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5 Description des processus nivaux

5.2. Bilan d’énergie

Le bilan de masse du manteau neigeux est intimement lié à son bilan d’énergie, dont les com-posantes sont présentées en figure 5.2 :

On peut décomposer ce bilan d’énergie global en deux séquences : un bilan radiatif et un bilan énergétique :

Figure 5.2. – Schéma des principales composantes du bilan d’énergie du manteau neigeux. L’énergie interne U

5.2.1. Bilan radiatif :

Le rayonnement solaire de courtes longueurs d’ondes incident S ↓

Le rayonnement solaire incident S ↓[W/m2] dont la majorité du spectre électro-magnétique est composée de courtes longueurs d’onde. Des 1368 W/m2 (constante solaire) arrivant en moyenne au sommet de l’atmosphère, il n’en arrive en réalité qu’une portion à la surface du manteau neigeux, et ce, pour deux raisons. La première est purement géométrique : en moyenne il arrive 342 W/m2 au sommet de l’atmosphère résultant de l’intersection entre le « cylindre » de rayon-nement solaire et la demi-sphère terrestre. La deuxième est liée à la réflexion et à l’absorption des ondes électromagnétiques. Une partie du rayonnement est réfléchie par l’atmosphère ou est absorbée au sein de l’atmosphère entre autres par les molécules d’O3, d’O2, de CO2 et de vapeur d’eau. Cela met en évidence que la quantité de rayonnement solaire arrivant au sol est notamment contrôlée par la présence ou non de nuages. Enfin, à la surface du manteau neigeux, la fraction de rayonnement restant arrivant en surface dépend de l’angle d’incidence

iincid du rayonnement : un rayonnement solaire direct sur un versant orienté face au soleil est plus important qu’un rayonnement rasant sur un versant orienté face opposée. Tout comme les précipitations, le bilan radiatif est ainsi contrôlé par la topographie.

Le rayonnement de courtes longueurs d’ondes réfléchi S ↑

Le rayonnement de courtes longueurs d’ondes réfléchi S ↑[W/m2] est la part du rayonnement solaire incident réfléchi à la surface. L’albédo αneige [-] du manteau neigeux est une mesure de sa capacité à réfléchir le rayonnement incident. Par exemple, pour de la neige fraîche, l’albédo est d’environ 0.9, ce qui signifie que 90% du rayonnement solaire incident est renvoyé. Le rayonnement solaire net Sn à la surface du manteau neigeux est la différence entre les deux composantes S ↓ −S ↑.

Le rayonnement de grandes longueurs d’ondes neigeux L ↑

Le rayonnement de grandes longueurs d’ondes émis par la surface du manteau neigeux L ↑ [W/m2] est issu de la loi de Stefan-Boltzmann et est exprimée par la relation :

L ↑= ǫneige,sσTneige,s4 (5.2)

Où σ = 5.67 ∗ 10−8W m−2K−4est la constante de Stefan-Boltzmann, ǫneige,s [-] l’émissivité de la neige de surface, et Tneige,sest la température de surface du manteau neigeux. Cette expression met en évidence la très forte dépendance de L ↑ à la température de la neige en surface. L’émissivité de la neige étant très proche de 1, nous omettrons volontairement ce terme par la suite.

Le rayonnement de grandes longueurs d’ondes atmosphérique L ↓

Le rayonnement de grandes longueurs d’ondes émis par l’atmosphère L ↓ [W/m2] :

L ↓= ǫaσTa4 (5.3)

On note εal’émissivité de l’air. De la même manière, cette composante est fortement dépendante de la température de l’air Ta. Etant donné le profil décroissant de Ta dans l’atmosphère, cette composante décrit principalement le rayonnement émis par les basses couches de l’atmosphère. Dans des conditions sans nuages, 60% de l’émission atmosphérique provient des premiers 100 mètres d’atmosphère et 90% provient du premier kilomètre d’ atmosphere ou de la distance avec les nuages, si nuages il y a (Ohmura,2001). Le rayonnement de grandes longueurs d’ondes net Ln émis par l’atmosphère en direction du manteau neigeux est la différence des deux composantes −L ↑ +L ↓= σ(εaT4

a− T4

neige,s). Le bilan radiatif net Rnà la surface du manteau neigeux s’écrit alors :

Il est important de rappeler que nous envisageons de travailler à l’échelle journalière. A cette échelle de temps, les conditions atmosphériques et l’angle d’incidence varient fortement, tout comme la température de l’air et de la surface de la neige. Par ailleurs, l’albédo de la neige n’est pas le même pour de la neige fraîche et poudreuse que pour de la neige tassée, mais varie d’environ 0.9 pour de la neige fraîche à environ 0.2 pour une « vieille » neige tassée, par changement de structure cristalline des flocons de neige (Wiscombe et Warren, 1980) et par mélange avec des aérosols (Warren et Wiscombe,1980). Passons à présent au bilan énergétique. Il se compose des flux turbulents, conductif et géothermique.

