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CHAPITRE 6. DISCUSSION GENERALE

6.2. Modulation de l’excitabilité corticospinale de muscles proximaux lors de la

proximaux lors de la préparation de flexion et d’extension du

coude avec et sans douleur associée

La recension des écrits réalisée en partie introductive fait état que l’étude de la modulation de l’excitabilité de la voie corticospinale telle qu’étudiée en TMS repose en très grande majorité sur des mesures réalisées au niveau des muscles de la main avant des mouvements simples du doigt (ex : lever l’index), ou de flexion et extension du poignet. Ces précédentes études ne permettaient donc pas de caractériser les mécanismes neurophysiologiques qui opèrent lors de la préparation de mouvements d’atteinte associés ou non à une douleur, ce qui a constitué les objectifs des études 2 et 3 de la présente thèse. Pour rappel, les mouvements d’atteinte sont inhérents à la réalisation de nombreuses activités quotidiennes et sont connus pour être particulièrement affectés chez les patients qui souffrent de douleur suite à une atteinte musculosquelettique (Jennings et al., 2015). Ainsi, les mesures dans les études 2 et 3 ont été réalisées au niveau du biceps et du triceps, muscles proximaux du membre supérieur.

Dans un premier temps, il convient de revenir plus en détail sur les résultats obtenus dans l’étude 2 puisque ces derniers ont permis de soulever plusieurs considérations méthodologiques et neurophysiologiques, mais aussi de mettre en évidence des différences dans le contrôle corticospinal des muscles fléchisseur et extenseur du coude pouvant expliquer en partie les résultats observés spécifiques lors de la préparation motrice. Dans un second temps, l’effet induit par l’anticipation d’une douleur associée à un mouvement sur les mesures d’excitabilité corticospinale réalisées pendant la préparation motrice sera discuté. L’ensemble de ces points sera abordé dans les sous-sections subséquentes.

6.2.1. Asymétrie du contrôle corticospinal des muscles fléchisseur et

extenseur du coude

Plusieurs évidences dans les résultats de l’étude 2 tendent à démontrer une supériorité dans la réponse corticospinale du muscle fléchisseur du coude (biceps), comparativement au muscle extenseur du coude (triceps). En effet, il a tout d’abord été impossible d’évoquer, même à forte

intensité (>80 %MSO) des MEPs au niveau du triceps chez 9 participants sur les 21 recrutés, contre 3 participants pour qui il n’a pas été possible d’évoquer des MEPs au niveau du biceps. Pour les participants présentant des réponses dans les deux muscles, le rMT a été calculé séparément et s’est avéré significativement plus bas pour le biceps que pour le triceps. De même, l’amplitude des MEPs évoqués à 120% rMT de chaque muscle était significativement supérieure pour le biceps que pour le triceps, suggérant une courbe de recrutement avec une pente plus forte pour le biceps que pour le triceps et donc une efficacité synaptique de la voie corticospinale supérieure (Devanne et al., 1997). Outre les mesures d’excitabilité corticospinale, des mesures de l’amplitude et de la direction des mouvements évoqués par la TMS ont été réalisées. Il semble important d’insister sur la complémentarité de cette mesure qui fournit des informations quant à la balance entre l’activation de plusieurs muscles (les MEPs étant muscle-spécifiques). Les résultats sur les mouvements évoqués par la TMS obtenus dans l’étude 2 ont démontré que les impulsions TMS induisent des mouvements en direction de la flexion dans près de 78 % des cas, tout intervalle de stimulation et direction du mouvement préparé confondus, démontrant une plus large propension à recruter les muscles fléchisseurs que les muscles extenseurs du coude. Il convient toutefois de préciser que ces conclusions pourraient dépendre de la position dans laquelle les participants étaient placés lors de l’application des stimulations TMS. En effet, plusieurs études ont démontré une très large influence de la posture du bras sur l’amplitude des MEPs enregistrés au niveau du biceps et du triceps (voir Figure 6.1) (Mitsuhashi et al., 2007; Mogk et al., 2014; Nuzzo et al., 2016; Collins et al., 2017).

