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CHAPITRE 6. DISCUSSION GENERALE

6.4. Réflexions et ouvertures sur la question de la préparation motrice faisant suite

motrice faisant suite aux résultats obtenus

Les résultats obtenus dans les trois études de la thèse ouvrent la porte à plusieurs réflexions relatives à la question de la préparation motrice. Dans la section subséquente, seront discutés l’importance du contexte dans lequel le mouvement est réalisé et directement en lien le but d’acte moteur. Puis, la question de la dépendance ou de l’indépendance des processus de préparation, initiation et réalisation du mouvement sera posée en se basant sur les résultats obtenus et la littérature existante. Enfin, l’utilisation de techniques et de mesures innovantes dans de récentes études permettra d’aborder une nouvelle approche, qualifiée de « dynamique », des interactions entre processus inhibiteurs et excitateurs lors de la préparation motrice.

6.4.1. Importance du contexte et du but de l’acte moteur sur les

mécanismes neurophysiologiques observés lors de la préparation

motrice

Les résultats obtenus dans l’étude 3 démontrent que l’anticipation de la douleur associée à un mouvement influence la préparation, l’initiation et la réalisation de ces mouvements. Tel que suggéré dans le modèle de Wong et al. (2015), l’étape de préparation motrice repose en grande partie sur la définition du but moteur suivie de l’implémentation des paramètres du mouvement permettant d’atteindre ce but. Au vu des résultats observés dans l’étude 3, il semble donc possible d’envisager que le fait de se préparer à recevoir une douleur pendant la réalisation du mouvement ait influencé la définition et l’implémentation du but moteur initialement défini et qui dépend des consignes de la tâche à effectuer (à savoir réaliser un mouvement du coude permettant d’atteindre la cible). Avant de discuter cette éventualité, il convient de revenir plus en détail sur la notion de but moteur inhérent à la préparation motrice, et de voir comment l’anticipation d’une douleur associée au mouvement a pu venir influencer la définition et l’implémentation du but moteur. Le but moteur initial n’est en effet pas un processus figé, mais plutôt dynamique et adaptatif, qui dépend notamment l’environnement dans lequel le mouvement va devoir être réalisé (Mirabella, 2014). Suivant cette idée, Bestmann & Duque (2016) ont suggéré que les changements dynamiques qui opèrent au sein de notre environnement nécessitent une révision constante de la manière dont le mouvement à venir va être réalisé. Cette révision serait alors influencée par tous les processus qui, dans un contexte donné, fournissent des informations concrètes en faveur d’une action plutôt qu’une autre (ne pas réaliser le mouvement, reprogrammer le mouvement, attendre, …) (Bestmann & Duque, 2016).

Dans l’étude 2 où les mouvements étaient réalisés en l’absence de douleur, l’objet d’intérêt (c.-à- d. la cible) était inhérent au but moteur lui-même. À l’inverse, dans l’étude 3, il est possible d’envisager qu’un nouveau but moteur est venu se surimposer au précédent (c.-à-d. se préparer à recevoir une douleur lors de la réalisation du mouvement du coude permettant d’atteindre la cible), venant ainsi impacter les processus de préparation motrice précédemment observés en l’absence de douleur pendant le mouvement. Plus précisément, tel que précédemment abordé l’anticipation de la douleur associée au mouvement a certainement favorisé la mise en place de stratégies de protection observées à travers les changements de MEPs lors de la phase de préparation motrice, mais aussi des temps de réaction plus longs et enfin des pics de vitesse supérieurs, pour les directions de mouvements associés à la douleur.