5.2.2. Flux turbulents

Le flux de chaleur latente LE

Le flux de chaleur latente LE [W/m2] (e.g. Dadic et al.,2013) est le seul flux d’énergie associé à un transfert de masse (il couple les deux bilans) et rend compte de l’énergie employée lors des changements de phase de l’eau par l’évaporation, par la sublimation et par la formation de givre en surface. Si, la sublimation et la formation de givre (condensation solide) en surface sont jugées négligeables dans les bilans de masse, l’énergie associée à leurs changements de phase est toutefois prise en compte dans le calcul de ce flux car la chaleur latente de subli-mation/condensation solide est environ huit fois plus grande que la chaleur latente de fusion. En particulier, lors de la formation de givre, le flux de chaleur est orienté vers le manteau. La chaleur latente est contrôlée par la vitesse du vent Uvent à proximité du manteau et par la différence de pression partielle de vapeur d’eau entre la surface du manteau eneige,set les basses couches eade l’atmosphère. A la surface du manteau, ce flux s’exprime par la relation suivante :

LE = ρaLsub

raero(Uvent)(eneige,s− ea) (5.5)

Où Lsubest la chaleur latente de sublimation (Lsub= 2.834.106J.kg−1) et ρa[kg/m3] est la masse volumique de l’air, et où raero est la résistance aérodynamique du manteau fonction notamment de la vitesse du vent. Ce flux peut jouer un rôle important dès lors que le climat est très sec (e.g.Wagnon et al., 1999).

Le flux de chaleur sensible H

Le flux de chaleur sensible H [W/m2] (e.g. Dadic et al.,2013) rend compte de l’énergie gagnée ou perdue par le manteau par convection et conduction turbulente dans l’air. C’est un flux qui dépend de la résistance aérodynamique du manteau raero et qui est essentiellement contrôlé par

la vitesse du vent U et la différence de température entre la température de surface Tneige,s et la température des basses couches de l’atmosphère Ta. A la surface du manteau, ce flux s’exprime par la relation suivante :

H = ρaca

raero(Uvent)(Tneige,s− Ta) (5.6)

Où ca[J/kg/K] est la capacité thermique massique de l’air.

La température de surface de la neige est le plus souvent inférieure à celle de l’air et les échanges turbulents de chaleur sensible contribuent généralement à réchauffer le manteau neigeux.

5.2.3. Autres Flux

Flux géothermique G

A l’interface avec la roche ou avec le sol, le manteau neigeux est soumis au flux géothermique

G [W/m2]. Etant donné la faible quantité d’énergie apportée par ce flux (le flux moyen à la

surface des continents est de 65 mW/m2), nous négligerons par la suite cet apport d’énergie, bien qu’il a été montré que la fonte sous-glaciaire, et notamment la formation d’une nappe dans un aquifère sous le glacier, peut contribuer à augmenter ce flux (Clarke et al.,1984).

Flux conductif ϕ

Le bilan d’énergie global en surface se traduit par un flux de chaleur se propageant en profondeur par conduction thermique ϕ [W/m2] dans le manteau neigeux. La conduction thermique est régie par la loi de Fourier (Fourier, 1822) qui stipule que ce flux de chaleur est proportionnel et s’oppose au gradient de température généré entre la température de surface Tneige,s et la température moyenne du manteau Tneige :

ϕ = −kneige

dTneige

dz (5.7)

Où kneige est la conductivité thermique de la neige. Tout comme pour l’albédo, la conductivité thermique kneige de la neige n’est pas la même pour de la neige fraîche et poudreuse que pour de la neige tassée. On comprend bien qu’une neige compacte, remplie d’eau de surcroît, est plus conductrice thermiquement que de la neige fraîche remplie d’air, plus isolante. Cette variation est sensible puisqu’il a été observé une relation entre la conductivité de la neige kneige et le carré de sa masse volumique ρneige (Yen, 1962). A l’échelle journalière, ce flux intègre la variation périodique diurne de la température de surface et se propage sur une épaisseur caractéristique

propage. Les observations montrent que les oscillations journalières de la température de surface se propagent typiquement sur une épaisseur thermiquement active de 7 à 15 cm (Gerdel,1948).

