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Les références à la peinture dans les illustrations des albums de jeunesse

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Academic year: 2022

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IUFM D'AQUITAINE, ECOLE INTERNE DE L'UNIVERSITE BORDEAUX IV

Les références à la peinture dans les illustrations

des albums de jeunesse

Mémoire pour le Master des Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation,

spécialité « enseignement auprès des enfants ».

Aude Vial

2011-2012

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Les références à la peinture dans les illustrations

des albums de jeunesse

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Introduction

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Les albums occupent une part importante de la production en littérature de jeunesse : dans les listes de référence, ils représentent 112 titres sur 250 pour le cycle 2 et 61 sur 300 pour le cycle 3. Entre le cycle 2 et le cycle 3 leur part chute, comme si les images étaient réservées aux plus petits, alors que c'est loin d'être le cas. Il n'existe pas de liste de référence pour le cycle 1. Mais ces listes de références n'ont rien de prescriptif : elles donnent des conseils aux enseignants, qui sont libres de les suivre ou non. De plus, elles datent de 2007 : de nombreux albums sont parus depuis.

Les listes de référence présentent l'album comme un genre à part entière, au même titre que la bande dessinée, les contes et les fables, la poésie, les romans et récits illustrés, le théâtre. La liste de référence pour le cycle 2 distingue deux sous-genres : les albums sans texte et les autres albums. L'album n'est pas spécifique à la littérature de jeunesse. Il existe quelques albums pour adultes1 et un grand nombre d'albums de jeunesse présentent deux niveaux de lecture dont tous ne sont pas abordables par les enfants. On peut se demander si les albums qui citent des œuvres d'art ne s'adressent pas plutôt aux adultes amateurs d'art, car les références ne sont pas toujours expliquées et sont difficiles à repérer.

Certes, les sujets, les histoires racontés par l'album se retrouvent dans les romans destinés à la jeunesse (les familles recomposées dans Des invités bien encombrants2, l'amitié dans Le collectionneur d'instants3...) Certains albums peuvent reprendre des contes (Hansel et Gretel d'Anthony Browne4), des poèmes (Victor Hugo s'est égaré de Philippe Dumas5 ou Le temps des cerises Jean Baptiste Clément, illustré par Philippe Dumas6, que la liste de référence pour le cycle 3 classe dans les albums).

Alors, qu'est-ce que l'album a de spécifique ? Qu'est-ce qui fait de lui un genre particulier ? L'album allie texte et illustration et a un mode de fonctionnement bien particulier. « L'album est un genre qui associe texte et images pour raconter une histoire.

Il use donc à la fois de techniques littéraires et de techniques graphiques, lesquelles sont issues de la peinture, du cinéma, de la photographie et de la bande dessinée. Tout l'art des auteurs est de faire en sorte que ces deux moyens d'expression se combinent avec

1 Voir le catalogue de la maison d'édition Thierry Magnier http://www.editions-thierry- magnier.com/recherche_collections.php?collection=244

2 Annalena Mc Afee, Anthony Browne, Des invités bien encombrants, Paris, Flammarion, 1984, 30 p.

3 Quint Buchholz, Le collectionneur d'instants, Toulouse, Milan jeunesse, 1998, 48 p.

4 Anthony Browne, Hansel et Gretel, Paris, Kaléidoscope, 2001, 32 p.

5 Philippe Dumas, Victor Hugo s'est égaré, Paris, l'école des loisirs, 1986, 48 p. Voir aussi la bibliographie du CRDP de l'Académie de Créteil : http://www.crdp.ac-

creteil.fr/telemaque/comite/poesie-bibli.htm, consulté le 12 avril 2012.

6 Jean-Baptiste Clément, Philippe Dumas, Le temps des cerises, L'école des loisirs, Paris, 1990, 28 p.

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justesse pour créer un langage propre au genre qu'est l'album7 ». Anthony Browne, dans Des invités bien encombrants, annonce que le quotidien de Katy va changer, ce que la petite fille ne sait pas encore : dès sa rencontre avec Mary, les illustrations deviennent différentes, par les couleurs, la richesse des détails et les références au surréalisme8.

Les albums se distinguent des livres illustrés. Si on observe une édition illustrée des contes des frères Grimm, on remarque que les illustrations sont rares et qu'il est impossible de reconstituer l'histoire en ne regardant qu'elles. Les illustrations n'apportent aucune précision supplémentaire sur le texte. Par exemple, les Contes de Grimm illustrés par Nikolaus Heidelbach présentent deux illustrations pour Hansel et Gretel9. On trouve davantage d'images dans l'édition du même conte illustré par Anastassija Archipowa10, elles illustrent le texte et ne donnent aucun élément en plus.

L'illustration de la première page montre une assiette vide, accompagnée de quatre cuillers. Celle de la page 2 montre une maison isolée au milieu d'une forêt, et il faut lire le texte en dessous pour comprendre. Le texte les images disent strictement la même chose, les images n'apportent rien au texte : il peut être lu et compris sans les images.

Texte et image ne sont pas en réelle interaction. Tout le texte n'est pas illustré. Par exemple, si on ne regarde que les images, il est impossible de savoir que les deux enfants sont rentrés sur le dos d'un canard après avoir tué la sorcière. Cela est dit dans le texte alors que l'image montre juste un canard blanc sur un lac11.

Dans la bande dessinée, le texte et l'image sont complémentaires : ce qui n'est pas dit dans le texte l'est dans l'image. Ainsi, le texte et l'image présentent deux narrations qui se suivent. Comme dans l'album, le texte et l'image peuvent dire la même chose (mettre l'accent sur une partie du texte), deux choses différentes ou en contradiction. La bande dessinée se distingue de l'album car les textes sont souvent inclus dans les images, par le biais des bulles ou des onomatopées écrites directement sur l'image. Le texte prend beaucoup moins de place que dans l'album. Les images sont organisées en planches, composées de lignes qui sont elles-mêmes composées de cases.

Dans l'album, le plus fréquent est de trouver une image par page. L'album et bande

7 ALAMICHEL Dominique, Albums, mode d'emploi. Cycles 1, 2 et 3, Scéren, CRDP Académie de Créteil, p. 57.

8 BROWNE Anthony, Des invités bien encombrants, Paris, Kaléidoscope, 2001, p. 10

9 « Jeannot et Margot », Contes de Grimm. Illustrations de Nikolaus Heidelbach, vol. 2, Le Seuil, Paris, 2004, pp. 297-306.

10 GRIMM Jacob et Wilhelm, illustrations d'Anastassija Archipowa, Hänsel et Gretel, Albin Michel jeunesse, Paris, 2008, 24 p.

11 Ibid., p. 20.

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dessinée ont un point commun : le lecteur ne peut se passer ni de l'image, ni du texte.

L'album a un format particulier.

Les albums sans texte sont différents. On ne peut pas parler de rapport texte- image. Le lecteur s'imagine le texte grâce aux images. Ce jour là de Mitsumasa Anno présente le voyage d'un personnage en Europe, probablement au dix-neuvième siècle si on en juge par les références picturales12. Les illustrations sont faites de manière à ce que le lecteur puisse comprendre le déroulement de l'histoire, sans en connaître tous les détails : on ne sait pas qui est le personnage, ni le but de sa visite en Europe. Ce que les images ne disent pas ne peut pas être donné par le texte, il revient donc au lecteur de l'imaginer. L'album sans texte raconte une histoire, même simple. Il se distingue des autres ouvrages sans texte à destination des enfants, comme par exemple les imagiers.

Pour conclure, il est possible d'affirmer qu'un album se définit comme un ouvrage appartenant ou proche du genre narratif, illustré, et dont les images et le texte – quand il y a un texte – sont en interaction. Les images font partie de la narration. On ne peut supprimer ni les images ni le texte, au contraire des récits, des contes et de la poésie illustrés. En ce sens, il est proche de la bande dessinée mais en diffère car l'illustrateur choisit quelles partie du texte il illustre, alors que dans la bande dessinée, le texte et l'image offrent une narration continue, bien que parfois différente.