Au-delà du contexte dans lequel les participants ont effectué la tâche, il est possible qu’un biais attentionnel, inhérent à l’expérience de douleur, ait pu influencer les différents processus qui se succèdent lors de la phase de préparation motrice, et notamment l’implémentation et la définition du but de l’acte moteur. En effet, un stimulus douloureux ou un indice qui prédit la survenue d’une douleur est capable d’attirer et de guider l’attention afin de pouvoir initier rapidement des réponses adaptées (Van Damme et al., 2010) en réponse ou en prévision d’une douleur. Dans une étude récente utilisant l’EEG, des auteurs ont émis l’hypothèse que la réalisation de mouvements systématiquement associés à une douleur allait avoir pour conséquence une augmentation de la capture attentionnelle spécifiquement dirigée vers la partie du corps où la douleur est attendue, se traduisant en contexte expérimental par une priorisation du traitement de stimuli sensoriels non pertinents pour la réalisation de la tâche en cours, à l’endroit où la douleur est attendue (Clauwaert et al., 2018). Il s’agit là d’un point de détail important, également présent dans le paradigme manipulé dans l’étude 3, puisque le fait d’anticiper une douleur associée à un mouvement est sans rapport avec la consigne initiale de la tâche en cours qu’a reçue le participant (=atteindre une cible), mais semble pourtant être à l’origine des résultats obtenus. Dans leur étude, Clauwaert et al., (2018) ont demandé aux participants d’appuyer sur un bouton le plus rapidement possible, de la main gauche ou de la main droite, selon l’information délivrée par le signal préparatoire. Lors d’une phase de conditionnement, les participants recevaient dans 25 % des essais une stimulation électrique douloureuse lors de la réalisation d’un mouvement de la main gauche ou de la main droite, selon leur groupe expérimental. Suite à cet apprentissage, des stimuli tactiles étaient appliqués lors de la phase de préparation motrice et d’anticipation de la douleur associée à un mouvement, et les potentiels somatosensoriels évoqués par ces stimuli ont été mesurés en EEG. Les résultats obtenus ont montré une augmentation de l’amplitude de la composante N120 évoquée par les stimuli tactiles appliqués au niveau de la main réalisant le mouvement associé à la douleur, confirmant l’hypothèse d’une augmentation de l’attention portée à la partie du corps spécifique lors de l’anticipation d’une douleur associée à un mouvement. Les modulations d’excitabilité corticospinale spécifiques au rôle agoniste ou antagoniste du muscle réalisant le mouvement qui déclenche la douleur, observées dans l’étude 3 de la thèse pourraient donc s’expliquer en partie par une allocation de l’attention vers les muscles du coude et leur rôle agoniste/antagoniste respectif selon la direction du mouvement, favorisant ainsi la mise en place de stratégies de protection adaptées. Venant appuyer cette hypothèse, des études ont d’ailleurs démontré un effet

de l’attention sur la facilitation de l’amplitude des MEPs induite par une rTMS à haute fréquence (Conte et al., 2007) ou encore une augmentation de l’amplitude des MEPs mesurée au repos lorsque les participants avaient reçu pour consigne de focaliser leur attention sur leur main (vs. aucune consigne attentionnelle (Ruge et al., 2014).

6.4.2. Préparation, initiation et réalisation du mouvement : dépendance ou

indépendance des processus ?

Les mesures neurophysiologiques réalisées grâce à l’utilisation de la TMS dans les études 2 et 3 ont permis de caractériser les mécanismes qui opèrent lors de la phase de préparation motrice. La longueur des temps de réaction a permis de mesurer le temps pris par les participants pour initier le mouvement, alors que les mesures pics de vitesse ont permis d’avoir des indications sur la manière dont les participants réalisaient le mouvement. Les résultats obtenus quant à ces trois processus qui constituent un continuum linéaire de l’ensemble des étapes constitutives d’un acte moteur, soulèvent la question de leur dépendance ou indépendance respective. En effet, dans l’étude 2, bien que des différences entre la préparation d’un mouvement de flexion et la préparation d’un mouvement d’extension du coude aient été montrées à travers les mesures neurophysiologiques lors de la préparation motrice, les temps de réaction ne différaient pas significativement entre les deux directions de mouvement. De même, dans l’étude 3, bien que les processus de préparation, d’initiation et de réalisation du mouvement aient été tous les trois affectés par l’anticipation d’une douleur associée au mouvement, le pattern des modulations observées diffère dépendamment du processus étudié. Plus précisément, les changements d’excitabilité corticospinale mesurée au niveau du biceps et mis en évidence lors de la préparation motrice sont spécifiques à la direction du mouvement qui déclenche la douleur (pattern opposé selon les groupes douleur Flexion vs. douleur Extension) tandis que les mesures comportementales (temps de réaction et pics de vitesse) étaient affectées de manière similaire selon la présence ou non d’une douleur associée au mouvement (résultat similaire entre les groupes douleur Flexion vs. douleur Extension). Il est important de spécifier que les mesures associées à la préparation, l’initiation et la réalisation du mouvement ne peuvent pas être directement comparées. En effet, les changements d’excitabilité corticospinale ont été uniquement observés au niveau du biceps, alors que les mesures de temps de réaction et de pics de vitesse ont pu être affectées par différents muscles qui régissent les mouvements du coude. Toutefois, dans leur ensemble et au regard de la littérature, les résultats obtenus dans les études

de la thèse tendent à suggérer une certaine indépendance entre les processus de préparation, initiation et réalisation du mouvement. Venant appuyer cette idée, Haith et al. (2016) ont réalisé une étude permettant de démontrer l’indépendance des processus de préparation et d’initiation du mouvement. Dans le paradigme utilisé, les participants devaient initier un mouvement (tâche de pointage de cible) de manière synchrone avec l’apparition prévisible d’un signal informatif (4ème signal sonore d’une séquence de 4 sons équidistants). Le temps de réaction alloué aux