Apport d’énergie contenu dans les précipitations Uprec

Le flux d’énergie Uprec [J/m2] traduit le transfert de chaleur apportée par convection par les précipitations liquides et solides entrant dans le manteau ainsi que le regel de la pluie au sein du manteau et s’exprime par :

Uprec= Ta(csolPsol+ cliqPliq) + LfPliq (5.8)

Où Lf est la chaleur latente de fusion (Lf = 0.334.106J.kg−1 à 273.15 K) et où csol et cliq sont respectivement la capacité thermique massique de la glace et de l’eau liquide (2.11.103 et 4.18.103 J.kg−1.K−1).

5.2.4. Bilan d’énergie en surface et global

Avant de passer au bilan d’énergie global, il est nécessaire de déterminer la température de surface du manteau Tneige,s afin de savoir si un changement de phase supplémentaire s’opère par la fonte ou non. Le bilan d’énergie à la surface du manteau neigeux s’écrit :

Rn= ϕ + H + LE (5.9)

Si on connaît tous les termes, ce bilan permet de résoudre la température de surface Tneige,s du manteau neigeux. La résolution de la température de surface conditionne alors l’apport d’énergie au sein du manteau neigeux. La fonction d’état du manteau associée au bilan d’énergie global est l’énergie interne U exprimé en J.m−2. Cette variable d’état extensive caractérise l’énergie du manteau à un endroit et à un instant donné. Deux cas de figures se présentent alors. Si la température de surface Tneige,s est inférieure à la température de fonte (273.15 K), l’évo-lution de l’énergie interne est le flux de chaleur conducto-convectif entrant et le bilan d’énergie global du manteau neigeux est :

Si la température de surface Tneige,s égale la température de fonte, le flux conductif disparaît et le bilan d’énergie global du manteau neigeux devient :

dU = Rndt − Hdt − LEdt + Uprec (5.11)

auquel cas l’énergie ∆U apportée en excès est transférée par percolation au sein du manteau, ce qui génère de la fonte F [mm] par la relation suivante :

F = ∆U Lfρeau

(5.12)

Où ρeau est la masse volumique de l’eau liquide. La quantité de fonte F renseigne alors l’in-filtration I dès lors que le manteau arrive à saturation en eau liquide. La percolation peut jouer un rôle dans le bilan d’énergie par des cycles successifs de fonte/regel au sein du manteau (e.g.Morris et al.,2010), mais ces cycles seront négligés par la suite. D’après l’Eq. 5.12 la com-posante de fonte nivale est contrôlé au travers des différentes comcom-posantes du bilan d’énergie global par l’albédo, les conditions atmosphériques et topographiques, et surtout par la tem-pérature de l’air à la puissance 4. Justement, au premier ordre, le contrôle le plus important de la fonte est le rayonnement de grandes longueurs d’ondes émis par l’atmosphère, suivi par le contrôle de l’ensemble du bilan radiatif (Ohmura, 2001). Etant donné la décroissance du profil de température avec l’altitude, l’effet de l’altitude va alors se traduire sur la variabilité spatiale du manteau neigeux à l’échelle d’un versant de montagne par plus de précipitations neigeuses à très haute altitude et par plus de fonte à très basse altitude. Comme pour le champ de précipitation, le deuxième contrôle majeur de l’organisation spatiale du manteau est d’ordre topographique (pente, exposition du versant, couvert végétal, ...) (Adams, 1976;Lauriol et al.,

1986).

De manière générale, la géométrie du manteau neigeux à l’échelle du bassin versant va dépendre de la distribution spatiale des différentes composantes du bilan de masse et d’énergie que nous venons de mettre en évidence. Examinons maintenant ce qui contrôle l’évolution de la géométrie du manteau neigeux (la variabilité temporelle).

Au-delà de l’évolution des conditions météorologiques et climatiques, nous avons évoqué deux propriétés du manteau susceptibles d’évoluer significativement à l’échelle journalière :

l’albédo αneige, dont nous avons dit qu’il évoluait par déformation cristalline des flocons de neige en surface, puis par la présence progressive d’aérosols.

la conductivité thermique kneige dépendant fortement de la masse volumique ρneige du manteau neigeux, une grandeur qui évolue également au cours du temps. On comprend bien que de la poudreuse n’a pas la même masse volumique que de la neige de printemps.

L’évolution de ces deux grandeurs se répercute sur la quantité de fonte générée en particulier, et sur le bilan de masse en général. Si ces propriétés évoluent, c’est parce que le manteau neigeux se déforme sur toute la colonne de neige, ainsi qu’en surface.