Beaucoup d'albums de jeunesse présentent des références à la peinture, que ce soit à une œuvre en particulier, à un artiste, à un courant artistique, ou à plusieurs courants artistiques. Les illustrateurs peuvent reprendre un tableau sans le modifier, le reprendre selon leur propre style, le détourner, ou s'inspirer du style du peintre.

L'intérêt de ces albums est souligné par les textes officiels qui envisagent un enseignement transversal (littérature, arts visuels, histoire des arts et histoire). Il semble que cet enseignement ne soit pas toujours mis en œuvre : des recherches dans des publications destinées aux enseignants13 montrent que si les illustrations et les références à la peinture sont étudiées avec les élèves, peu de choses sont faites sur le rôle des illustrations et sur le rôle des emprunts à la peinture dans les illustrations (rapport texte-image).

Des références à la peinture sont souvent oubliées dans les séquences proposées.

En effet, c'est un travail difficile, qui suppose une bonne connaissance des mouvements

12 Georges Seurat, Jean-François Millet, Vincent Van Gogh et Gustave Courbet.

13 Se reporter à la bibliographie.

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artistiques, beaucoup de recherches et un sens certain de l'observation. Souvent, seuls des détails des œuvres d'art sont repris, ou les œuvres sont reprises selon un autre style, ce qui peut les rendre totalement méconnaissables. Dans la majorité des albums, elles ne sont pas citées : il est tout à fait possible de lire un de ces album sans y trouver aucune référence artistique.

Pourquoi ces références artistiques ? Ont-elles un rôle ? Qu'apportent-elles au texte et à l'illustration ? Qu'apportent-elles aux enfants qui les étudient ?

Pour débuter, une analyse du corpus précisera quels sont les albums retenus pour alimenter notre réflexion : de quels peintres, de quels courants artistiques les illustrateurs de jeunesse se sont-ils inspirés ? Cette analyse permettra d'identifier les peintres les plus utilisés dans l'illustration pour la littérature de jeunesse. Un rapide historique de l'histoire de l'illustration dans la littérature de jeunesse et des politiques de l'éducation mises en place nous offrira une perspective permettant de comprendre les raisons de cette irruption de l'art dans la littérature de jeunesse depuis les années 1980.

On distingue trois grandes fonctions de l'image : elle peut reproduire le texte, l'illustrer, elle peut dire autre chose ou le dire autrement, ou en dire plus. En partant du principe que, de la même manière, les citations d’œuvres d'art ont une fonction par rapport aux illustrations et par rapport au texte, qu'elles lui apportent quelque chose, la seconde partie de ce travail tentera de faire le point sur ce que ces références à la peinture permettent d'exprimer.

Les albums qui citent des tableaux de maître ne le font pas toujours de manière explicite : le plus souvent, il revient au lecteur de trouver, s'il le connaît, à quel tableau il est fait référence. Pour cette raison, il semble impossible que les enfants puissent les reconnaître. De plus, l'analyse des fonctions des images est complexe. Comment aborder ces albums avec les enfants ? La troisième partie tentera de répondre à ces questions, en analysant les programmes ainsi que les outils pédagogiques mis à disposition des enseignants.

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1 Analyse du corpus

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Ainsi, de nombreux albums de littérature de jeunesse reprennent des tableaux.

Ces peintures peuvent être utilisées de plusieurs manières. Les citations consistent à reproduire de manière identique une œuvre ou une partie de l’œuvre. Les parodies ou les détournements consistent à modifier des éléments de l’œuvre, à les substituer avec des éléments en rapport avec l'histoire. Les amalgames mélangent plusieurs œuvres dans une même illustration et les imprégnations peuvent se définir comme des emprunts plus ou moins repérables, à un artiste14.

Mais ces références sont récentes. En analysant la bibliographie qui a servi à élaborer ce mémoire, on s'aperçoit que l'album le plus ancien, faisant référence à la peinture, est Ce jour-là, de Mitsumasa Anno, qui est paru en France en 1978.

14 BRUEL Christian, Anthony Browne, Paris, Être, 2001, p. 245.

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1.1 Les albums qui n'ont pas été retenus dans le corpus

Certains albums font référence à la peinture mais n'ont pas été retenus dans le corpus. Parmi ceux-ci, on distingue les albums qui font référence à un courant artistique mais qui ne citent aucun tableau en particulier. Les illustrateurs connaissent l'histoire des arts et il est normal que les peintres les inspirent. Mais il semble difficile de repérer les références à la peinture dans de tels albums avec les élèves. En revanche, cette activité est plus facile avec des albums qui citent des œuvres d'art. On peut envisager par exemple, de présenter l'album en même temps que des reproductions des tableaux qui ont été repris. Lors de mon stage en responsabilité, j'ai présenté Des invités bien encombrants à une classe de CM1-CM2. J'avais réalisé une présentation. J'avais scanné toutes les pages de l'album. A chaque fois qu'il y avait un élément tiré d'un tableau, je présentais d'abord l'illustration d'Anthony Browne telle qu'elle puis, dans la diapositive suivante, je présentais la même illustration, accompagnée du ou des tableaux auxquels elle faisait référence. Les élèves ont ainsi pu observer les points communs, les différences entre les tableaux et les illustrations.

L'album se définit comme une interaction entre l'histoire racontée par le texte et les images, à la différence du texte illustré. Dans le cas de ces albums, il est impossible de travailler sur le rapport texte-image avec des élèves.

Peu de temps après la parution de Ce jour là, en 1982, paraissait Les mystères de Harris Burdick de Chris Van Allsburg, puis deux ans plus tard, L'épave du Zéphyr du même auteur. Les mystères de Harris Burdick fait référence à Magritte. On y reconnaît les oiseaux de Magritte, comme dans La grande famille, ou les fenêtres comme La lunette d'approche dans l'illustration intitulée La chambre du second. L'album ne fait pas référence à des peintures en particulier mais reprend le style de l'artiste. Il en va de même pour L'épave du Zéphyr pour lequel l'illustrateur s'est inspiré d'Edward Hopper. Il semble difficile avec des élèves de repérer les références à Magritte ou à Hopper dans Les mystères de Harris Burdick et dans L'épave du Zéphyr. De la même manière, les illustrations du Taxi brousse de papa Diop de Christian Kinge-Epanya rappellent les peintures sous verre typiques du Sénégal15. Le voyage d'Henry de Brien D. Johnson met en scène deux ours qui ont des conceptions de la vie très différentes. Ils évoluent dans

15 KINGE-EPANYA Christian, Le taxi brousse de papa Diop, Paris, Syros, 2007, 28 p.

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un monde inspiré du cubisme, les forêts rappellent la jungle du Douanier Rousseau16. Dans ces deux albums, n'est fait référence à aucun tableau en particulier. Les illustrations d'Alain Gauthier dans Est-elle Estelle ? sont de véritables peintures surréalistes, qui ne citent néanmoins aucun tableau connu17. Il en va de même pour Mon miel, ma douceur qui fait référence aux arts du Moyen Orient et pour beaucoup d'albums faisant référence aux arts de l'Asie présents dans la bibliographie du TER18.

Il y a quelque chose qui cloche et Il y a encore quelque chose qui cloche19 de Guy Billout ne racontent pas d'histoire. Il s'agit d'une succession de tableaux surréalistes réalisés par l'illustrateur avec un titre. Même si on peut y voir des références à Magritte20, ces albums n'ont pas été retenus dans le corpus. Pour la même raison, Les tableaux de Marcel21 n'ont pas été retenus : dès la première page, le narrateur explique que « chaque image raconte une histoire ». Chaque histoire est résumée dans les deux lignes au maximum de commentaires sous les tableaux.

Le recueil de poésies, Petits haïkus des saisons22 est illustré avec des estampes japonaises et des tableaux impressionnistes, notamment, Kitagawa Utamaro, Hokusai Katsushika et Camille Pissaro. Mais il s'agit avant tout d'un livre de poésie. Les illustrations ont été empruntées à des peintres, elles ont été calquées sur des textes sans avoir été modifiées. Le texte et l'image n'ont aucun rapport.

