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RÉDUCTION DES POPULATIONS INDÉSIRABLES PAR DES PRÉLÈVEMENTS MASSIFS Une autre façon de contrôler les espèces indésirables consiste en la

capture massive d'individus.

Une espèce qui possède des caractéristiques morphologiques lui confé-rant un avantage certain sur une autre espèce, en terme d'utilisation des ressources alimentaires disponibles, devrait supplanter cette dernière. Cette efficacité différentielle se visualise généralement en considérant le niveau de production des espèces en cause. Tremblay (1987) décrit ce type de relation entre l'Omble de fontaine et le Meunier noir. Magnan (1988) indique que la présence du Meunier noir dans un plan d'eau à Omble de fontaine réduit de près de la moitié la production en Omble de fontaine. Une réduction importante de la biomasse de l'espèce indésirable permettrait de diminuer la pression écologique découlant d'une relation interspécifique défavorable à

l'Omble de fontaine.

Selon Hanson et a j . (1983) les prélèvements massifs de Barbotte noire présentent certains avantages par rapport à l'empoisonnement: 1) la méthode est moins coûteuse; 2) on peut assurer un meilleur contrôle sur les tailles et le nombre des espèces enlevées; 3) la mortalité connue des espèces non visées que T o n désire protéger est faible; 4) une pêche intéressante s'avère disponible dans un laps de temps plus court que celui habituellement requis suite à des traitements chimiques; 5) le prélèvement massif peut se faire sans assistance technique et 6) les bénéfices découlant d'une réduction mécanique peuvent être à long terme dans la mesure où celle-ci est appliquée de façon rigoureuse.

Un des moyens les plus rentables en fonction des efforts investis, consiste en la pêche intensive d'adultes à l'aide de cages-trappes ou de filets-trappes. Pour optimiser les rendements de capture, on recom-mande d'effectuer les pêches principalement au cours de la période de reproduction des espèces de poissons indésirables dont on vise à réduire les effectifs (tableau 2 ) .

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Tableau 2. Caractéristiques de fraie de certaines espèces de poissons indésirables de la province de Québec.

Espèce Période t eau Milieu Substrat

Meunier noir 15 avril- 20 juin i 10 C ruisseau et littoral de lac (Catostomus commersoni)

sable, gravier, roche

3 Ouitouche 15 mai- 15 juin (Semotilus corporal is)

^ 12°C eau rapide gravier et roche

1 Mulet à cornes 15 mai- 15 juin ^ 12 C cours d'eau tranquille (Semotilus atromaculatus)

gravier

c Mené à nageoires rouges

(Notropis cornutus)

fin mai- 20 juin 15-18 C eau rapide- littoral de lac gravier, haut-fond graveleux

5 Barbotte brune a

(Ictalurus nebulosus)

juin-juillet t- 21 C zone lenthique, anse, baie, vase, sable, embouchure de ruisseau végétation

6 Perchaude

(Perça flavescens)

15 avril- 15 mai 9-12,2 C haut-fond, tributaire végétation, sable et gravier

a La Barbotte brune est la seule espèce à assurer des so^ns parentaux aux oeufs et aux larves.

1-6 Indice relatif de compétition représentant dans un ordre croissant l'impact sur l'omble de fontaine.

Johnson (1977) a enlevé près de 85 % de la biomasse estimée (34 kg/ha) de meuniers noirs adultes d'un lac du Minnesota (245 ha), à l'aide de pêches effectuées sur une période de 12 jours lors de la période de reproduction. La réduction mécanique s'est poursuivie à chaque prin-temps subséquent, afin d'éliminer le plus d'adultes possible. Bien que le nombre de jeunes meuniers noirs augmentait d'environ 17 fois, l'indice de capture des meuniers adultes demeurait de beaucoup infé-rieur à ce qu'il était au début de la réduction. Également, il y a eu une augmentation de la consommation d'éphémères par la Perchaude, qui sert de proie au Doré, puis le taux de croissance et la taille de la population de Doré ont augmenté. L'augmentation du nombre de juvéniles démontre qu'il est indispensable de pratiquer la réduction mécanique annuellement pour contrôler l'impact du Meunier noir sur les espèces sportives. Si ce n'est pas le cas, la population de Meunier noir augmentera en proportion du nombre de juvéniles présents. Ainsi, l'effet bénéfique escompté sera plutôt néfaste à moyen terme pour les populations de poissons sportifs.

Hanson et a j . (1983) ont réduit mécaniquement une population de Bar-botte noire à l'aide de 5 filets-trappes du 30 mars au 15 avril (eau libre), et de 10 filets du 16 avril au 6 mai et du 10 au 19 mai. Les filets étaient disposés perpendiculairement à la zone littorale et distancés de 209 m. Les filets étaient relevés à tous les 1,8 jour.

Le meilleur taux de capture a été enregistré avant la période de repro-duction à une température de l'eau de 10°C en surface. La productivité en Barbotte noire a été très affectée par ce moyen de contrôle puisque la population a diminué de plus de 80 % de ce qu'elle était, passant de 272 individus/ha en 1977 à 30 et 57 individus/ha en 1979 et 1980 res-pectivement. Le comportement reproducteur de la Barbotte brune est semblable à celui de la Barbotte noire avec qui elle peut s'hybrider (Scott et Crossman 1974). Cette étude montre que par des prélèvements massifs, il est possible de réduire significativement et de maintenir à des niveaux de densité faible les populations de Barbotte brune.

