• Aucun résultat trouvé

Les références à la peinture disent quelque chose que le narrateur ou le héros ne

2.4 Les références à la peinture disent quelque chose que le

Illustration 31: Annalena Mc Afee, Anthony Browne, Des invités bien encombrants, Paris, Kaléidoscope, 2001, p. 10

49 Illustration 32: René Magritte, La

lunette d'approche, 1963, huile sur toile, 175,5 x 116 cm, Menil Collection, Houston

Illustration 33: René Magritte,

L'explication, 1952, Huile sur toile, 46 x 35 cm, collection privée

Illustration 34: René Magritte, Le modèle rouge, 1935, huile sur toile, 65

Les illustrations de l'histoire après que le père de Katy a rencontré Mary s'opposent à celles d'avant : les paysages y étaient déserts, ennuyeux, la maison était décorée de manière très sobre : la seule référence à l'art était une marine accrochée dans le salon146. Le texte dit qu'ils menaient une vie ennuyeuse, peu originale, bien qu'elle plût à la petite fille. Quand le père de Katy quitte Marie, les illustrations redeviennent semblables à celles au début de l'album147, mis à part quelques détails : ce qu'on voit voler par la fenêtre n'est pas une mouette, mais un ourson148. Le surréalisme reste présent. Nous avons déjà vu que pour Katy, il signifie que sa vie va devenir un peu plus originale. Comme si elle se doutait que quelque chose allait encore changer. En effet, elle se rend compte que Yann et Marie lui manquent. Quand ils retournent chez Mary149, sa maison rappelle les tableaux de Magritte150.

A Calicochon d'Anthony Browne raconte l'histoire d'une famille. La mère travaille, prépare les repas pour ses deux fils et son mari, qui ne pensent qu'à manger.

Un jour, elle disparaît en laissant un mot « Vous êtes des cochons ». Ils se transforment en cochons, comme certains éléments de la maison, dont le portrait du Cavalier souriant151. Mais ils ne savent rien faire seuls. Ils la supplient de revenir et en échange acceptent de faire des tâches ménagères. Au début de l'album, la mère n'est pas présentée : « Monsieur Porchon vivait avec ses deux fils, Simon et Patrick, dans une belle maison avec un beau jardin. Il possédait une belle voiture dans un beau garage. A l'intérieur de la maison, il y avait madame Porchon152 ». Elle n'apparaît qu'à la quatrième page. Au début de l'album, son visage n'apparaît pas : il est soit caché par ses cheveux, soit flouté, soit elle est vue de dos. Il n'apparaît que lorsqu'elle revient les voir et qu'ils la supplient de revenir. Elle sourit pour la première fois quand son mari et ses fils acceptent de partager les tâches domestiques avec elle. La mère est donc une personne effacée dans la famille, ou du moins considérée comme telle. Cette impression est renforcée par une reprise, quasiment à l'identique, du portrait de Mr and Mrs Andrews de Thomas Gainsborough153. Le visage de l'homme est remplacé par une tête de cochon, et la femme a été effacée, il ne reste plus que sa silhouette en blanc. Cette illustration

146Ibid., p. 2.

147Ibid., p. 24.

148Ibid., p. 22 149Ibid., p. 30.

150Voir le chapitre 2.

151BROWNE Anyhony, A calicochon, Paris, Kaléidoscope, 2010. Page 10 il est repris à l'identique, page 20 son visage est remplacé par celui d'un cochon.

152Ibid., p. 1 153Ibid., p. 14.

intervient avant que les trois hommes ne se transforment en cochons. Néanmoins, cette transformation est préfigurée dès les pages 2 et 3, quand le coq présent sur la boîte d'une célèbre marque de corn flakes est remplacé par un cochon. Le tableau de Gainsborough a donc exactement la même fonction que certaines des illustrations d'Anthony Browne : il annonce un événement.

Dans Tout change, l'image dit quelque chose que le narrateur ne sait pas : elle l'aide à comprendre ce que ces parents lui ont insinué au sujet de la grossesse de sa mère. Dès la première page, la bouilloire est qualifiée de « bizarre» : il est inutile de la décrire, l'image s'en charge. Mais Joseph réussit-il à identifier en quoi elle est bizarre ? Le texte ne le dit pas. À la page suivante, il ne voit pas non plus qu'elle continue à se transformer. Au dessous de l'illustration, le texte prend le relais : « Sinon, la cuisine était comme d'habitude ». Ensuite, l'illustration qui occupe toute la page prend le relais du texte : Joseph ne semble pas s'apercevoir que la bouilloire continue à se métamorphoser en chat. Le reste de l'album est bâti selon le même schéma : les illustrations remplacent les descriptions, texte et image se relaient pour continuer la narration. Page 6, le lecteur a enfin quelques explications sur ce qui se passe. Il apprend que ce matin, le père de Joseph est parti chercher sa mère et l'a laissé seul à la maison. Il lui a dit « que les choses changeraient bientôt ». Page 8, Joseph se demande : « Voulait-il dire qu'elles changeraient comme ça ? ». L'illustration au dessus du texte présente le garçon assis dans un canapé qui se transforme en crocodile. Sur le mur, au-dessus de sa tête, est accroché la Madone du Grand Duc de Raphaël. Le « ça » ne fait pas référence au crocodile mais à la Madone.

Les pages suivantes présentent les hypothèses que se fait le garçon du changement à venir : des animaux sauvages, des scènes dignes de tableaux de Magritte quand il sort jouer. A la fin de l'album, Joseph apprend qu'il a eu une petite sœur154. Les changements faisaient référence à la vierge à l'enfant, mais Joseph ne l'avait pas encore compris. Dans cet album, le texte et l'image se complètent : chacun apporte des éléments narratifs. Le lecture de l'un sans l'autre fait risquer le contresens.

154Ibid., p. 26.

Illustration 35: Anthony Browne, Tout change, Paris, Kaléidoscope, 1998, p. 8

Illustration 36: Raphaël, Madone du Grand Duc, v. 1505, huile sur bois, 84 x 55,9 cm, Palais Pitti, Florence