Certains albums ont comme but de faire découvrir l'art aux enfants, avant de raconter une histoire. Z'avez pas vu Art ? veut faire découvrir le Metropolitan Museum of Arts de New-York par le biais d'un personnage qui cherche son ami, Art (diminutif d'Arthur et jeu de mots sur l'art). Le garçon est aussi à la recherche d'explications sur l'art. Les réponses des visiteurs, auxquels il demande s'ils n'auraient pas vu son ami, visent à expliquer l'art aux enfants. Petit musée de Grégoire Solotareff et Alain le Saux est en réalité un abécédaire illustré par des détails de tableaux de maîtres. Bestioles d'art

16 JOHNSON Donald B., KIEFE Laurence, Le voyage d'Henry, Paris, Casterman, 2007, 29 p.

17 DAVID François, GAUTHIER Alain, Est-elle Estelle ? Urville-Nacqueville, Motus, 2002, 33 p.

18 PIQUEMAL Michel, IDIR-SAADAOUI Aïcha, NOUHEN Elodie, Mon miel ma douceur, Paris, Didier Jeunesse, 2004, 26 p. ; DE LESTRADE Agnès, PERRIN Martine, Le parapluie de Madame Hô, Toulouse, Milan Jeunesse, 2007, 38 p., SOUPAULT Ré, SOUPAULT Philippe, LI Zongyiao, Dragon bleu dragon jaune, Paris, Père Castor-Flammarion, 2006, 26 p. ; EDY-LEGRAND Edouard , Macao et Cosmage ou l'expérience du bonheur, Paris Circonflexe, 2004, 49 p.

19 BILLOUT Guy, Il y a quelque chose qui cloche, Paris, Harlin Quist, 1998, 32 p., Id., Il y a encore quelque chose qui cloche, Paris, Seuil Jeunesse, 2002, 30 p.

20 Id., Il y a encore quelque chose qui cloche, Paris, Seuil Jeunesse, 2002, p. 1 représente une scène de nuit. Un homme soulève le coin de l'ombre d'une statue. Sous cette ombre, on aperçoit la lumière jaune du soleil, un ciel bleu avec des nuages et des oiseaux qui volent.

21 BROWNE Anthony, Les tableaux de Marcel, Paris, Kaléidoscope, 2000, 23 p.

22 MALINEAU Jean-Hugues, Petits haïkus des saisons, Paris, L'école des loisirs, 1996, 29 p.

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brut rassemble des œuvres d'artistes autodidactes présentées à la Collection de l'Art brut, un musée situé à Lausanne.

La petite fille du tableau23 souhaite faire découvrir les collections du musée de Céret, comme cela est écrit dans les remerciements. Une petite fille, présente dans un tableau, appelle un petit garçon qui s'ennuie en visitant le musée. Il rentre dans le tableau et ensemble, ils découvrent les tableaux exposés au musée.

Selon Sophie Van der Linden, certains albums sans texte se sont affranchis de cette fonction pédagogique24. Tout un Louvre25 doit être considéré comme un ouvrage sur l'art, ou un ouvrage d'art. Sophie Van Der Linden parle de son « fonctionnement implicite, voire secret, offert à la perspicacité du lecteur26 ». En effet, il faut comprendre que l'album fait alterner des photographies d’œuvres d'arts présentes au musée du Louvre et des œuvres contemporaines. Ces œuvres sont regroupées selon des analogies qu'il faut trouver. Certaines sont évidentes, d'autres moins, comme l'analogie entre la peinture à l'huile représentant Mona Lisa de dos, l'installation représentant un homme habillé comme la Joconde, portant des yeux en papier, intitulé Presque Joconde, homme-objet, Son sourire27, une photographie retouchée du sourire de la Joconde. Pour connaître les rapport entre ces trois œuvres il faut connaître le visage de la Joconde, or il n'apparaît pas en entier. Les pages suivantes représentent des yeux ou des personnages ayant de grands yeux, semblables à ceux de la Presque Joconde28. La Joconde de Léonard de Vinci est montrée en entier dans la gravure sur bois Le vol de la Joconde29. Se voir en Joconde30 représentent des personnes photographiées dans la position de la Joconde, devant l'arrière plan de la Joconde. Notre Mona Lisa est une image numérique composée de photos d'oeuvres d'art agencées comme une mosaïque, de manière à ce que vues de loin, elles forment La Joconde31. Mais Tout un Louvre n'est pas un album : il ne raconte pas d'histoire. C'est un livre d'art, qui présente la collection d'un musée de

23 GUIRAO JULIEN Magdalena, HUET Elsa, La petite fille du tableau, Paris, L'école des loisirs, 2011, 24 p.

24 VAN DER LINDEN Sophie, « Les albums sans », Le livre pour enfants. Regards critiques offerts à Isabelle Nières-Chevrel, PUR, Rennes, 2006, p. 190.

25 COUPRIE Katy, LOUCHARD Antonin, Tout un Louvre, Paris, Musée du Louvre éditions / Thierry Magnier, 2005, 245 p.

26 VAN DER LINDEN Sophie, « Les albums sans », Le livre pour enfants. Regards critiques offerts à Isabelle Nières-Chevrel, PUR, Rennes, 2006, p. 192.

27 COUPRIE Katy, LOUCHARD Antonin, Tout un Louvre, Paris, Musée du Louvre éditions / Thierry Magnier, 2005, p. 74-76.

28 Ibid., p. 77-85.

29 Ibid., p. 234 30 Ibid., p. 244 31 Ibid., p. 245

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manière alternative. Sa compréhension nécessite donc des connaissances en histoire de l'art et en techniques artistiques. Ce fonctionnement est implicite car il n'est pas mentionné dans l'album : il revient au lecteur de le trouver.

L'art en bazar et L'art toujours en bazar d'Ursus Wehrli32 fonctionnent par doubles pages. D'un côté il présente un tableau de maître, d'un autre côté le même tableau rangé par l'auteur. Les doubles pages sont indépendantes les unes des autres et ne racontent aucune histoire.

La collection Pont des arts du CRDP de l'académie d'Aix Marseille se compose actuellement de dix-neuf albums, publiés depuis 2007. Tous parlent d'une seule œuvre, sauf Natura et les chevaliers des quatre saisons qui font référence au Printemps, à L’Été, à L'Automne et à L'Hiver de Giuseppe Arcimboldo, Omotou guerrier Massaï qui fait référence à deux sculptures d'Ousmane Sow. Ces albums ont une visée pédagogique : ils sont accompagnés de livrets pédagogiques à destination de l'enseignant qui donnent des conseils sur des activités transversales33. Le tableau inspire l'histoire, il ne l'illustre pas. C'est un mode de relation qui tend à se développer. Le rapport texte-image et surtout texte-référence à la peinture est différent des albums d'Anthony Browne, par exemple, qui pense d'abord à une histoire et se sert de l'intericonicité pour faire dire quelque chose aux illustrations. Ces albums sont davantage des ouvrages sur l'histoire de l'art que des albums de littérature de jeunesse.

Cette collection comporte dix-neuf titres, ce qui n'est pas négligeable.

Les éditions du Seuil lancent avec La princesse des Ménines paru en octobre 2011, une nouvelle collection qui propose une fiction inspirée d'un tableau célèbre, ainsi que des informations sur l’œuvre. La même année, un album sur le même tableau est paru aux éditions Élan Vert dans la collection Pont des arts : Moi, princesse Marguerite34.

Quand la narration est assumée par le texte seul et que les illustrations disent la même chose que le texte, on parle de rapport de redondance ou de rapport de concordance. Les références à la peinture, qui sont intégrées dans les illustrations, ont la même fonction qu'elles.

32 WEHRLI Ursus, L'art en bazar, Toulouse, Milan jeunesse, 2003, 42 p., Id., L'art toujours en bazar, Toulouse, Milan jeunesse, 2009, 48 p.

33 Voir les albums de la collection Pont des Arts dans la bibliographie.

34 BEIGEL Christine, DEVOS Xavière, Moi, princesse Marguerite, Paris, Elan Vert / Marseille, CRDP Aix-Marseille, 2011, 32 p.

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Portraits en pied des princes, princesses et autres bergères de notre enfance35 présente des contes réécrits illustrés par des tableaux à la manière des grands peintres.