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Rutledge et Barron (1972) ont résumé 76 études traitant de la réduction des populations. Ils notent que le succès obtenu dépend généralement de l'intensité et de la persistance des pêches. La fécondité des espèces de poissons indésirables peut mettre en échec nos efforts s'ils ne sont pas soutenus ou s'ils sont interrompus. Naturellement, les efforts de prélèvement doivent être optimisés durant la période majeure de reproduction et poursuivis dans les années suivantes, sinon les efforts investis se transformeront en une pure perte de temps.

Les retraits massifs ou l'enlèvement d'une partie importante de la biomasse produit un vide biologique dans le plan d'eau. Ce vacuum est habituellement comblé par l'espèce la plus prolifique, souvent celle-là même que T o n cherche justement à éliminer (Dumont 1981). Conséquem-ment au vide créé par la réduction de populations d'espèces de poissons indésirables, on doit effectuer des ensemencements d'Omble de fontaine le plus tôt possible afin, d'une part, d'utiliser la ressource ben-thique qui est abondante de mai à juin et d'autre part, de combler ce vide biologique par l'Omble de fontaine. Cet ensemencement devrait limiter la prolifération et l'action néfaste des espèces indésirables à moyen terme.

Le succès d'une opération de réduction de populations de poissons indé-sirables semble aussi lié en partie à la superficie du plan d'eau.

Par exemple, une réduction effectuée sur les frayères d'un lac de 658 ha de la région de Montréal a permis d'éliminer 225 600 poissons indé-sirables, soit une biomasse de plus de 26 465 kg (J.P. Biais, comm.

pers. 1987). A la suite de cette opération, 10 000 à 20 000 fretins (10-15 cm) d'Omble de fontaine ont été ensemencés.

En 1986, le SAEF de Montréal commençait un projet quinquennal de cap-ture d'espèces de poissons indésirables au lac Cinq Doigts de la réserve Rouge-Matawin. Le Meunier noir et la Oui touche ont été cap-turés et éliminés sur les frayères à l'aide de roténone. Ainsi,

Vuti-lisation de 350 ml de roténone a permis d'éliminer dans un tributaire près de 35 000 meuniers noirs en juin 1987. Le vide créé a été comblé avec des fretins d'Omble de fontaine âgés de 1 an +, de lignée indigène ensemencés à l'automne. En 1987, les rendements (1 000 kg/ha) associés à une augmentation de la pression de pêche étaient plus élevés compara-tivement à ceux observés avant les prélèvements (500-600 kg/ha). Il est à noter que T o n consacre seulement une journée pour empoisonner les tributaires durant le pic de montaison des espèces de poissons indésirables et effectuer l'échantillonnage des captures (J.P. Biais, comm. pers. 1988).

A la suite de la capture de poissons indésirables sur cinq lacs d'une superficie moyenne de 238 hectares, Thomassin (1981) considère les prélèvements massifs sur les plans d'eau de plus de 50 ha comme étant inutiles et innapropriés. Le lac Jumeau (48 ha) de la réserve de Portneuf a fait l'objet d'un contrôle des cyprins de 1977 à 1980. A chaque année, la biomasse moyenne des cyprins était réduite de près de 170 kg. Le rendement en Omble de fontaine est passé de 1,24 kg/ha à 2,58 kg/ha en 1980 (Thomassin 1981).

La majorité des biologistes et techniciens rencontrés considèrent que ce type de contrôle, demandé par les associations de pêcheurs ou les pourvoyeurs, ne donne que de pauvres résultats quoique peu de données soient disponibles à ce sujet. Les résultats mitigés de ce type d'intervention au Québec ne sont pas nécessairement le reflet de la valeur réelle de la réduction mécanique.

De ce qui précède, il appert que les prélèvements massifs d'espèces de poissons indésirables peuvent donner de bons résultats ou permettre de rééquilibrer la situation de l'Omble si les conditions suivantes sont bien remplies:

1) le lac devrait posséder des zones de reproduction pour les espèces indésirables bien définies et propices à l'utilisation des cages;

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2) le lac devrait offrir un potentiel de production intéressant pour l'Omble de fontaine, et la baisse de rendement observé en Omble de fontaine devrait être la conséquence évidente de la présence d'espèces de poissons indésirables et non de facteurs physiques

limitants;

3) des ressources humaines et matérielles suffisantes devraient être prévues annuellement pour poursuivre cette intervention à moyen et à long terme, et pour en faire le suivi et l'évaluation;

4) la réduction de populations d'espèces de poissons indésirables doit être accompagnée d'ensemencements massifs d'Omble de fontaine afin de combler le vide biologique créé par l'enlèvement des espèces de poissons indésirables.

De plus, on doit identifier précisément les zones d'interventions privilégiées que sont les émissaires et les tributaires et limiter le contrôle à la seule période de reproduction des espèces de poissons indésirables dont on vise à diminuer la production. Pour le contrôle de la Barbotte, il serait préférable d'effectuer les captures avant la période de reproduction, car son comportement implique la construction d'un nid surveillé par les géniteurs limitant considérablement ses déplacements à ce moment.

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