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Le régime hydrologique renseigne sur les variations de débit au cours du temps. Afin de décom-poser l’influence de la pluie, de la neige et des glaciers sur le régime hydrologique, analysons l’évolution du débit dans trois bassins versants français, de taille équivalente (environ 200 km2) et d’environnements différents, en fonction de l’évolution des précipitations (figure2.1).

Figure 2.1. – Régime pluvial (la Moine à Cholet), nival (la Durance à Val-des-Prés) et glaciaire (l’Arve à Chamonix-Mont-Blanc). La pluie de bassin et la température de bassin sont issues de réanalyses météorologiques SAFRAN.

La Moine à Cholet est une rivière provenant d’un environnement à faible relief dont le comportement hydrologique est classique. Son régime de précipitations indique de fortes pluies durant l’hiver, sans présence de chutes de neige (températures positives), suivi d’une saison sèche durant l’été. Cela se traduit par un régime hydrologique de type pluvial avec des crues hivernales et une période d’étiage en été, concomitant avec le régime des pluies. La différence entre la pluie et le débit est une mesure de l’évapotranspiration et de la variation des nappes.

La Durance à Val-des-Prés (en amont de Briançon) est une rivière provenant d’un en-vironnement montagneux sans glacier. Son régime de température indique la présence de neige (températures négatives) de novembre à avril. Cela se traduit par un régime hydrologique de type nival, avec des crues au printemps-début d’été coïncidant avec la période intense de fonte des neiges pendant laquelle la température atmosphérique du bassin versant redevient largement positive. Pendant cette période, la lame d’eau écoulée en rivière est bien plus importante que la lame d’eau précipitée. Cela illustre bien que l’eau est stockée dans le couvert neigeux à l’échelle saisonnière avant d’être restituée à l’écoulement.

L’Arve à Chamonix-Mont-Blanc est une rivière provenant d’un environnement mon-tagneux avec présence de glaciers. La température de bassin au cours de l’année est comparable à celle du bassin de la Durance, et la présence de neige en hiver se traduit également par des crues en mai-juin. Néanmoins, alors que le manteau neigeux a fondu (à l’exception de quelques patchs de névé), ces crues se prolongent tout l’été, période pendant laquelle la fonte des glaciers soutient le régime hydrologique, et la lame d’eau écoulée en rivière demeure plus importante que la lame d’eau précipitée : on parle alors de régime glaciaire ou nivo-glaciaire, selon l’importance de la contribution glaciaire. Ainsi, on constate que les grandeurs météorologiques de précipitation et de température gou-vernent au premier ordre l’hydrologie de montagne. Par ailleurs, la présence d’un couvert nei-geux et de glaciers modifie le régime hydrologique intra-annuel et induit un décalage temporel sur l’hydrologie. Le déphasage induit est fortement conditionné par la température et est carac-téristique du temps de résidence1 de l’eau dans ces réservoirs, présenté en figure 2.2 (Jansson et al., 2003).

En couplant l’information de la figure 2.1 et de la figure 2.2, on se rend compte qu’une partie du débit issu du régime glaciaire correspond à de l’eau précipité sur le bassin il y a plusieurs

1. Le temps de résidence de l’eau au sein d’un réservoir à l’équilibre est défini comme le rapport entre le stock et le flux (entrant ou sortant) et correspond à l’échelle de temps moyenne de séjour d’une molécule d’eau dans un réservoir donné.

Figure 2.2. – Temps de résidence de l’eau dans les différents réservoirs de neige, de névé (état intermédiaire entre neige et glace) et de glacier. La couverture neigeuse est sai-sonnière tandis que les glaciers emmagasinent de l’eau sur plusieurs années. D’après Jannsson et al., 2003.

années. Dans la perspective d’étudier l’hydrologie d’un tel bassin sur plusieurs années à plusieurs dizaines d’années, la compréhension de la composante hydrologique basse-fréquence associée est un enjeu majeur pour la ressource en eau à l’échelle de bassins versants, en particulier en période de changement climatique. Cela suggère de comprendre le lien entre le débit, les processus de fonte glaciaire et d’alimentation des glaciers.

Les bilans hydrologiques présentés ci-avant reposent sur les notions de pluie de bassin et de température de bassin, estimées à partir de réanalyses météorologiques SAFRAN (Durand et al.,

1993), issues d’un modèle de circulation atmosphérique, lui-même validé au niveau des mesures locales météorologiques. Etant donné la forte variabilité météorologique en montagne, quelle valeur donner à une telle estimation du champ de précipitations et températures ? D’autant que, presqu’aucun pluviomètre n’est déployé à plus de 2000 mètres d’altitude dans les Alpes françaises (Gottardi, 2009). Pourtant, le champ de précipitations gouverne au premier ordre le bilan hydrologique et l’estimation d’un tel champ fortement variable et intermittent comme les précipitations génère une incertitude très forte sur l’estimation des autres composantes du bilan hydrologique. Sa connaissance est un enjeu particulièrement majeur en hydrologie de montagne. A cet égard, nous aurons recours à la modélisation pour mieux comprendre le lien entre les processus météorologiques et hydrologiques en jeu et d’évaluer quel rôle peut jouer le couvert neigeux et les glaciers.

Synthèse

Le cycle de l’eau en montagne (Blanchard,1909) concentre une majeure partie de l’eau douce de surface disponible comme ressource. Leur importance hydrologique est significative, en particu-lier dans les régions sèches à tempérés, pour lesquelles plus de la moitié des débits provient des montagnes. La présence du relief, génère un contrôle altitudinal fort de l’ensemble des processus hydrologiques et météorologiques en jeu.

L’analyse du régime hydrologique d’un tel environnement a permis de souligner le rôle pré-pondérant des précipitations et de la température. Le contrôle altitudinale sur ces grandeurs se traduit par une forte variabilité spatio-temporelle du champ de précipitations et de tem-pératures. Le très faible réseau de mesures météorologiques pose des difficultés importantes dans l’estimation présente et future de la lame d’eau précipitée et écoulée. Le problème de l’hydrologue de montagne est donc avant tout un problème météorologique.

A haute et très haute altitude, les conditions climatiques autorisent la survie du manteau neigeux et des glaciers, dont l’évolution est fortement conditionnée par les précipitations et la température. A cet effet, un des objectifs de la thèse, sera mettre au service l’information fournie

par le couvert neigeux et les glaciers, au service de l’estimation des différentes composantes du bilan hydrologique.

De plus, les glaciers affectent significativement l’hydrologie des environnements montagneux sur une échelle de temps allant de l’année à plusieurs dizaines d’années. La compréhension de cette composante hydrologique pluri-annuelle peu connue est un enjeu majeur pour la ressource en eau à l’échelle de bassins versants, en particulier en période de changement climatique. Pour saisir ces deux problématiques, le recours à la modélisation est inévitable.

II

Modélisation hydrologique des bassins