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Présentation des espèces

Les deux espèces d’ongulés herbivores les plus présentes en Europe sont le chevreuil (Capreolus capreolus L., cervidé, capreoliné) et le cerf élaphe (Cervus elaphus L., cervidé, cerviné) (Verheyden! et! al.,! 2006).! S’il! s’agit! de! deux! espèces! de! cervidés,! elles! n’en!

diffèrent! pas! moins! sur! leur! taille,! leur! capacité! à! emmagasiner! des! réserves,! ou! encore! leur! régime!alimentaire!(Storms!et!al.,!2008).!En!effet,!à!l’âge!adulte,!une!biche!pèse!en!moyenne!108! kg!contre!27!kg!pour!la!chevrette!(Loison!et!al.,!1999),!le!cerf!atteignant!entre!160!et!230!kg!tandis! que!le!chevreuil!ne!pèse!que!2!à!3!kg!de!plus!que!la!chevrette.!On!trouve!également!en!Europe! d’autres!cervidés!comme!l’élan!(Alces alces!L.),!le!cerf!Sika!(Cervus nippon!T.),!le!daim!(Dama dama! L.)!et!le!renne!(Rangifer tarandus!L.),!ainsi!que!des!bovidés!parmi!lesquels!le!chamois!(Rupicapra rupicapra! L.),! le! bouquetin! (Capra ibex! L.)! ou! encore! le! mouflon! (Ovis! spp.,! toutes! formes! sauvages).!Si!toutes!ces!espèces!sont!des!ruminants,!elles!se!distinguent!toutefois!par!leur!régime! alimentaire.! !

Régimes alimentaires

Les!ruminants!sont!un!sous-ordre!de!mammifères!partageant!un!type!digestif!très!répandu! autour!du!monde.!Ils!ont!en!commun!la!capacité!d’utiliser!la!biomasse!cellulosique!à!l’aide!des! nombreux! micro-organismes! présents! dans! leurs! trois! pré-estomacs!:! le! rumen! (aussi! appelé! «!panse!»),!le!réticulum!(ou!«!réseau!»)!et!l’omasum!(ou!«!feuillet!»!en!référence!à!sa!structure!en! lames),! qui! précèdent! l’abomasum! («!caillette!»),! ce! dernier! étant! l’équivalent! de! l’estomac! des! monogastriques! comme! l’homme! (Barone,! 1997).! Leur! digestion! implique! une! phase! de! rumination,!qui!consiste!en!des!cycles!de!régurgitations!–!mastication!–!ingestion!entre!le!rumen! et!la!cavité!buccale,!de!sorte!à!rompre!les!parois!végétales!et!les!membranes!cellulaires!et!donc!à!

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rendre! leur! contenu! plus! facilement! accessible! aux! enzymes! digestives,! et! à! imprégner! le! bol! alimentaire! de! salive,! qui! est! entre! autres! une! solution! tampon! maintenant! le! pH! du! rumen! compatible!avec!la!vie!des!nombreux!micro-organismes!qu’il!héberge!(Sjaastad!et!al.,!2003).!Bien! qu’ils!partagent!cette!particularité!physiologique,!des!différences!permettent!de!définir!plusieurs! catégories!de!ruminants.!

Parmi! les! ruminants! sauvages,! longtemps! les! mangeurs! de! feuilles! («!browsers!»),! très! sélectifs,!ont!été!opposés!aux!brouteurs!d’herbe!(«!grazers!»),!jusqu’à!ce!qu’Hofmann!et!Stewart! (1972)! définissent! trois! types! de! ruminants,! pour! aller! au-delà! de! cette! classification! qu’ils! qualifiaient! d’insuffisante.! En! effet,! elle! ne! tenait! par! exemple! pas! compte! du! fait! que! certains! «!grazers!»!pouvaient!eux!aussi!être!très!sélectifs,!et!qu’une!espèce!donnée!pouvait!passer!d’un! comportement! à! l’autre! en! fonction! de! la! saison! et! de! la! ressource! alimentaire! disponible.! Par! l’étude!des!nombreux!ruminants!sauvages!d’Afrique!de!l’est,!ils!se!sont!fondés!sur!des!relations! structure!–!fonction!–!ressource!pour!différencier!:!

- Les!mangeurs!de!fourrage!(«!grass and roughage eaters!»,!appelés!«!GR!»!par!la!suite),!dont! le!rumen!a!une!capacité!importante,!permettant!un!transit!lent!d’une!nourriture!riche!en! fibres,!avec!peu!de!papilles!ruminales!(sièges!du!passage!des!acides!gras!volatils!dans!le! sang)! qui! sont! très! kératinisées,! donc! protégées! contre! les! fibres.! Ils! se! nourrissent! principalement!de!graminées.!Sous!nos!latitudes,!il!s’agit!notamment!du!mouflon.!