Le fil conducteur de ces illustrations est un petit pois (tiré du conte La Princesse au petit pois) présent sur chaque illustration. Les illustrations présentent le héros, dans des situations qui ne font pas forcément référence à un passage du conte : le texte et l'image ne sont pas en rapport. Le format fait que l'on parle d'album, mais il s'agit davantage d'un recueil de contes illustrés. La princesse au petit pois est une adaptation des Ménines de Vélasquez36. Le tableau a été recadré : on n'y aperçoit que la petite fille au centre. Elle est reconnaissable à sa pose et à sa coiffure. Elle tient un oreiller dans sa main, sous lequel le prince avait placé le petit pois. Mis à part cet oreiller, l'illustration est semblable à un portrait en pied traditionnel. La petite sirène ressemble au Nu allongé de Modigliani37. L'illustration ne fait référence à aucun passage du conte. Le texte peut être lu et compris sans les images. En revanche, si on ne regarde que les images, il est impossible de savoir de quel conte il s'agit : Le chat botté d'après Magritte38 s'inspire d'une peinture de Magritte presque semblable, Le thérapeute. On y voit un personnage, sont la tête et le corps sont remplacés par une cage avec une souris et un petit pois. Dans le tableau de Magritte, la cage contient deux oiseaux. Mis à part l'avant-dernière double page, qui représente Le petit pois du Petit Poucet d'après Klimt sans donner le texte du conte, les illustrations prennent une page, le texte la page d'en face. On trouve aussi des illustrations sur la page consacrée au texte : elles peuvent être soit un détail de l'illustration principale, soit une illustration différente mais toujours en rapport avec la première.

Les albums faisant référence à la peinture ne sont pas spécifiques à la France : Lampião & Lancelote, paru au Brésil en 2006, puise dans les tableaux de Paolo Uccello et dans les documents que l'illustrateur a vus dans les musées italiens. Mais cet album n'est pas traduit en Français, s'il l'avait été, il aurait été retenu dans le corpus. Pourtant, il a reçu de nombreux prix39.

35 HOESTLANDT Jo, NOVI Nathalie, Portraits en pied des princes, princesses et autres bergères des contes de notre enfance, Thierry Magnier, Paris, 2001, 24 p.

36 Ibid., p. 1 37 Ibid., p. 9-10 38 Ibid., p. 15

39 VILELA Fernando, Lampião & Lancelote, São Paulo, Cosac Naify, 2006, 51 p. Voir aussi

DEFOURNY Michel, « Situation internationale de la littérature de jeunesse », L'école des lettres. La littérature des enfants fait école, 2008-2009, n°4, p. 5-28

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1.2 Les albums retenus dans le corpus

Le point commun entre les albums retenus dans le corpus et ceux qui ne l'ont pas été est que tous cherchent à faire connaître l'art aux enfants. Le corpus se compose de plusieurs types d'albums. Certains albums ne font référence qu'à une seule œuvre, d'autres à un seul peintre, d'autres à un courant artistique. Dans certains albums, les peintures ou les artistes auxquels il est fait allusion sont identifiés, dans d'autres il revient au lecteur de les trouver. La culture artistique requise n'est pas la même, le travail n'est pas le même. Dans le deuxième cas, rechercher toutes les références artistiques peut d'avérer un travail fastidieux. Un enfant seul n'est pas capable de le faire, il doit avoir l'aide d'un adulte.

Les albums retenus ne font pas tous partie des listes de références : de nombreux albums sont parus depuis, les listes ne prétendent par être exhaustives, et elles ne sont qu'indicatives.

1.2.1 Les albums qui ne font référence qu'à une seule œuvre

Dans cette catégorie, on distingue les albums écrits dans le but de parler de l'art et les albums où l'histoire est éloignée du discours sur l'art. Les seconds sont beaucoup plus rares que les premiers.

L'unique peinture représentée dans Petite beauté d'Anthony Browne est La chute d'Icare de Pieter Bruegel l'Ancien40.

Le Coucan de nuit d'Anthony Browne41 ne comporte lui aussi qu'une seule référence à la peinture. Les pages 2 et 3 montrent La jeune fille à la tresse de Modigliani, d'abord boudeuse puis souriante. La page 15 montre la chambre du héros, Éric. Au dessus de son lit est accrochée une illustration de L'île au trésor de R. L.

Stevenson, réalisée par Monro S. Orr. Il ne s'agit pas à proprement parler de peinture mais d'illustration de littérature de jeunesse. Anthony Browne a probablement voulu rendre hommage Monro S. Orr, illustrateur très connu en Angleterre42.

40 BROWNE Anthony, Petite Beauté, Paris, Kaléidoscope, 2008, p. 17.

41 STRAUSS Gwnen, BROWNE Anthony, Le Coucan de nuit, Paris, Kaléidoscope, 1991, 30 p.

42 Entre autres, il a illustré Jane Eyre et Mother Goose, deux classiques de la littérature anglaise.

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1.2.2 Les albums qui ne font référence qu'à un seul artiste

Dans Le voyage d'Oregon, Duke et Oregon traversent « des tableaux de Van Gogh. En plus beau43 ». Aucune référence n'est faite à un tableau en particulier.

Dans Le vieux fou de dessin, François Place raconte la rencontre entre Hokusaï et Tojiro, un petit garçon44. Ce récit illustré est aussi disponible sous forme d'album.

Brenda V. Northeast a écrit l'histoire de l'ours en peluche de Vincent Van Gogh et d'Auguste Renoir dans Pour l'amour de Vincent et Pour l'amour d'Auguste45. Brenda V.

Northeast détourne les tableaux de ces deux peintres en y ajoutant l'ours en peluche.

Dans La chambre de Vincent, Kimiko représente non seulement La chambre de Van Gogh à Arles sous différents angles (là où vivent les deux souris héroïnes de l'histoire) mais aussi L'autoportrait en bonze, auquel il a été rajouté un bandage sur l'oreille46.

43 RASCAL, JOOS Louis, Le voyage d'Oregon, Paris, Pastel, Lutin poche de l'école des loisirs, 1993, p.

18-19.

44 PLACE François, Le vieux fou de dessin, Paris, Gallimard jeunesse, 1997, 93 p.

45 NORTHEAST Brenda V., Pour l'amour de Vincent, Paris, Mango, 1996, 36 p. et id., Pour l'amour d'Auguste, Paris, Mango, 1998, 32 p.

46 SOLOTAREFF Grégoire, KIMIKO, La chambre de Vincent, Paris, L'école des loisirs, 1999, pp. 2, 4, 6 et 16 pour la chambre et p. 14 pour l'autoportrait.

Illustration 1: Kimiko, La chambre de Vincent, Paris, Lutin poche de l'école des loisirs, 2006, p.

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Illustration 2: Vincent Van Gogh, Autoportrait en bonze, 1887, huile sur toile, 62 x 52 cm, Fogg Art Museum, Cambridge

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Le parallèle a été fait entre les moments anodins collectionnés par Edward Hopper et Max, le peintre du Collectionneur d'instants47. Mais aucun tableau de Hopper n'est reconnaissable dans l'album. En revanche, la composition ou certains détails visibles dans les illustrations rappellent les tableaux de Magritte. Le tableau intitulé Le collectionneur d'instants est composé de la même manière que La condition humaine II de Magritte : le spectateur se situe dans une pièce qui donne sur la mer, un chevalet est posé à droite. La valise de Max est posée au même endroit que la boule48.

La montgolfière, présente dans Les belles relations, se retrouve dans deux tableaux de Max49. Comme dans les tableaux de Magritte, ceux du Collectionneur d'instants incitent au voyage, que ce soit par des personnages qui regardent quelque chose que le spectateur ne voit pas ou par des objets (fenêtres, échelles)50. Les objets

47 Le collectionneur d'instants [en ligne]. Académie d'Aix-Marseille [date inconnue], consulté le 12 avril 2012. Disponible sur le web : http://pedagogie.ia84.ac-aix-marseille.fr/litt/instants.pdf

48 BUCHHOLZ Quint, Le collectionneur d'instants, Toulouse, Milan jeunesse, 1998, p. 23 ; Le collectionneur d'instants. Quint Buchholz [en ligne], Académie de Rouen / Circonscription du Havre Ouest [date inconnue], consulté le 30 mars 2012. Disponible sur le web : http://ecoles.ac-

rouen.fr/havreouest/ressources/litt_jeuness/collectionneur.htm

49 BUCHHOLZ Quint, Le collectionneur d'instants, Toulouse, Milan jeunesse, 1998, p. 24-25, 26-27.

50 Ibid., p. 10-11, les personnages regardent quelque chose situé derrière un mur. Pages 20-21, un immense cadeau trône au milieu du pré mais les vaches regardent autre chose, à l'extérieur du tableau.

