risque de déversements accidentels30.

Pour apprécier cet effet, l’étude s’appuie sur une analyse rétrospective descriptive de l’évo-lution de deux indicateurs (la part du volume total de pétrole brut domestique transporté par voie de mer par les grandes compagnies pétrolières et la part de navires pétroliers sous

28Talley et al. (2001) démontrent le même résultat.

29Cette littérature est présentée dans le premier chapitre de notre thèse.

30Le spectre d’une telle dérive était fréquemment évoqué lors des discussions relatives à l’élaboration de l’OPA. En plus de ce risque, Garick (1993) mentionne également la crainte que les navires pétroliers n’approvisionnent plus que 50% des besoins en pétrole des Etats-Unis du fait d’un régime de responsabilité