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Réforme scale climatique s'appuyant sur la valeur tutélaire du car-

3.5 Réforme scale climatique et impacts sur les coûts de production : une

3.5.2 Réforme scale climatique s'appuyant sur la valeur tutélaire du car-

En 2008, le Centre d'Analyse Stratégique avait réuni en France une commission d'ex- perts présidée par Alain Quinet, an de proposer une trajectoire du prix du carbone per- mettant de respecter les objectifs de réduction des émissions de Gaz à Eet de Serre dénis pour 2020 (moyen terme) et pour 2050 (long terme). Le point de passage déni en 2020 (-20% de réduction des émissions a minima par rapport à 1990) devrait placer le pays sur la trajectoire du "facteur 4" visé en 2050 (-75% de réduction des émissions par rapport à 2005). Le prix du CO2, valeur duale associée à cette trajectoire d'émissions, retenu par cette Commission et internalisé dans l'évaluation des politiques publiques est supposé s'établir à 100e /tCO2 en 2030. Le contexte économique a profondément changé depuis 2008, et les réductions d'émissions de CO2 à horizon 2020 pourraient être spontanément réalisées du fait au ralentissement économique. Le rapport "trajectoire 2020-2050" [12] stipule que cette tendance naturelle à la réduction des émissions ne permet absolument pas d'atteindre l'objectif du "facteur 4" en 2050, même en tenant compte d'hypothèses pessimistes sur la croissance économique dans les prochaines décennies. On ne peut exclure que l'État ne revienne d'ici 2030 à la trajectoire de prix préconisée pour atteindre l'objectif de réduction des émissions à l'horizon 2050.

Nous examinons alors le cas où le prix du carbone s'établirait à 100e /tCO2 en 2030, pour les mêmes hypothèses de prix des combustibles et de capacités installées du parc électrique que précédemment. De nouveau, nous implémentons cette trajectoire du prix du CO2 avec le modèle OEF et nous considérons deux hypothèses alternatives de recyclage des recettes : une utilisation des recettes an de réduire le niveau de dette publique (Réforme 1) et une réinjection de ces recettes sous forme de réduction des charges pesant sur le travail (Réforme 2). La première réforme vise donc à privilégier l'assainissement des nances publiques et à laisser l'économie supporter le coût de la politique climatique. En revanche, la seconde réforme envisagée cherche à minimiser les pertes économiques liées à la taxation des énergies fossiles et à éventuellement générer un double-dividende : la réduction des cotisations sociales est dans cette perspective la contrepartie optimale à la taxation du CO2 (cf. chapitre 1). Les résultats quantiés sur les interactions entre prix du CO2, PIB et taux d'intérêt sont comparés au scénario de référence 2030 qui comprend le bouclage économique (déni ci-dessus) et sont recensés dans le tableau 3.11.

Impacts sur le PIB Variation des taux d'intérêt longs

Réforme 1 -0,5% -3%

Réforme 2 -0,3% +5,4%

Table 3.11  Impacts des réformes scales avec prix du carbone à 100e /tCO2 (écart en % de variation par rapport au scénario 2030 corrigé)

En utilisant les recettes scales liées à la taxe CO2 pour rembourser une partie de la dette publique plutôt qu'en réduisant les charges sur le travail en contrepartie, la réforme 1 fait subir à l'économie un impact négatif plus important que la Réforme 2. En revanche, l'impact de la réforme 2 sur le PIB est également négatif, bien que plus faible que dans le premier cas, ce qui signie que le ratio dette/PIB augmente dans ce cas et pousse les taux d'intérêt longs à la hausse. Nous remarquons que la Réforme 2, bien que minimisant les pertes d'ecacité économiques par rapport à la première réforme, ne permet pas de générer un double-dividende14. En revanche, la perte de PIB dans la réforme 1 est compensée par

la réduction possible d'une partie de la dette, ce qui signie que le ratio d'endettement diminue, ainsi que les taux d'intérêt longs. Les variations des données économiques et nancières précédentes se traduisent en termes de demande totale de consommation et de CMPC. De plus, avec un nouveau prix du carbone s'élevant à 100e /tCO2, contre 30e /tCO2 dans le compte de référence, le coût taxé du gaz devient relativement moins cher (103e /MWh) que le coût du charbon (124e /tCO2). Le merit order s'inverse donc entre ces deux moyens de production et nous devons ajuster les durées d'appel de ces centrales an de respecter la stratégie opérationnelle du planicateur. Ces données sont recensées dans le tableau suivant 3.12.