Page 23, on ne voit pas ce que Max reflété dans le miroir regarde. Pages 28-29, un homme et des pingouins regardent en haut, hors du tableau. Les fenêtres (pp. 23, 26-27) et les échelles (pp. 10-11,

Illustration 4: René Magritte, La condition humaine II, 1935, huile sur toile, 100 x 80 cm., Collection Simon Spierer, Genève

Illustration 3: Quint Buchholz, Le

collectionneur d'instants, Toulouse, Milan jeunesse, 1998, p. 23

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flottant dans l'air sont eux aussi caractéristiques de la peinture de Magritte.

1.2.3 Les albums qui font référence à plusieurs courants artistiques

Deux catégories se distinguent : les albums proches des catalogues de musées, qui ont pour but essentiellement de faire connaître une collection, où l'histoire n'est que prétexte, et les albums qui se servent de la peinture pour illustrer une histoire. Dans le deuxième cas, les références à la peinture ont une fonction au sein de l'histoire51.

Les artistes cités dans Le lutin des arts sont mentionnés en deuxième et en troisième de couverture. En ce qui concerne la peinture, Chiara Carrer fait référence à Yves Klein, à Michel Basquiat et à Antoni Tapiès. Le lutin des arts se promène dans une sorte de musée, composées d'oeuvres inspirées de ces artistes52.

Les auteurs des Portraits en pied des princes, princesses et autres bergères des contes de notre enfance53 ont choisi de citer les artistes auxquels ils font référence : Velasquez, Picasso, Ingres, Vuillard, Modigliani, Bonnard, Balthus, Magritte, Van Gogh, Chagall, Goya et Klimt. Les peintures ne sont pas précisées.

Laurent de Brunhoff explique à la fin du Musée de Babar quels sont les tableaux qui ont été détournés : Hélène Fourment et son fils de Peter Paul Rubens, Le balcon d'Edouard Manet, La Joconde de Léonard de Vinci, Saint Michel et le dragon de Raphaël, Charles Ier, La reine Henriette-Marie, Charles, prince de Galles et La princesse Marie de Antonie Van Dyck, Les ménines de Velasquez, Don Manuel Osorio de Goya, Moisson de Pieter Bruegel l'Ancien, La liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, Le concert champêtre du Titien, Aristote contemplant le buste d'Homère de Rembrandt, Un après-midi à la Grande Jatte de Georges Seurat, La création d'Adam de Michel-Ange, Les joueurs de cartes de Paul Cézanne, Autoportrait de Vincent Van Gogh, Les époux Arnolfini de Jan Van Eyck, La naissance de Vénus de Sandro Botticelli, Le rêve du douanier Rousseau, Apparition avec coupe de fruits sur une plage de Salvador Dali, Le cri d'Edward Munch, Les Demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso,

18-19, 28-29) sont récurrentes dans les tableaux de Max.

51 Le chapitre 2 explique ces fonctions.

52 CARRER Chiara, Le lutin des arts, Genève, La joie de lire, 2008, 48 p. Yves Klein est reconnaissable grâce à son bleu caractéristique (p. 9-14), Antoni Tapiès grâce à des signes mathématiques (p. 15-16) et Basquiat grâce à ses traits dans ce portrait de la Joconde (p. 41-42).

53 HOESTLANDT Jo, NOVI Nathalie, Portraits en pied des princes, princesses et autres bergères des contes de notre enfance, Paris, Thierry Magnier, 2001, 28 p.

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La condition humaine de René Magritte, Portrait de Madame Gautreau de John Singer Sargent, Mère et enfant de Mary Cassat, Arrangement en gris et noir de J.A.M.

Whistler, Le déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet, une peinture de Jackson Pollock, La jeune fille au chapeau rouge de Jan Vermeer54. Babar et Céleste décide de transformer la gare de Célesteville en musée et d'y mettre tous les tableaux qu'ils ont achetés au cours de leurs voyages. Dans tous les tableaux, les personnages ont été remplacés par des éléphants.

Gilles Bachelet détourne des tableaux dans Mon chat le plus bête du monde : le Nu bleu II de Matisse, Pommes et oranges de Paul Cézanne, Le joueur de fifre d'Edouard Manet, Le bal du Moulin de la Galette d'Auguste Renoir, Ariadne de Giorgio de Chirico, La grande famille de René Magritte, Le violoniste bleu de Marc Chagall, et La naissance de Vénus de Sando Botticelli. Il est fait allusion à d'autres artistes, mais leurs œuvres ne sont pas reconnaissables : Ben, Joan Miro, Piet Mondrian, Vassili

54 DE BRUNHOFF Laurent, Le musée de Babar, Paris, Hachette Jeunesse, 2004, p. 45.

Illustration 5: Le déjeuner sur l'herbe de Manet revu par un peintre de Célesteville.

Laurent de Brunhoff, Le musée de Babar, Paris, Hachette jeunesse, 2004, p. 39

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Kandinsky, Pablo Picasso, Fernand Léger55. Le texte raconte l'histoire d'un peintre qui est convaincu d'avoir adopté un chat. Si le lecteur ne lit que le texte, c'est ce qu'il croit.

Or chaque fois qu'il est question du chat, les illustrations représentent un éléphant. Les références à la peinture contribuent à opposer le texte et l'image : le peintre réalise des portraits de son chat, en réalité il détourne des tableaux de maître en y remplaçant les personnages par un ou plusieurs éléphants.

Ces tableaux sont repris dans Des nouvelles de mon chat, et on en trouve de nouveaux, comme Les coquelicots à Argenteuil de Claude Monet, L'angélus de Jean- François Millet, La méridienne de Vincent Van Gogh, Le déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet56 qui eux aussi représentent des éléphants.

55 BACHELET Gilles, Mon chat le plus bête du monde, Paris, Seuil jeunesse, 2004, p. 17 56 Id., Des nouvelles de mon chat, Paris, Seuil jeunesse, 2009, p. 15

Illustration 6: Gilles Bachelet, Mon chat le plus bête du monde, Paris, Seuil jeunesse, 2004, p. 17

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L'histoire que raconte Max Ducos dans L'ange disparu se passe dans un musée.

Eloi par visiter le musée des Beaux-arts de sa ville avec sa classe. La Vénus d'un tableau de François Boucher, Le sommeil de Vénus57, lui demande de retrouver son petit ange.

Eloi visite alors les autres tableaux du musée. Au premier étage, il voit Le petit paresseux de Jean-Baptiste Greuse, Le pâté de jambon de Jean-Baptiste Chardin, un détail de La Sainte Famille à l'oiseau de Bartolomé Esteban Murillo, la Nature morte à l'échiquier de Lubin Baugin, le Christ en croix de Diego Velasquez, la Nature morte aux oranges de Francisco de Zurbaran, Le nouveau né de Georges de la Tour, Les pélerins d'Emmaüs de Rembrandt, La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, La Cène de Léonard de Vinci58. Il plonge dans L'automne de Nicolas Poussin afin de chercher l'angelot59 après avoir demandé son chemin à Rembrandt (Autoportrait60).

Il monte au deuxième étage par un escalier décoré par une fresque de Franck Stella, Mas o menos61. Il y découvre Wivenhoe Park de John Constable, Le cimetière des Alyscamps de Paul Gauguin, Ville-d'Avray de Camille Corot, le Chemin creux, effet de neige d'Armand Guillaumin, le Bassin aux nymphéas de Claude Monet, Riesengenirge de Caspar David Friedrich, Les meules à Chailly de Claude Monet, La Seine à Bougival d'Alfred Sisley, Florence, vue des jardins Boboli de Jean-Baptiste Corot, la Montagne Saint Victoire de Paul Cézanne, Les coquelicots à Argenteuil de

57 DUCOS Max, L'ange disparu, Paris, Sarbacane, 2008, p. 7.

58 Ibid., Paris, Sarbacane, 2008, pp. 5-6.

59 Ibid., p. 10-12.

60 Ibid., p. 9.

61 Ibid., 14.

Illustration 7: Max Ducos, L'ange disparu, Paris, Sarbacane, 2008, p. 10

Illustration 8: Nicolas Poussin, L'automne, v.