Figure 6.1 : Illustration de l’influence de la position du bras (épaule + avant-bras) sur les potentiels évoqués moteurs (MEPs) enregistrés au niveau du biceps et du triceps.

Modifié à partir de Nuzzo et al. 2016. Les auteurs ont comparé l’amplitude des MEPs mesurée au repos au niveau du biceps brachial et du triceps brachial en modifiant la position de l’épaule (pendant, fléchi ou en abduction) et de l’avant-bras (neutre (N), pronation (P) et supination (S)), avec une intensité de stimulation équivalente.

Il est tout de même pertinent de noter qu’en moyenne, les MEPs du biceps sont de plus grande amplitude que les MEPs du triceps, tel qu’observé dans les résultats de l’étude 2.

6.2.2. Différences observées lors de la préparation d’un mouvement

d’extension vs. de flexion du coude

Au-delà de l’asymétrie dans la réponse corticospinale entre muscles fléchisseur et extenseur du coude, les résultats de l’étude 2 ont permis de mettre en évidence des différences entre la préparation d’un mouvement d’extension et la préparation d’un mouvement de flexion du coude. En effet, contrairement à nos hypothèses, il n’a pas été mis en évidence de patron réciproque des MEPs mesurés au niveau du muscle fléchisseur et du muscle extenseur selon leur rôle (agoniste / antagoniste) respectif. En revanche, les résultats obtenus ont démontré l’existence d’une modulation de l’excitabilité corticospinale spécifique à la direction du mouvement préparé relativement similaire entre le muscle fléchisseur et le muscle extenseur. Le rôle agoniste /

antagoniste du muscle n’a donc pas réellement d’influence sur la modulation de l’excitabilité corticospinale mesurée pendant la préparation motrice, contrairement à ce qui avait été observé dans de précédentes études portant sur la période d’initiation motrice, au plus proche de la réalisation du mouvement (Hoshiyama et al., 1996; Chen et al., 1998b; Leocani et al., 2000; Gerachshenko & Stinear, 2007).

En revanche, les résultats ont permis de mettre en évidence que l’amplitude des MEPs (biceps et triceps) et des mouvements évoqués par la TMS était supérieure lors de la préparation d’une extension (vs. d’une flexion), cet effet étant principalement lié à une diminution progressive des réponses jusqu’à l’apparition du signal de réponse spécifique à la préparation d’une flexion (bien qu’aucune interaction significative n’ait été observée). La diminution des MEPs observée à la fin de la période de préparation rappelle les résultats observés dans une précédente étude menée sur les muscles de la main (Lebon et al., 2015) et confirme ainsi l’hypothèse de la mise en place de processus inhibiteurs pour éviter la relâche d’une réponse motrice prématurée. En considérant l’asymétrie dans la réponse corticospinale en faveur du muscle fléchisseur du coude, il est possible que davantage d’inhibition permettant d’éviter un faux départ ait été nécessaire lors de la préparation d’un mouvement de flexion. Ce résultat semble d’ailleurs robuste, puisqu’un patron similaire montrant une diminution d’excitabilité corticospinale du biceps plus importante lors de la préparation des mouvements de flexion (vs. d’extension) a été aussi été observé lors de la phase Sans douleur de l’étude 3.

Si l’existence de processus inhibiteurs en fin de préparation motrice est clairement documentée dans la littérature (pour revue : Duque et al. (2017), il est possible de se demander si ces processus inhibiteurs reflètent un épiphénomène spécifique aux paradigmes de TR avec indiçage (pouvant être considérés comme peu écologiques) au cours desquels le système moteur doit préparer le mouvement mais le retenir jusqu’à l’apparition du signal de réponse, ou si au contraire ces processus inhibiteurs prennent place dans d’autres contextes, en l’absence de délai. Une étude récente menée par Lara et al. (2018) chez l’animal a permis de comparer les réponses neuronales unicellulaires enregistrées dans différents contextes : paradigme de TR avec indiçage, mouvements auto-initiés, mouvements consistant à suivre une cible en mouvement. Les résultats obtenus ont permis de montrer des patrons d’activation corticale similaires entre les conditions expérimentales et donc en présence ou non de délai. Ces résultats ont donc permis aux auteurs de considérer la préparation motrice comme jouant « un rôle simple et mécanistique : initialiser les réseaux qui produiront des commandes motrices descendantes » (Lara et al., 2018).

