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Coûts complets de production et Coût Moyen Pondéré du Capital

L'électricité est un bien qui partage avec les autres services énergétiques certaines spé- cicités : ce bien est continuellement demandé mais dans des volumes qui uctuent au cours du temps (cf. Figure 3.1).

Figure 3.1  Fluctuation de la consommation électrique en France en 2011 - source RTE La courbe de charge Q(t)[MW ] représente les diérentes puissances successivement appelées par le réseau au cours d'une année. insérer graphique. Du fait de la mobilisation des centrales selon le "merit-order", la courbe de puissance P (t) d'une centrale n'est pas constante, la puissance commandée par le responsable de programmation de la centrale peut être inférieure à la puissance nominale sans pour autant pouvoir descendre en dessous du minimum technique (sauf révision ou pannes imprévues qui réduisent à zéro la puissance disponible)1. L'énergie produite par une centrale au cours de l'année s'écrit : E(t) =

R8760

0 P (t)dt[M W × h]. On caractérise généralement une machine par sa durée d'utilisation

U (h/an)dénie par

U = E

Pnom

qui indique en quelque sorte l'intensité d'utilisation de la puissance nominale par an. L'énergie totale consommée au cours de l'année se calcule par : R8760

0 Q(t)dt[M W × h].

La gestion optimale du parc de production chez les électriciens repose sur la problématique fondamentale suivante : quel mix de technologies faut-il utiliser et dans quelles quantités pour répondre à la demande d'énergie en toute sécurité et au moindre coût ?

3.2.1 Coût complet de production : une approche par le Coût Marginal de Long Terme

Nous adopterons une méthode de calcul du coût de production par technologie dit "complet" (ou Coût Moyen Actualisé, ou Levelized Cost Of Electricity ou encore coût marginal de long terme). C'est la méthode de calcul classiquement retenue et utilisée par les instituts internationaux tels que l'AIE ou l'OCDE mais également par les industries

1. Plus l'écart entre la puissance nominale et la puissance minimale sera élevé et plus la centrale sera modulable, contribuant à la exibilité du parc de production.

électriques elles-mêmes. Ce coût correspond à "la valeur présente de la somme des coûts actualisés divisé par la production totale ajustée à sa valeur temps économique" (AIE). Il intègre donc les dépenses opérationnelles et le coût d'investissement.

Le coût complet de production d'une unité est approché par la formule suivante (Hansen et Percebois (2011,[9])) : CC = Pcomb η + [PCO2× F ECO2] + CV OM + CF OM U + a × I U (3.1) où on retrouve

 Pcomb le prix du combustible utilisé, exprimé en e/MWh thermique (avant conver-

sion) ;

 η le rendement total de l'unité (%) ;

 PCO2 le prix de la tonne de CO2 émise (e/t) ;

 F ECO2 le facteur d'émission du combustible considéré (t/MWh électrique) ;  CV OM (e /MWh) et CF OM (e/MW) les parties variable et xe des frais d'opé-

ration et de maintenance ;

 a le coecient d'annuité correspondant au taux d'actualisation i et I le coût unitaire d'investissement initial (e/MW). Pour une durée de vie n de l'équipement construit, ce coecient d'annuité a se calcule via la formule suivante : a = i× (1+i)n

(1+i)n−1. Le taux

d'actualisation i correspond en réalité au Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC), sur lequel nous reviendrons dans la section suivante.

 U la durée d'utilisation de la machine (h/an).

Certains équipements sont plus lourds en capitaux investis (donc en coûts xes) mais plus légers en frais de combustibles (centrale nucléaire par exemple), et seront alors appelés pour des durées d'utilisation plus élevées car possédant les coûts proportionnels les plus faibles, tandis que d'autres équipements sont essentiellement coûteux en terme de combus- tibles (centrale à gaz ou à oul par exemple). Ainsi, le coût de production associé à un équipement lourd en investissement sera plus sensible au nombre d'heures pendant lequel il fonctionne (à savoir le nombre d'heures sur lesquelles il est possible de répartir les frais xes annuels).

Les centrales nucléaires et éoliennes, lourdes en coûts d'investissements sont principa- lement sensibles aux variables reliées directement à ce coût en investissement, à savoir le taux d'intérêt et le nombre d'heures de fonctionnement. Au contraire, pour des centrales à gaz, à charbon ou à oul, le coût de production sera plus sensible au prix du combustible et au prix du CO2.

Dans un premier temps, nous étudierons dans quelle mesure un niveau élevé d'endet- tement induit une pression à la hausse sur le coût moyen pondéré du capital, au travers de l'augmentation des primes de risque pays et secteurs. Nous ajouterons dans un second temps la dimension climatique en considérant l'impact d'une taxe carbone sur les coûts variables de production. Il sera alors possible d'étudier la transmission de ces diérents scénarios de dette/prix du CO2 sur l'activité d'un parc de production installé faisant face à une demande prédéterminée.

3.2.2 Coût Moyen pondéré du Capital : un coût de nancement spéci- que au secteur

Les projets de nancement d'équipements sont nancés soit par endettement (dette bancaire, obligations ou crédit-bail), soit par fonds propres (apport des propriétaires de l'entreprise, sociétés de capital-risque investissement, actions, options sur actions et bons de certicat de valeur garantie). De cette structure de nancement découle le coût moyen pondéré du capital (CMPC), qui détermine le taux de rentabilité minimum que doivent dégager les investissements de l'entreprise sur le moyen terme. Ce CMPC correspond alors exactement au taux d'actualisation retenu pour calculer les annuités liées aux investisse- ments dans le calcul du coût complet de production.