1660-1664, huile sur toile, 117 x 160 cm, Musée du Louvre, Paris

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Claude Monet, Le talisman de Paul Cérusier, S. Giorgio Maggiore de William Turner62. La femme de La chasse aux papillons de Berthe Morisot lui offre son filet, sur le même mur on remarque Areanea de Paul Gauguin63. Il continue son chemin dans le musée et passe devant L'assomption de la Vierge de Philippe de Champaigne64 pour arriver au deuxième étage, consacré à l'art moderne. On y trouve la Composition A de Piet Mondrian, Beta Kappa de Morris Louis, Number One de Jackson Pollock, Yellow Band de Mark Rothko, Meryon de Franz Kline et une Figure de Pablo Picasso65. Finalement, il retrouve l'angelot en train de jouer avec des cubes de couleur dans le tableau de Mondrian. Cette visite au musée permet à Eloi d'interroger les tableaux, comme le fait un visiteur classique.

Jeu de piste à Volubilis66 du même auteur présente lui aussi un choix d’œuvres très varié : Piet Mondrian, Pablo Picasso, Joan Miro, Andy Warhol...

Dans L'ours qui a vu l'homme qui a vu l'art, Vieil Indien raconte à Gros Mocassin, un ours, ce qu'il a vu dans la grande ville : un musée, dont plusieurs tableaux qui sont donnés au lecteur en deuxième et troisième de couverture : la Femme à l'ombrelle de Claude Monet, Judith I de Klimt, le Portrait de Dora Maar de Pablo Picasso, Suprématisme de Malevitch, un extrait de Jazz de Matisse et enfin Marilyn d'Andy Warhol. L'ours s'imagine que ces peintures représentent des ours et ainsi, l'illustrateur en offre des détournements tout au long de l'album67.

62 Ibid., pp. 15-16.

63 Ibid., p. 17.

64 Ibid., p. 19.

65 Ibid., p. 21-24.

66 DUCOS Max, Jeu de piste à Volubilis, Paris, Sarbacane, 2006, 44 p.

67 RIFF, L'ours qui a vu l'homme qui a vu l'art, Paris, L'école des loisirs, 2001, 32 p.

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La référence à Vincent Van Gogh est visible dès la couverture du Cochon à l'oreille coupée de Jean-Luc Fromental et Miles Hyman : le titre, accompagné d'une illustration montrant un cochon avec une oreille bandée et une palette de peinture rappelle la crise de folie au cours de laquelle le peintre perdit son oreille. Aucune des illustrations ne fait référence à Van Gogh. Pourtant, on y trouve Le cri d'Edward Munch et un Mondrian68.

Le surréalisme est omniprésent dans Tout change d'Anthony Browne : dès la première page, Joseph voit que les objets de sa maison se transformer. La bouilloire est en réalité moitié bouilloire-moitié chat. Plus loin, sa chambre nous est présentée : c'est une réplique de La chambre de Van Gogh à Arles. La nuit étoilée est accrochée au mur69. Le garçon voit que les choses sont en train de changer chez lui. Il s'assoit dans le canapé : La Madone du Grand Duc de Raphaël est accrochée au mur, juste au dessus de sa tête70.

Le grand bébé du même auteur montre Sunday early morning d'Edward Hopper,

68 FROMENTAL Jean-Luc, HYMAN Miles, Le cochon à l'oreille coupée, Paris, Seuil jeunesse, 1994, 40 p. ; Le cochon à l'oreille coupée [en ligne]. Académie d'Aix-Marseille [date inconnue], consulté le 26 mars 2012. Disponible sur le web : http://pedagogie.ia84.ac-aix-marseille.fr/litt/docs-

litt/cochon.pdf Le cri (p. 18) et le Mondrian (p. 19) font partie de l'exposition sur les maîtres du Xxème siècle que visite le cochon. La fiche de l'Académie d'Aix-Marseille confond Poliakoff et Mondrian.

69 BROWNE Anthony, Tout change, Paris, Kaléidoscope, 1990, p. 4 70 Ibid., p. 8

Illustration 9: Riff, L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'art, Paris, L'école des loisirs, 2001, p. 12

Illustration 10: Casimir Malevitch,

Suprématisme, 1916-17, huile sur toile, 80 x 80 cm, Fine Arts Museum, Krasnodar

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accroché au mur et à côté, visible depuis la fenêtre71, La jeune fille malade d'Edward Munch72, Le sommeil de Salvador Dali73, Le cauchemar de Johann Heinrich Fussli74.

Une histoire à quatre voix fait référence au surréalisme : les chapeaux melons de Magritte ainsi que ces ciels bleus aux nuages blancs sont clairement identifiables75. Les arbres du parc rappellent Le cri de Munch76. La Joconde de Léonard de Vinci et Le cavalier souriant de Franz Hals sont abandonnés dans la rue puis ils sortent de leur tableau et dansent77.

Marcel le rêveur est particulièrement riche en références picturales. Y sont cités La clé des songes, Le château des Pyrénées, La trahison des images, La reproduction interdite, L'art de vivre, Le fils de l'homme et Le domaine d'Arnheim de René Magritte78. Le château des Pyrénées est placé dans le salon de Marcel. Il apparaît trois fois : d'abord une copie de l'original, ensuite il est détourné. Il se transforme en banane, puis en tête de singe. Sur la couverture, le château est remplacé par Marcel en train de dormir dans son fauteuil. Marcel rêve qu'il est explorateur dans une jungle tirée du Rêve du Douanier Rousseau. Il détourne l’œuvre de Giorgio De Chirico, reconnaissable à ses rues désertes bordées de bâtiments avec des arches, aux trains (qui ici transportent des bananes), à ses statues grecques (ici remplacées par des bananes79). Les objets de La persistance de la mémoire de Salvador Dali sont remplacés par des bananes80. La voile du bateau de A storm at see de Max Klinger est remplacée par une banane, la sirène a une queue en forme de banane81.

Cet album est aussi marqué par des amalgames entre différentes œuvres, appartenant à différents mouvements picturaux. Anthony Browne associe une danseuse de Degas et un paysage de la chapelle Scrovegni82 : il est facile de reconnaître l'époque de la Renaissance grâce aux vêtements de Marcel. De même, il mêle une peinture de Magritte, La tentative de l'impossible, avec la Vénus de Milo : Marcel et la statue sont

71 BROWNE Anthony, Le grand bébé, Paris, L'école des loisirs / Kaléidoscope, 1993, p. 6.

72 Ibid., p. 9 73 Ibid., p. 20.

74 Ibid., p. 21

75 BROWNE Anthony, Une histoire à quatre voix, Paris, Kaléidoscope, 1998, p. 15.

76 Ibid., p. 4.

77 Ibid., p. 9 et 13.

78 Id., Marcel le rêveur, Paris, Kaléidoscope / Lutin poche de l'école des loirirs, 1999, p. 5, 7, 12, 19, 28.

79 Ibid., p. 16.

80 Ibid., p. 22.

81 Ibid., p. 23.

82 Ibid., p. 11.

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dans la même position que Magritte en train de peindre son modèle83. Il mêle un autre détournement de La reproduction interdite de Magritte avec le conte La Belle et la bête84.