L’ensemble des résultats de l’étude 2 et particulièrement l’asymétrie dans la réponse corticospinale en faveur du muscle fléchisseur du coude ont conduit à faire des choix méthodologiques relatifs à la conception de l’étude 3. En effet, étant donnée la difficulté à pouvoir évoquer des MEPs au niveau du triceps chez un nombre important de participants, il a été choisi de se focaliser uniquement sur la mesure des MEPs du biceps. De plus, les hypothèses de l’étude 3 se basant sur les prédictions de la théorie d’adaptation du contrôle moteur à la douleur qui s’appuient sur le rôle agoniste / antagoniste d’un muscle en particulier, l’étude des mouvements évoqués par la TMS reflétant la balance entre l’activation de plusieurs muscles semblait moins pertinente dans le cadre de l’étude 3.

Il est effectivement intéressant de constater que contrairement aux résultats de l’étude 2, le rôle agoniste/antagoniste du muscle lors de la préparation motrice a largement contribué aux résultats obtenus dans l’étude 3 où une direction particulière de mouvement a été associée à la douleur. Ces résultats neurophysiologiques de même que les résultats comportementaux de l’étude 3 seront discutés et interprétés au regard du modèle d’adaptation du contrôle moteur à la douleur.

6.2.3. Effet de l’anticipation d’une douleur associée à un mouvement sur

l’excitabilité corticospinale mesurée au niveau du biceps lors de la

préparation motrice

Les mesures d’excitabilité corticospinale réalisées au niveau du biceps lors de la préparation motrice ont révélé que l’amplitude des MEPs était plus importante avant la réalisation d’une extension du coude associée à la douleur (rôle antagoniste du biceps), qu’avant la réalisation d’une flexion du coude associée à la douleur (rôle agoniste du biceps). Ce résultat s’inscrit tout à fait dans les prédictions de la théorie d’adaptation du contrôle moteur à la douleur (Lund et al., 1991) qui stipule qu’en présence de douleur, l’activité du muscle agoniste au mouvement est réduite alors que l’activité du muscle antagoniste augmente dans l’objectif de protéger le membre d’une blessure potentielle. Il est intéressant de constater que si plusieurs précédentes études avaient déjà validé les prédictions de cette théorie (Graven-Nielsen et al., 1997, 2002), toutes s’étaient concentrées sur les effets induits par la douleur pendant la réalisation du mouvement. Les résultats de l’étude 3 permettent donc d’étendre la théorie d’adaptation du contrôle moteur

à la douleur à la phase de préparation motrice, au cours de laquelle la douleur est anticipée conduisant à la mise en place de stratégies de protection adaptées selon la direction du mouvement qui déclenche la douleur. Néanmoins, les résultats de l’étude 3 viennent également nuancer la théorie d’adaptation du contrôle moteur à la douleur puisque cette dernière stipule que la mise en place des stratégies de protection se ferait via l’intégration du message nociceptif au niveau du pool de motoneurones (Lund et al., 1991). Or, en situation d’anticipation de la douleur, aucun message nociceptif afférent n’entre au niveau spinal et les modulations d’excitabilité corticospinale ont été observées avant l’application de la stimulation nociceptive. Les stratégies de protection mises en place ne peuvent être attribuables qu’à des mécanismes neurocognitifs qui prennent place pendant l’anticipation de la douleur dans les aires supraspinales telles que le cortex sensoriel primaire, l’ACC, l’insula, le cortex frontal antérieur médian et la substance grise périaqueducale (Sawamoto et al., 2000; Porro et al., 2002; Apkarian et al., 2005; Koyama et al., 2005; Fairhurst et al., 2007; Brown et al., 2014).