- Les! «!sélecteurs! d’herbe! concentrée!»! («!concentrate selectors!»,! appelés! «!CS!»! par! la! suite),!dont!le!rumen!est!plus!simple!et!adapté!à!un!renouvellement!rapide!et!à!un!fort! taux!de!fermentation!du!bol!alimentaire.!Sa!capacité!d’absorption!est!démultipliée!par!la! présence! de! nombreuses! papilles! ruminales.! Ils! se! nourrissent! principalement! d’herbacées!dicotylédones,!buissons!et!feuilles!d’arbres.!Le!chevreuil!et!l’élan!en!sont!deux! exemples.!

- Les!mangeurs!intermédiaires!(«!intermediate feeders!»,!appelés!«!IM!»!par!la!suite),!dont!la! sélection! alimentaire! et! la! morphologie! du! tractus! digestif! se! situe! entre! les! deux! précédemment!décrites.!Ils!peuvent!présenter!des!variations!structurelles,!résultant!d’un! changement!d’habitat,!de!saison,!ou!bien!de!la!compétition!avec!une!autre!espèce.!Le!cerf! élaphe! et! le! chamois! font! partie! de! cette! catégorie.! Certains! sont! intermédiaires! à! préférence!pour!l’herbe,!comme!le!bouquetin,!d’autres!à!préférence!pour!les!herbacées! dicotylédones,!buissons!et!feuilles!d’arbres,!comme!le!renne.!Bien!que!les!ruminants!de! cette! catégorie! aient! un! régime! alimentaire! varié! et! opportuniste,! ils! évitent! les! fibres! autant!que!possible.!Lorsque!que!les!plantes!fourragères!se!lignifient!ils!peuvent!devenir! plutôt!«!brouteurs!»,!et!aussi!se!nourrir!de!graines!et!de!fruits.!

La!figure!9!place!différentes!espèces!de!ruminants!parmi!ces!catégories.! !

41 ! ! Les!CS!sont!caractérisés!par!une!ouverture!de!bouche!relativement!plus!large!que!celle!des! GR.!Elle!leur!permet!d’attraper!des!rameaux,!des!fruits!ou!des!inflorescences!en!entier.!Hofmann! (1989)!a!également!rapporté!une!production!de!salive!plus!importante!chez!les!CS!et!les!IM!que! chez! les! GR,! qu’il! met! interprète! comme! un! moyen! de! contourner! les! défenses! chimiques! des! plantes,!comme!les!phénols!et!les!tannins.!Il!a!en!effet!été!montré!qu’à!l’issue!de!la!mastication! d’une! rosacée! (Coleogyne ramosissima)! par! la! chèvre,! 50%! des! tannins! initialement! présents! avaient!disparu!(Provenza!&!Malechek,!1984).!

Par!la!suite,!nous!nous!intéresserons!plus!particulièrement!aux!cas!du!cerf!élaphe!(IR)!et! du!chevreuil!(CS).!En!effet,!le!chevreuil!est!certes!généraliste,!mais!n’en!est!pas!moins!très!sélectif! dans! son! alimentation! (Redjadj! et! al.,! 2014;! Storms! et! al.,! 2008;! Tixier! et! al.,! 1997).! Ces! deux! espèces!utilisent!en!outre!différemment!la!ressource!alimentaire!:!le!chevreuil,!qualifié!d’«!income breeder!»,!n’a!pas!la!capacité!d’accumuler!d’énergie!(et!donc!pas!le!coût!métabolique!associé),!et! est!donc!très!dépendant!de!la!ressource!alimentaire!qu’il!consomme.!Le!cerf!élaphe,!quant!à!lui,! est! qualifié! de! «!capital breeder!»,! capable! d’emmagasiner! de! l’énergie! jusqu’à! la! période! de! reproduction!et!de!l’élevage!des!jeunes.!Le!cerf!mulet!de!sitka!(Odocoileus hemionus sitkensis,!R.),! par!exemple,!absorbe!quatre!fois!plus!d’énergie!par!minute!en!été!qu’en!hiver,!pour!une!dépense! énergétique! 1,2! fois! plus! élevée.! Les! changements! saisonniers! de! l’efficacité! de! la! quête! de! nourriture! sont! à! l’origine! des! variations! saisonnières! de! sa! masse! corporelle,! et! ces! réserves!

Figure 9. Ruminants européens classés selon leur type alimentaire (espèces domestiques en blanc). Les espèces les plus à droite sont les plus adaptées à la digestion de parois cellulaires et de fibres, les plus à gauche sont celles qui sélectionnent plutôt le contenu cellulaire.

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accumulées! en! été! essentielles! à! sa! survie! au! cours! de! l’hiver,! la! seule! quête! de! nourriture! ne! permettant!pas!de!combler!ses!besoins!(Parker!et!al.,!1996).!

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