Demande d'électricité CMPC Production centrale Production centrale

(en TWh) à gaz (en TWh) à charbon (en TWh)

Référence 625 7,92% 16 13

Réforme 1 622 7,83% 24 2

Réforme 2 624 8,09% 26 2

Table 3.12  Réformes scales climatiques avec prix CO2 à 100e /tCO2 et bouclage économique (OEF)

Les coûts complets de production dans ces deux scénarios sont comparés aux coûts du compte de référence et illustrés dans le graphe 3.13. Pour des raisons d'échelle, la variation du coût de production des centrales à charbon, de l'ordre de 300%, n'est pas représenté. En eet, cette technologie est doublement pénalisée par ce type de réforme : ses coûts variables augmentent avec le prix du CO2 et son coût en capital n'est plus rentabilisé que

14. Les études réalisées avec les modèles MESANGE (modèle macroéconométrique) pour le rapport "Trajectoire 2020-2050" ou avec IMACLIM (modèle hybride) concluent toutes deux à l'existence d'un double-dividende à long terme. Nos résultats peuvent en partie provenir de l'horizon de temps plus court que nous considérons. L'estimation des coûts économiques d'une taxe carbone obtenue avec le modèle OEF, bien que supérieurs aux résultats de MESANGE, ne semble pas déraisonnable dans la mesure où les simulations réalisées à l'aide de GEMINI-E3 lors de la Commission Quinet concluaient à une perte de plusieurs points de pourcentages de PIB. Enn, l'utilisation de notre modèle OLG dans le chapitre 2 concluait également à un rejet de l'hypothèse du double-dividende.

quelques centaines d'heures par an en raison de la baisse de la demande et du changement de sa position dans le "merit order".

Quelle que soit la réforme envisagée, le coût moyen de production d'un MWh d'élec- tricité augmente. Ce coût est essentiellement tiré à la hausse par l'augmentation des coûts de production des centrales thermiques à combustibles fossiles (gaz, charbon et oul). Les centrales à gaz sont dans les deux réformes plus sollicitées qu'auparavant, ce qui a tendance à réduire le coût unitaire de production, mais la hausse du coût variable lié au prix du CO2 l'emporte de telle manière que le coût complet de cette technologie augmente d'environ 7 à 9% par rapport au compte de référence. En revanche l'impact des deux réformes sur les coûts des autres technologies fait apparaître un arbitrage quant au recyclage des recettes. Prioriser la réduction de l'endettement permet de faire baisser le coût de nancement des investissements en moyens de production, ce qui s'avère particulièrement bénéque pour les technologies ENR. En eet, la section précédente montrait que les lières photovol- taïque, hydraulique et éoliennes possédaient les plus fortes élasticités aux variations du taux d'actualisation (CMPC). Au contraire, la réforme qui parait la plus appropriée quant à un objectif d'ecacité économique, où les recettes sont réinjectées dans l'économie, en reportant le problème de résorption de l'endettement, ce qui pousse les taux d'intérêts à la hausse, a tendance à générer des hausses de coût de production chez les technologies ENR. Ainsi, dans un contexte d'endettement élevé, poursuivre un objectif d'ecacité économique peut désinciter les investissements en technologies faiblement émettrices.

Il semble que le signal-prix carbone atteigne son objectif incitatif puisque les deux ré- formes mènent à des réductions d'émissions de CO2 de l'ordre de 6 à 8 millions de tonnes de CO2, avec une réduction plus importante dans le cas de la première réforme. En réalité cette réduction s'explique par la baisse de la demande (étroitement liée à la perte d'acti- vité), puisque nous avons supposé que les centrales à combustible fossiles supporteraient la perte de demande (au regard de leur rang dans le "merit order"). Ce raisonnement de court-terme a pourtant ses limites. La transition vers une économie moins carbonée ne peut reposer durablement sur un ralentissement de la consommation d'électricité assis sur une moindre activité économique mais doit être portée par des investissements dans des technologies moins émettrices comme les ENR. Ainsi, la Réforme 1 (réduction de la dette publique) nous semble préférable à la Réforme 2 (recherche du double-dividende), non parce que les résultats obtenus en termes de réduction d'émissions sont meilleurs, mais parce que l'évolution des coûts de production qui en découle dégage un signal positif pour l'investissement dans des technologies bas carbone.