Le CMPC dépend de la structure nancière de l'investissement initial (dette D et capitaux propres CP), et des taux de rentabilité associés à chaque structure de nancement :

CM P C = RD

D

D + CP + RCP CP D + CP

où le coût de l'endettement(RD) et le coût des capitaux propres(RCP) dépendent d'élé-

ments inhérents aux caractéristiques structurelles du pays (prime de risque, scalité sur les entreprises), du projet (spread de nancement) et de l'actionnariat concerné. En pratique, les données nancières sont très volatiles alors que les investissements évalués sont amortis sur plusieurs années, ce sont des moyennes historiques2 de ces données qui sont introduites

explicitement dans le calcul du CMPC.

En particulier, le coût de la dette se décompose de la façon suivante : RD = (Rf + Sp+ Se) × (1 − tIS)

 Rf représente le taux sans risque de référence. Puisque nous nous intéressons au

secteur électrique français, nous retenons pour ce taux la valeur à laquelle les banques se prêtent entre elles dans toute la Zone Euro, soit le taux interbancaire homogène à un taux sans risque (proxy d'une moyenne pondérée des taux sans risque des pays européens).

 Sp représente la prime de risque pays. C'est le spread des obligations émises par le

pays par rapport au taux sans risque de la même devise.3

 Se fait référence au spread de nancement associé au secteur, qui dépend de la

notation de l'entreprise.

 tIS représente le taux d'imposition des sociétés (environ 35% en France). La prise en

compte de ce taux d'imposition fait référence au fait que les charges nancières soient déductibles des impôts, ce qui avantage un nancement par endettement plutôt que par capitaux propres4 (Ponssard, Sévy et Tanguy (2007),[13]).

2. La plage temporelle retenue pour le calcul de cette moyenne doit alors être choisie avec précaution (critères de sélection). A titre d'illustration, certaines moyennes de taux de risque pays étaient auparavant calculées sur 5 ans, mais avec la crise nancière et dorénavant obligataire qui touche les pays européens, ces plages doivent être resserrées pour mieux mieux reéter la réalité.

3. Le choix de la plage temporelle retenue pour le calcul de ce spread moyen est très important dans ce cas.

D'un autre côté, le coût des capitaux propres peut être décomposé de manière analogue en : RCP = Rf + Sp+ P RM × βu  1 + (1 − tIS) D CP  où

 P RM fait référence à la prime de risque marché. C'est la diérence entre le rende- ment espéré du portefeuille de marché pour les actionnaires et le rendement d'un investissement sans risque (rendements moyens des obligations d'État à 10 ans).  βu représente le bêta sectoriel des actions. Il reète les risques spéciques au secteur

d'activité. Le bêta sectoriel d'une société endettée βE est lié au bêta d'une société

non endettée (risque systématique des actifs) et à sa structure nancière. C'est ce que nous avons noté : βE = βu 1 + (1 − tIS)CPD

 .

 D

CP fait référence à la structure nancière du nancement. En pratique, c'est une

méthode de benchmarking qui est adoptée pour évaluer ce ratio (comparaison avec une entreprise de caractéristiques similaires et côtée).

Avec un taux d'obligation de l'État français estimé à 3,70% (comprenant le taux sans risque s'appliquant à la Zone Euro et la prime de risque très faible appliquée à la France), une prime de risque spécique à l'entreprise d'environ 1%, une prime de risque de marché de 5,0%, un bêta sectoriel leveragé (entreprise endettée) et enn une part de la dette dans le passif d'environ 50%, nous retrouvons une valeur du CMPC de 7,96% comprenant un taux de marge adopté par l'entreprise. Cette valeur correspond à la valeur du CMPC de 8% couramment retenue dans la littérature.

Un niveau élevé d'endettement public a tendance à pousser à la hausse les taux d'in- térêts longs souverains. L'évaluation de ce degré de corrélation entre endettement et taux d'intérêt a fait l'objet de plusieurs travaux économiques, parmi lesquelles nous pouvons citer une étude du FMI réalisée par Baldacci et Kumar (2010, [3]) conrmant l'existence d'un lien entre aggravation des décits publics et hausse des taux d'intérêt de long terme. Dans certains pays européens, la crise de la dette souveraine a eectivement eu des consé- quences sur une hausse des taux d'intérêt (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne par exemple), et si la France reste pour le moment épargnée, ce risque ne peut être écarté avec certitude. Ainsi, dans la mesure où la situation des nances publiques françaises ne s'améliorerait pas de façon notable et durable, les taux d'intérêts souverains pourraient eux aussi augmenter ce qui se répercuterait sur le coût de nancement des entreprises au travers de la décom- position du CMPC décrite précédemment. Cette transmission quasi-unitaire de la hausse du taux d'intérêt sur le coût du capital aurait alors des conséquences non seulement sur les coûts de production actuels mais également sur les décisions d'investissement dans le secteur électrique, qui doit pourtant au regard des objectifs de réduction des émissions de Gaz à Eet de Serre développer une part plus grande de technologies renouvelables dans le parc de production.

3.3 Les coûts de production actuels des diérentes technolo-