participants (et donc le temps disponible pour préparer le mouvement) variait d’un essai à l’autre, ne laissant pas nécessairement de temps suffisant pour préparer le mouvement. Les résultats obtenus ont permis de démontrer que les participants étaient capables de produire un mouvement précis avec un temps de préparation inférieur d’environ 80 ms à leur temps de réaction normal (sans contrainte). Les auteurs ont donc suggéré que si la préparation d'un mouvement précis pouvait être achevée en moins qu'un temps de réaction volontaire, un « signal alternatif » déterminant le temps nécessaire pour commencer à bouger devait correspondre à la période l'initiation motrice (Haith et al., 2016; Weinberg, 2016). Les observations réalisées dans l’étude 1 (revue systématique) semblent corroborer cette hypothèse en montrant l’implication de certaines régions corticales dans les aspects précoces et d’autres dans les aspects plus tardifs des phases de préparation à l’action. Par exemple, les études ayant utilisé une stimulation excitatrice appliquée au niveau de M1 n’ont pas démontré par la suite de manière consistante un changement des temps de réaction, tandis qu’une stimulation excitatrice appliquée au niveau de la SMA, région corticale particulièrement impliquée dans l’initiation du mouvement (Cunnington et al., 2002) a induit dans l’intégralité des études inclues un changement des temps de réaction. De plus, tel qu’abordé en partie introductive, l’apport d’informations quant au mouvement à réaliser lors de la phase de préparation motrice permet une amélioration des temps de réaction, mais ne modifie pas les aspects liés à la réalisation du mouvement (Riehle, 2005). L’ajout d’une stimulation nociceptive lors de la phase de préparation motrice affecte également les temps de réaction, mais là encore n’affecte pas les données cinématiques lors de la réalisation du mouvement, apportant un argument supplémentaire en faveur de l’indépendance des processus. Finalement, les études réalisées en impulsions TMS simples reportent majoritairement une inhibition de l’excitabilité corticospinale non-spécifique lors de la préparation motrice (Hasbroucq et al., 1997; Touge et al., 1998; Massé-Alarie et al., 2018), et à l’inverse une augmentation progressive de l’excitabilité corticospinale du muscle agoniste au mouvement

préparé lors de la période d’initiation motrice (Chen et al., 1998b; Leocani et al., 2000; Greenhouse et al., 2015; Duque et al., 2017; Massé-Alarie et al., 2018).

6.4.3. Vers une approche dynamique du système en préparation motrice

Tel que discuté précédemment, des processus excitateurs et inhibiteurs interagissent à différents niveaux sur l’axe moteur, de M1 à la moelle épinière lors de la préparation motrice. Historiquement, les premières études menées chez l’animal et chez l’humain ont conduit certains auteurs à considérer la préparation motrice comme une étape similaire, mais « en dessous du seuil » à la réalisation des mouvements (Tanji & Evarts, 1976). Toutefois, des études plus récentes ont démontré l’existence de patrons d’activations neurales variés et complexes au sein d’une même population neuronale, un neurone pouvant augmenter sa fréquence de décharge lors de la préparation motrice alors que la fréquence d’un autre neurone de la même population peut rester stable puis diminuer au fur et à mesure de la préparation motrice (Churchland et al., 2010; Elsayed et al., 2016; Derosiere, 2018). De plus, tel qu’observé dans l’étude 2 de la thèse de même que dans la majorité des études menées en TMS où l’amplitude des MEPs a été évaluée pendant la préparation motrice, les résultats obtenus mettent en évidence une inhibition de l’excitabilité corticospinale. Il est important de rappeler que les MEPs obtenus par stimulation simple sont le reflet des interactions entre processus excitateurs et inhibiteurs d’origine spinale et/ou corticale, sans réelle possibilité de pouvoir faire des distinctions entre ces différents éléments. Afin de tenter d’apporter des éléments de réponses permettant de mieux comprendre les résultats obtenus dans l’étude 2 et les substrats neuraux à l’origine de la diminution de l’amplitude des MEPs, mais également afin d’englober l’ensemble des résultats de la littérature actuelle, il convient d’aborder de récentes publications qui ont proposé une « approche dynamique du système » pour théoriser la préparation motrice (Shenoy et al., 2011; Elsayed et al., 2016; Hannah et al., 2018; Derosiere, 2018). De manière schématique, ce modèle initialement basé sur des enregistrements unicellulaires suggère que la préparation motrice pourrait être envisagée comme étant un état neural initial spécifique qui évolue de manière dynamique jusqu’à la réalisation du mouvement au moment approprié (Elsayed et al., 2016; Hannah et al., 2018; Derosiere, 2018). Pour tester ce modèle et faire le lien avec les résultats généralement observés en TMS, Hannah et al. (2018) (résumé dans Derosiere, 2018) ont utilisé deux techniques innovantes permettant d’activer des sous-ensembles distincts de contributions excitatrices qui