83 Ibid., p. 12.

84 Ibid., p. 24.

Illustration 12: La Vénus de Milo, v. 130- 100 av. J.-C., marbre, 2,02 m., Musée du Louvre, Paris

Illustration 11: René Magritte, La tentative de l'impossible, 1928, huile sur toile, 116 x 81,1 cm, Galerie Isy Bachot, Bruxelles

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Des invités bien encombrants est également très riche. Quand Katy rencontre Mary, de nombreux tableaux de Magritte apparaissent dans la bibliothèque : les oiseaux rappellent La grande famille, la fenêtre La lunette d'approche, la chaussure qui se transforme en crayon Le modèle rouge, la bouteille et la banane posée à côté L'explication, en plus d'être une autocitation (une référence aux singes). Accroché au mur, le tableau représentant une locomotive dont la fumée sort du cadre fait penser à La durée poignardée85. L'homme au chapeau melon dans la scène du manège est un détournement des autoportraits de Magritte, comme par exemple L'homme au chapeau melon86. Les personnages du pique-nique à la plage sont dans la même position que ceux du Déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet. Le surréalisme et le comique sont en outre très présents dans cette scène87. La maison de Mary contient beaucoup de tableaux de Magritte : l'orange flottant dans les airs à la fenêtre du haut est tirée de L'art de vivre,

85 MC AFEE Annalena, BROWNE Anthony, Des invités bien encombrants, Paris, Kaléidoscope, 2001, p. 10

86 Ibid., p. 12.

87 Ibid., p. 18.

Illustration 13: Anthony Browne, Marcel le rêveur, 1997, Kaléidoscope / Lutin poche de l'école des loisirs, Paris, p. 12

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la pomme et le chapeau melon du Fils de l'homme, le parapluie sorti de son contexte (planté dans le toit) des Vacances de Hegel, et la pipe sortant de la cheminée de La trahison des images88.

John Chatterton détective89 fait parler les personnages dans des bulles mais a la forme d'un album. Le chat détective est chargé de retrouver le petit chaperon rouge, kidnappé par un loup collectionneur d'art. Ce dernier demandant « Le loup bleu sur fond blanc » en rançon90, titre qui rappelle le Carré noir sur fond blanc de Kasimir Malevitch, mais dont le sujet rappelle une des silhouettes de femmes bleues d'Henri Matisse. Chez le loup, de nombreuses peintures sont exposées : le Portrait de Willem Van Heythuysen de Frans Hals, Le colin-maillard de Jean-Honoré Fragonard, Baldassare Castiglione de Raphaël, le Voyageur sur la mer de nuages de Caspar David Friedrich, Autoportrait à la fourrure d'Albrecht Dürer, Peinture, 1956 (monochromes noirs) de Pierre Soulages, Le miroir magique (corps humain) de René Magritte, Les renards de Franz Marc, Madame Récamier de Jacques-Louis David. En outre, le loup possède un détournement du dessin de symétrie de Maurits Cornelis Escher, une installation de Christo : soit Projet sur le Pont Neuf Paris, soit Projet pour le Reichstag emballé. Il possède aussi plusieurs sculptures : L'homme qui marche d'Alberto Giacometti, Le baigneur de Pablo Picasso, 2 étoiles à 3 pointes de Calder, et Le penseur de Rodin91.

88 Ibid., p. 30

89 POMMAUX Yvan, John Chatterton détective, Paris, Lutin poche de l'école des loisirs, 1993.

90 Ibid., p. 29 et 33.

91 RUBILIANI Claudio, KOLODZIEJCZYK Anne-Marie, RUBILIANI-LENNE Sylvie, Des albums pour se construire. Sciences, arts et français, Poitiers, CRDP Poitou-Charentes, 2006, p. 28.

Illustration 14: Yvan Pommaux, John Chatterton détective, Paris, Lutin poche de l'école des loisirs, 1993, p. 28-29

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Mitsumasa Anno ne fait référence qu'au XIXe siècle dans Ce jour là. On relève des références à trois courants artistiques : le réalisme, l'impressionnisme, le pointillisme (si on considère que l'impressionnisme et le pointillisme sont deux courants différents). Une partie des références sont citées au début de l'album. On y trouve Un après-midi à l'île de la Grande Jatte92, Une baignade à Asnières93 de Georges Seurat, Les cribleuses de blé94, L'angélus95, La tondeuse de moutons96, Les glaneuses97, la Bergère avec son troupeau98 de Jean-François Millet, Les demoiselles de village99, La rencontre ou bonjour Monsieur Courbet100, de Gustave Courbet, Le pont de Langlois101 de Vincent Van Gogh.

Les trois clés d'or de Prague de Peter Sis font référence à Marc Chagall, à Giuseppe Arcimboldo, à Giorgio de Chirico et à Jerôme Bosch. L'auteur donne des indices au lecteur : en cherchent les trois clés qui pourront ouvrir la porte de la maison de son enfance, le narrateur rencontre un bibliothécaire qui « a l'air de sortir d'un tableau102 » . Il s'agit évidemment du Bibliothécaire peint par Giuseppe Arcimboldo.

92 ANNO Mitsumasa, Ce jour là, Paris, L'école des loisirs, 1978, p. 18 93 Ibid., p. 18.

94 Ibid., p. 6.

95 Ibid., p. 32.

96 Ibid., p. 18.

97 Ibid., p. 30.

98 Ibid., p. 30.

99 Ibid., p. 12.

100Ibid., p. 28.

101Ibid., p. 18.

102SIS Peter, Les trois clés d'or de Prague, Paris, Grasset jeunesse, 1995, p. 17.

Illustration 15: Mitsumasa Anno, Ce jour là, Paris, L'école des loisirs, 1978, p. 18 (détail)

Illustration 16: Georges Seurat, Un dimanche après-midi à l'île de la Grande Jatte, 1883, huile sur toile, 207,6 x 308 cm, Art Institute of Chicago

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À la page suivante, d'autres personnages apparaissent : ils s'inspirent du style d'Arcimboldo, comme un pêcheur composé de poissons, une marchande de légumes composés de légumes, un musicien composé d'instruments de musique, un cuisinier à tête de chat composé d'instruments de cuisine, un viticulteur composé d'objets servant à produire du vin, comme un tonneau. Dans la suite de son périple, le héros voit

« l'Empereur en personne » dans un jardin. Il est composé de plantes et de fruits, comme le Portrait de Rodolphe II en Vertumne peint par Arcimboldo103. Puis le narrateur aperçoit une créature dans le ciel, digne des tableaux de Jérôme Bosh104. Il continue son chemin jusqu'à l'horloge astronomique. « Des robots qui ressemblent à des héros de la mythologie » lui donnent la troisième clé105. Ils rappellent une peinture de Giorgio de Chirico, Hector et Andromaque. Les couleurs de certaines illustrations, la présence de personnages ou d'éléments dans le ciel rappellent celles des peintures de Marc Chagall106.

103Ibid., p. 27-29.

104Ibid., p. 42-43.

105Ibid., p. 36-37.

106Ibid., p. 40, 42-43, 48-49.

Illustration 17: Peter Sis, Les trois clés d'or de Prague, Paris, Grasset jeunesse, 1995, p. 17.

Illustration 18: Giuseppe Arcimboldo, Le bibliothécaire, 1570, huile sur toile, 97 x 71 cm, Château de Skokloster.

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Béatrice Poncelet cite Les demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso, Les tournesols et La nuit étoilée de Vincent Van Gogh, ainsi que des estampes d'Utamaro dans Chez elle ou chez elle107.

Janine Kotwica voit plusieurs références artistique dans Chien bleu108 : la première double page s'inspire de Cape Cod evening d'Edward Hopper, la couverture du lit de Charlotte rappelle La nappe à carreaux rouges ou le déjeuner du chien de Pierre Bonnard109, la couleur du chien celle du Petit cheval bleu de Franz Mark, les parents sur la double page du pique-nique sont dans la même position que deux des personnages du Déjeuner sur l'herbe de Manet110. La position des parents de Charlotte ne rappelle que de loin le Déjeuner sur l'herbe.

107PONCELET Béatrice, Chez elle ou chez elle, Paris, Seuil jeunesse, 1997, p. 14-15, 20-21, 34-35.

108KOTWICA Janine, « Nadja et l'album Chien bleu », Images des livres pour la jeunesse, lire et analyser, Thierry Magnier / Scéren – CRDP Académie de Créteil, 2006, pp. 84-99 et pp. 217-218.

NADJA, Chien bleu, Paris, L'école des loisirs, 1989, 39 p.

109NADJA, Chien bleu, Paris, L'école des loisirs, 1989, p. 3-4.

110Ibid., p. 9-10.

