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CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE

1.4. LES RÉFORMES ÉDUCATIVES

Au cours de son cheminement historique et pour répondre aux nombreux défis du développement social et institutionnel, le système éducatif gabonais a connu un certain nombre de mutations qui ont permis la mise en place de réformes pédagogiques. Dans le cadre de la présente recherche, il importe d’examiner ces réformes à deux niveaux essentiels : au niveau national et au niveau international.

1.4.1. Au niveau national

Au lendemain de son accession à l’indépendance, le Gabon avait mis en place en 1961 une politique de scolarisation à 100 %. Cette politique fut traduite par la loi n°16/66 du 9 août 1966 portant sur l’organisation générale de l'enseignement dans la République gabonaise et portait notamment sur l’approche par les contenus dans l’ensemble du système éducatif. Ayant révélé de nombreuses limites liées notamment à la qualité de l’enseignement dont les contenus et les objectifs s’avéraient incompatibles avec les préoccupations et les besoins réels de développement des populations), cette approche avait été fortement dénoncée et on avait envisagé de la remplacer, à l’horizon 1970, par l’approche par objectifs (Aglo, 2001). Dès lors, il fut organisé à Koula-Moutou (Province de l’Ogooué-Lolo) en 1975, un important séminaire visant à définir les fondements théoriques du système éducatif gabonais. Les résolutions de ce séminaire ont permis, en 1979, à l’issue d’un autre séminaire tenu au Cap Estérias (situé au nord de Libreville), de déterminer les finalités de l’éducation au Gabon,

En 1983, le système éducatif gabonais a connu une mutation profonde avec l’organisation des premiers États Généraux de l’Éducation et de la Formation. Les résolutions de ces travaux ont permis de mettre en place une nouvelle approche pédagogique : l’approche par objectifs, en lieu et place de l’approche par les contenus qui était utilisée depuis la période coloniale.

En application des recommandations des États Généraux de l'éducation de 1983 et faisant suite aux résolutions des assises de Jomtien tenues en Thaïlande en 1990,le Gabon a inscrit dans ses différentes politiques éducatives les objectifs de l’éducation pour tous (EPT)en développant depuis plusieurs années un certain nombre d’activités dont les plus essentielles sont : le Projet Gabon BAD 1 qui vise l’amélioration de la qualité du service public de

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l'éducation, le Projet Gabon BAD 2qui a permis d’apporter un appui institutionnel en termes de renforcement des capacités dans la gestion du système éducatif, puis le Projet FAC/PADEG visant la formation continue des ressources humaines nationales et qui a permis concrètement de recruter 1200 enseignants pour l’école primaire en l’an 2000 (CONFEMEN, 2008).

Ensuite, les États Généraux de l’Éducation et de la Formation tenus au Gabon en 2010 ont permis de mettre en place la loi d’orientation n°21/2011 du 14 février 2012 portant sur l’orientation générale du système éducatif gabonais, laquelle loi vise actuellement l’amélioration du niveau de qualification des ressources humaines nationales, en mettant un accent particulier sur les formations initiale et continue des enseignants du primaire en vue d’une plus grande bonification de l’offre éducative.

1.4.2. Au niveau international

Comme nous l’avons indiqué supra, la conférence Mondiale sur l'Éducation pour tous tenue à Jomtien (en Thaïlande)en mars 1990 et organisée conjointement avec le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (Unicef), le Programme des Nations Unies pour le Développement(PNUD), l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), la Banque Mondiale et le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) avait formulé d’importantes recommandations à tous les pays participants. Accordant une place de choix à ces recommandations, en plus de ses politiques éducatives nationales, le Gabon veille à dresser un tableau complet de ses progrès par rapport aux objectifs internes d'éducation pour tous recommandés lors de la conférence de Jomtien en 1990. Ces différents objectifs visent particulièrement à identifier les priorités et les stratégies prometteuses en vue de surmonter les obstacles et d'accélérer le progrès, puis réviser en conséquence les différents plans d'action en matière d’éducation au niveau national.

Dans la même perspective, le sommet tenu à Yaoundé au Cameroun en 1995 et portant sur l’évaluation des recommandations de Jomtien avait permis de mettre en place dans chaque pays des manuels scolaires répondant à leurs contextes éducatifs respectifs et dans l’esprit d’une intégration régionale et internationale des systèmes éducatifs. De même, le Cadre d’action tenu à Dakar au Sénégal en 2000 sous la direction de l’UNESCO avait permis de

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poser un profond diagnostic sur l’ensemble des systèmes éducatifs africains, en mettant en évidence les difficultés éducatives communes et spécifiques. Le rapport de l’UNESCO (2000) mentionne que les objectifs stratégiques de ces assises avaient porté sur cinq thèmes visant notamment à réformer l’éducation de manière à réaliser le développement national et sous-régional, à réformer les contenus des programmes scolaires, à transformer le rôle de l’État ainsi que les structures et les fonctions des systèmes éducatifs, à renforcer les capacités en matière de direction, de gestion, de recherche et de système d’information, tout en renforçant les partenariats avec les ONG, la société civile et les partenaires de développement aux niveaux national et international.