influencent les neurones corticospinaux lors de la phase de préparation de différents mouvements du poignet ou du doigt (Hannah et al., 2018). Les auteurs ont tout d’abord réalisé des mesures du réflexe-H au niveau du muscle fléchisseur radial du carpe, suite à une stimulation du nerf médian à différents intervalles entre l’apparition du signal informatif et l’apparition du signal de réponse, jusqu’au début de la réponse motrice (flexion du poignet). Ces stimulations électriques étaient conditionnées par une impulsion TMS appliquée sur M1. Tel que précédemment abordé, une impulsion TMS induit plusieurs volées corticospinales descendantes qui arrivent à différentes latences, dont les ondes indirectes dites précoces des ondes indirectes plus tardives. Ainsi, si une volée afférente Ia induite par la stimulation électrique arrive en même temps que les volées corticospinales descendantes excitatrices induites par l’impulsion TMS, le réflexe-H résultant est alors facilité par rapport à un réflexe-H non-conditionné (Niemann et al., 2017). Donc, en manipulant la latence entre l’impulsion TMS et la stimulation électrique, les auteurs pouvaient tester en regardant les changements de facilitation du réflexe-H comment les ondes indirectes les plus précoces (latences courtes entre les stimulations (0 et 1 ms)) ou les ondes indirectes plus tardives (latences plus longues entre les stimulations (3, 4 et 5 ms)) étaient affectées tout au long de la phase de préparation. Afin d’aller plus loin, Hannah et al. (2018) ont également réalisé des mesures de MEPs au niveau du FDI pendant la préparation motrice lorsque le muscle était sélectionné, non-sélectionné mais pouvant faire partie d’une réponse alternative dans la tâche en cours et non-impliqué dans la tâche en cours (dépendamment du signal informatif). Les MEPs ont été enregistrés suite à l’application d’impulsions TMS avec un courant induit soit dans le sens postéro-antérieur, soit dans le sens antéro-postérieur. Tel que mentionné dans la section Méthodologie générale, ces deux directions d’induction du courant recrutent différemment les ondes indirectes (condition postéro-antérieure : recrutement des ondes indirectes précoces vs condition antéro-postérieure : recrutement des ondes indirectes tardives). Ainsi, en comparant les changements d’amplitude de MEPs selon la direction du courant induit, les auteurs ont pu inférer sur la modulation des différentes ondes indirectes lors de la préparation motrice. Les résultats obtenus ont démontré que les réflexes-H conditionnés étaient moins facilités à la fin de la période de préparation motrice comparativement au début de l’essai. Cette diminution de l’effet facilitateur induit par la TMS sur le réflexe-H s’observait uniquement pour les conditions de longues latences entre les deux stimulations, suggérant une réduction particulière des ondes indirectes tardives. De plus, les auteurs ont observé que l’amplitude des MEPs évoqués en condition de positionnement postéro-antérieur de la bobine

était réduite lorsque le muscle était non-impliqué dans la tâche. Ce résultat n’a pas été retrouvé lorsque le muscle était sélectionné ou non-sélectionné dans la tâche. En revanche, en condition de positionnement antéro-postérieur de la bobine, l’amplitude des MEPs évoqués était systématiquement réduite, quelle que soit la situation du muscle dans la réalisation de la tâche en cours. Dans l’ensemble, ces résultats montrent (i) une suppression sélective d’une sous- population de neurones qui génère des ondes indirectes tardives, mais aucun changement de la sous-population de neurones à l’origine des ondes indirectes précoces lors de la phase de préparation motrice (ii) que lorsque l’apparition du signal de réponse est hautement prédictible, seul un sous-groupe spécifique d’inputs synaptiques vers les neurones corticospinaux est inhibé, suggérant un changement dans la balance entre les processus inhibiteurs et excitateurs, plutôt qu’une inhibition globale. De récentes études suggèrent que les ondes indirectes précoces sont principalement générées par des projections excitatrices vers les cellules corticospinales, alors que la génération des ondes indirectes tardives impliquerait des projections excitatrices et inhibitrices (Derosiere et al., 2018). Les résultats de Hannah et al. (2018) confirment donc l’existence de modulations spécifiques de sous-populations de neurones qui évoluent de manière dynamique au cours de la préparation motrice. Les mesures réalisées permettent d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes neurophysiologiques qui sous-tendent la préparation de mouvements sans douleur associée.

6.5.

Réflexions et ouvertures sur la question de l’anticipation de