Illustration 19: Nadja, Chien bleu, Paris, L'école des loisirs, 1989, p. 9-10

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Les couleurs vives utilisées font penser aux fauvistes et aux expressionnistes. Le combat entre le chien et la panthère s'inspire des combats de fauves de Delacroix, de Géricault ou du Douanier Rousseau111. La double page où l'illustratrice représente Charlotte rentrant chez elle sur le dos du chien est une parodie des triomphes guerriers de la peinture historique. Cette analyse qui a été reprise112 pose problème : les tableaux qu'elle mentionne sont peu reconnaissables dans les illustrations. Nous sommes en droit de nous demander s'il ne s'agirait pas plutôt d'une surinterprétation. En effet, il est normal que les illustrateurs soient inspirés par des peintres. Cette inspiration n'est pas toujours consciente. De même, c'est l'association entre les carreaux et le chien qui fait penser à Bonnard. Cape Cod evening et l'illustration de la première double page sont cadrés différemment. La peinture de Hopper présente deux personnages : une femme

111Ibid., p. 21-22.

112POLLARD Françoise, Grille pour analyser un album et construire une séquence d'apprentissage [en ligne]. Académie de Grenoble [date inconnue], consulté le 25 avril 2012. Disponible sur le web : http://www.ac-grenoble.fr/ien.bv/IMG/pdf_Chien_Bleu-

_Grille_pour_analyser_un_album_et_construire_une_sequence_d_apprentissage-2.pdf

Illustration 20: Édouard Manet, Le déjeuner sur l'herbe, 1862-3, huile sur toile, 208 x 265 cm, Musée d'Orsay, Paris

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debout à côté des escaliers et un homme assis sur les escaliers. La maison peinte par Hopper est entièrement blanche, celle de Charlotte est en briques avec une porte verte.

Le chien est un colley d’Écosse, d'une couleur tout à fait classique. Quatre personnages sont représentés dans Le déjeuner sur l'herbe, l'illustration de Nadja qui y fait allusion ne représente que les deux parents de Charlotte au premier plan, dont la position ne correspond pas exactement (à la différence de la reprise du même tableau par Anthony Browne dans Des invités bien encombrants) à celle du tableau de Manet. Charlotte est au second plan, à moitié dissimulée derrière un arbuste.

L'analyse du corpus montre que les illustrateurs sont nombreux à faire appel aux chefs d’œuvre de la peinture. Même si on note une préférence pour le surréalisme et l'impressionnisme, tous les courants artistiques sont représentés. Les œuvres d'art sont utilisées de manière épisodique dès la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt, et de massivement depuis les années quatre-vingt-dix. Comment expliquer cela ?

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1.3 Historique de l'intericonicité dans les illustrations des albums de jeunesse

Selon Max Butlen, cette évolution est liée à la massification de l'éducation113. En effet, l’Église puis l'école avaient l'habitude d'encadrer les lectures. Celles qui n'étaient pas conseillées par le maître étaient perçues comme négatives, ayant une mauvaise influence. De plus, la lecture était réservée à une élite. Puis au dix-neuvième et au vingtième siècles, la lecture de généralise. Mais les classes populaires ne lisent pas les mêmes livres que les élites. Au moment de la massification de la scolarisation, l'école a dû revoir ce qu'elle enseignait. Entre 1970 et 1989, de nombreux rapports demandent à l'école de changer son offre en littérature, notamment de l'adapter aux enfants. Les éditeurs prennent le relais et s'intéressent aux projets des auteurs de jeunesse. Cela se manifeste par le fait qu'en 1958, six cent cinquante titres jeunesse sont publiés, contre plus de dix mille aujourd'hui.

Dès les années 1970, Paul Lidsky note un engouement pour la littérature de jeunesse et une évolution dans ses illustrations : les images deviennent de plus en plus riches. Pour lui, le renouveau de la littérature de jeunesse est lié à la volonté des maisons d'éditions et à l'essor de la psychanalyse et de la psychologie114. L'histoire de l'image dans la littérature de jeunesse et les rapports texte image sont étudiés dès 1975115. Paul Lidsky remarque que certaines illustrations sont de « véritable[s] œuvre[s]

picturale[s] toute[s] en nuances, aux couleurs savamment agencées, aux détails qui peuvent développer la sensibilité et l'observation de l'enfant116 » mais elles ne font pas références à la peinture. La littérature de jeunesse des années 1970 parle de sujets de société (les étrangers, les villes, d'histoire) mais pas de peinture.

L'école ne suivait pas cette nouvelle tendance : dans un rapport à destination du ministre de l'éducation nationale, Bernard Pingaud et Jean-Claude Barreau remarquent en 1982 que les textes contemporains ne sont pas suffisamment étudiés. L'école

113BUTLEN Max, « La littérature de jeunesse à l'école : trente années d'évolution. Histoire d'une légitimation », L'école des lettres. La littérature des enfants fait école, 2008-2009, n°4, pp. 29-50.

114Ibid., p. 10

115DURAND M. et BERTRAND G., L'image dans les livres pour enfants, Paris, l'école des loisirs, 1975.

Cité par LIDSKY Paul, « Où en est la littérature enfantine ? », Enseigner la littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, 2008, p. 10.

116LIDSKY Paul, « Où en est la littérature enfantine ? », Enseigner la littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, 2008, p. 16

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détourne ainsi les enfants du plaisir de lire et la culture scolaire reste académique117. A la même époque apparaissent les évaluations nationales. Elles signalent de gros problèmes de lecture et de compréhension chez quinze pour cent des enfants quittant l'école primaire. On remarque aussi que des personnes ayant quitte le système scolaire sont illettrées118.

Dès 1984, le gouvernement met en place les BCD dans les écoles primaires. En 1989, l'opération « Des livres pour les écoles » vise à faire entrer la littérature de jeunesse dans les écoles. Les livres sont sélectionnés par des spécialistes. En 1991, le Ministère de l’Éducation nationale présente son grand plan national pour la lecture : il vise à faire découvrir la littérature de jeunesse. Les programmes de 1995 mettent l'accent sur la lecture en tant que nécessité. Ils proposent une liste de référence, mais elle est uniquement à destination du collège. La brochure de 1992 sur « La maîtrise de la langue à l'école » explique aux enseignants que tous les enfants doivent maîtriser la lecture à la fin du CM2 afin de préparer leur rentrée au collège. La littérature de jeunesse a, selon cette brochure, un but utilitaire : il faut « donner une place centrale à la littérature de jeunesse. La fréquentation assidue et partagée de ces textes, convenant à l'âge des enfants, est le gage d'une meilleure compréhension des autres types de lectures auxquels l'école confronte ses élèves. Elle est aussi l'occasion d'installer un rapport confiant entre générations, tant il est vrai que ce patrimoine, constitué pour l'essentiel depuis le XIXe siècle, est devenu intemporel. Elle permet enfin, puisque cette production littéraire continue d'être féconde, de découvrir les questions essentielles de notre temps derrière le plaisir de la lecture119 ». Notons que les publications contemporaines, mieux adaptées aux besoins des élèves, telles que les albums étudiés, ne sont pas mentionnées. Les grand textes, qui peuvent faire partie de la littérature de jeunesse, ne doivent pas être ignorés au sortir de l'école élémentaire. En effet, elle permet aux enfants de comprendre le monde et les autres cultures120. La littérature de jeunesse permet aux enfants de se perfectionner dans la maîtrise de la langue. « La littérature de jeunesse est un réservoir largement sous utilisé de textes de fiction

117PINGAUD Bernard, BARREAU Jean-Claude, Pour une politique nouvelle du livre et de la lecture, Paris, Dalloz, 1982, p. 191.

118BUTLEN Max, « La littérature de jeunesse à l'école : trente années d'évolution. Histoire d'une légitimation », L'école des lettres. La littérature des enfants fait école, n°4, 2008-2009, pp. 35-36.

119Ministère de l'Education nationale, La maîtrise de la langue à l'école (brochure de 1992) [en ligne], Formapex [1992], consulté le 4 mars 2012. Disponible sur le web :

http://www.formapex.com/france/550-les-textes-officiels-depuis-1968?

616d13afc6835dd26137b409becc9f87=4d34101224fa8bcc8a53050fda55c277, p. 32 120Ibid., p. 47

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