Cette importante rencontre a permis au Gabon, à l’instar des autres pays, de disposer d’une analyse détaillée de l’état de l’éducation de base au niveau national et d’évaluer les avancées faites vers les objectifs de Jomtien. De plus, les résultats de cette analyse avaient permis de déterminer les difficultés communes de l’ensemble des systèmes éducatifs en Afrique et dans le monde. On y retient notamment que l’accès à l’éducation est limité, que la qualité de l’enseignement reste médiocre, et que les programmes scolaires sont souvent éloignés des besoins des apprenants et ne permettent pas de contribuer au développement social, culturel et économique des différents États concernés. De même, les processus d’évaluation sont souvent hors du contexte des besoins réels de développement des pays concernés et des élèves (UNESCO, 2000).

Au regard des nombreuses limites ainsi révélées, le Cadre d’action de Dakar avait alors formulé plusieurs recommandations visant à améliorer la qualité globale des différents systèmes éducatifs. À ce sujet, l’UNESCO (2000) mentionne que l’une des recommandations majeures consiste à considérer le rôle irremplaçable des enseignants dans la transformation de l’éducation, car ils font évoluer les pratiques d’enseignement et d’évaluation en classe, utilisent des ressources pédagogiques et technologiques, dispensent un enseignement pertinent et de qualité et contribuent à la formation de valeurs chez les élèves. Cette prise en compte du rôle des enseignants passe par la mise en œuvre de meilleurs diapositifs de formation initiale et continue ainsi que par la prise en compte des conditions de travail et de vie de ces enseignants, gages d’amélioration de leurs prestations.

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1.4.3. L’avènement de l’approche par les compétences (APC)

En Afrique, le passage d’une école élitiste à une école pour tous, au regard des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis dans la déclaration de Dakar sur l’éducation pour tous, permet de s’interroger sur la qualité des curricula et des programmes qui seraient plus en adéquation avec ces objectifs (Cros et al, 2010). Ainsi, à l’instar de plusieurs pays africains, le Gabon s’est engagé à garantir une scolarisation obligatoire et une meilleure qualité de l’éducation, en instituant, pendant l’année scolaire 2002-2003, une politique de réforme curriculaire prônant la mise en place de l’approche par compétences (Cros et al, 2010). Cette nouvelle approche pédagogique vise notamment à établir des nouveaux processus d’évaluation des apprentissages scolaires. Depuis son entrée officielle dans le système éducatif gabonais, l’approche par compétences concerne l’enseignement primaire et touche l’organisation pédagogique. Ainsi, l’APC a également permis de réduire la durée du cycle primaire qui est passée de six à cinq années de scolarité.

Plusieurs programmes connexes ont été mis en œuvre pour appuyer cette approche, c’est le cas de l’Éducation en matière de population (EMP), de l’éducation environnementale, de l’éducation artistique et du programme de réaménagement des horaires d’enseignement. Pour sa part, l’Institut Pédagogique National(IPN), en collaboration avec des éditeurs, des ONG et des organismes internationaux, a produit des manuels scolaires ainsi que des fascicules de conjugaison, de grammaire, d’orthographe et de calcul mental (MEN, 2008). Pour permettre une plus grande adaptation de l’approche au contexte éducatif national, le Gouvernement gabonais a permis, de 2005 à 2012, d’élaborer et d’intégrer dans les programmes pédagogiques des contenus d’enseignement en lien avec la préservation du patrimoine culturel national et le renforcement des domaines considérés comme délaissés tels que la formation professionnelle et l’alphabétisation des adultes.

L’UNESCO (2010/2011) mentionne que la décision du Gabon d’adopter cette nouvelle approche était préalablement passée par des consultations et des concertations entre les différents partenaires du système éducatif, à travers la Commission Nationale des Programmes. En effet, la Commission Nationale des Programmes a pour compétence de proposer au Gouvernement les mesures d’adaptation du système éducatif à l’évolution des connaissances, d’adaptation des enseignements, des programmes d’enseignement et des méthodes et champs de recherche pédagogique.

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Présidée par le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN), cette commission fixe les attributions par un arrêté ministériel, en désigne les membres ainsi que les modes d’organisation et de fonctionnement, tout en impliquant les différents organes d’action qui sont sous la tutelle de l’Institut Pédagogique Nationale (IPN) chargé de l’élaboration des programmes et des outils pédagogiques.

Le même rapport souligne que le choix de l’approche par compétences au Gabon a été motivé par une série de dysfonctionnements du système éducatif constatés au niveau de son rendement interne qui était relativement faible. Depuis sa mise en œuvre, cette approche vise à combattre l’ensemble des difficultés indiquées supra, en vue de la réussite du plus grand nombre d’élèves. De ce point de vue, les différents programmes de formation initiale et continue des enseignants gabonais du primaire portent sur la maîtrise des outils pédagogiques et évaluatifs mis en place dans le cadre de l’approche par compétences. Cette réforme curriculaire présente également plusieurs enjeux dans le fonctionnement du système éducatif gabonais. Il s’agit notamment d’une très forte exigence des compétences complexes chez les enseignants dans la maîtrise des outils pédagogiques et évaluatifs, puis chez les élèves dans l’acquisition et la mobilisation des compétences prescrites qui sont souvent hors du contexte des apprentissages.

Au regard de ce qui précède, il s’avère important d’examiner, dans le cadre de la présente recherche, les caractéristiques des pratiques pédagogiques et évaluatives des enseignants Gabonais du primaire en vue d’analyser les besoins de formation continue exprimés par ces derniers. Pour ce faire, l’exploration préalable des contextes international, africain et gabonais des modèles de formation des enseignants permettrait de mieux cerner le problème spécifique de cette recherche.