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15 3.1.8 Antimycine A

L'antymicine A est un piscicide commercialisé sous le nom de Fintrol (tableau 1 ) . Son utilisation est très importante en aménagement aquatique (Cumming 1975; Davies et Shelton 1982). Ce piscicide est produit par la bactérie Streptomyces sp. Derse et Strong (1963) ont signalé l'extrême toxicité de Vantymicine comme piscicide; une con-centration de 1 jU.g/1, leur a permis d'empoisonner le Carassin. Ces mêmes auteurs ont noté que l'antymicine A devenait inactive dans une période d'un à sept jours en laboratoire. Une série d'expériences réalisées par le U.S. Fish Control Laboratory montre que l'action de l'antymicine diminue en fonction des éléments suivants: eau très alcaline, tempérarure élevée, soleil et activité métabolique des organismes aquatiques (Cunmrcing 1975; Davies et Shelton 1982). Marking et Dawson (1972) concluaient que l'antymicine A avait une activité biologique de cinq à huit jours dans une eau acide, et de quelques heures en présence d'un pH supérieur à 8,5.

La susceptibilité à l'antymicine A varie beaucoup selon les différentes espèces de poissons. Par exemple, une concentration de 1 ^g/1 est suf-fisante pour tuer la Truite arc-en-ciel comparativement à une concen-tration de 200 ^,g/l pour la Barbotte noire. En général, les poissons à écailles sont plus sensibles que les Ictaluridés à la présence de l'antymicine A. Une concentration de 15 jitg/1 élimine complètement tous les Cyprinidés (ex.: Ouitouche), les Catostomidés (ex.: Meunier noir), les Percidés (ex.: Perchaude) et les Centrarchidés (ex.: Crapet-solei1) (Gilderhus et al. 1969).

Leduc et a j . (1973) considèrent que l'antymicine A est inefficace pour empoisonner la Barbotte. De plus, ils signalent que son coût à l'achat est près du double de celui de la roténone. L'antymicine A n'aurait pas d'effet visible sur les amphibiens, les reptiles, les oiseaux aquatiques et les insectes (Gilderhus et aj. 1969). Schnick et a j . (1986) recommandent que les humains et les animaux ne consomnent pas les poissons et l'eau traités au Fintrol. Ils recommandent aussi de ne

Tableau 1. Agents de contrôle chimique de la faune aquatique (tiré de

détermination des populations de lamproie 112,5 kg/ha

piscicide-Millington, New Jersey 0,5- 10 ppm de roténone à 5 X

Chem Fish Special OF

Pro- Noxfish Fish Toxicant, liquide (roténone)

Tableau 1. (suite)

5 % Rotenone-Fish Toxicant Powder (roténone)

pas utiliser V e a u traitée pour l'irrigation des cultures tant que des alevins ne pourront y survivre plus de 48 heures.

Le Fintrol est employé en tant que piscicide non spécifique à une concentration de 1-10 /ig'/l. Il existe plusieurs formulations de Fintrol qui se distinguent selon la profondeur à laquelle il y a libé-ration des particules d'antymicine A. Tout comme pour la roténone, le permanganate de potassium permet de neutraliser l'antymicine A.

L'antymicine est interdite au Québec. Ce produit aurait un potentiel cancérigène (J. Paré, conrn. pers. 1987)1.

3.2 La roténone: un outil d'aménagement

La majorité des piscicides décrits précédemment ne peuvent être em-ployés de nos jours, principalement à cause de leur accumulation bio-logique dans l'environnement ou des risques de cancer qu'ils représen-tent. Les travaux de Sousa et a j . (1987) mentionnent que la roténone n'est pas cancérigène pour les mammifères et les humains. La roténone s'avère être le seul pesticide dont l'utilisation réglementée est permise. Donc, celle-ci constitue la seule solution chimique de lutte aux espèces de poissons indésirables de nos eaux à Cmble de fontaine.

3.2.1 Caractéristiques et choix du produit

La roténone est commercialisée sous diverses étiquettes et préparations (tableau 1 ) . Au Québec, on emploie généralement les marques Noxfish à 2,5 et 5 % de roténone (Biais et al. 1987; Bourgeois 1987; S. Georges, comm.pers. 1987) et le Chem Fish Roténone à 5 % de roténone (Anonyme 1983). En Alberta, on a employé trois types de roténone ayant des caractéristiques intéressantes pour nos milieux, soit le Chem Fish Regular, le Chem fish Special OF et le Chem Fish Synergized. Le Chem

1 Ministère de l'Environnement du Québec.

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Fish Regular est composé d'une emulsion de roténone à 5 %. Il est recommandé dans les plans d'eau de faible superficie où il n'y a pas de thermocline. Ce produit peut aussi être utilisé en vue du contrôle partiel de lacs de grande superficie possédant une thermocline; il est alors efficace en surface et dans la zone littorale. Le Chem Fish Special OF est une formulation à 5 % de roténone conçue spécifiquement pour les plans d'eau profonds et froids. Il se disperse rapidement dans les axes horizontal et vertical. Cette caractéristique permet un empoisonnement complet et rapide du lac. Le manufacturier indique que son produit s'avère efficace pour les applications printanière et automnale. Le Chem Fish Synergized contient 2,5 % de roténone et 2,5 % d'un synergiste. Cette combinaison rend le produit équivalent à Vémulsion à 5 %. On le recomnande comme substitut au Chem Fish Regu-lar à cause de son coût moindre et de son action comparable. Ce pro-duit est recommandé par le fabricant pour empoisonner les lacs et étangs de faible superficie où il n'existe pas de thermocline. Etant donné que la majorité des produits disponibles sur le marché peuvent présenter, à divers degrés, des caractéristiques comparables (tableau 1 ) , le coût à l'achat est souvent déterminant dans le choix du pesticide.

3.2.2 Utilisation du produit

Le Service de la Faune de VAlberta a déterminé qu'une concentration de 1,5 mg/1 de roténone é t a i t sufffisante pour éliminer le Grand Bro-chet (Esox l u c i u s ) , l e Meunier n o i r , l e Mené de lac (Couesius plumbeus) et l'Épinoche à cinq épines (Culea inconstans) (Makowecki et a j . 1978).

Citons le cas du lac Eagle (14 ha) en Alberta, où l'empoisonnement à la roténone é t a i t devenu nécessaire. En e f f e t , ce lac avait été ensemencé 13 f o i s avec de la Truite arc-en-ciel entre 1953 et 1974 avec une moyenne de 22 000 alevins par ensemencement (1570/ha), et la qualité de la pêche sportive ne cessait de se détériorer à cause de la présence du Meunier noir. Suite à l'empoisonnement réalisé en 1975, on

a dénombré 9200 meuniers noirs, 300 menés de lac, 200 épinoches et 15 truites arc-en-ciel (Makowecki et Kraft 1978).

Le Southeastern Fish Control Laboratory du U.S Fish & Wildlife Service a utilisé le Pro-Noxfish à 2,5 % pour étudier l'effet de la roténone avec synergiste sur la faune invertébrée (Burress 1982).

Pour éliminer la Barbotte brune dans un tronçon de la rivière Ouiat-chouane, le Service de l'aménagement et de l'exploitation de la faune (SAEF) du Saguenay/Lac St-Jean a employé une concentration de 5 mg/1 de Noxfish à 5 % (feau: 18°C). L'empoisonnement a été total (Bourgeois 1987). Le SAEF de l'Estrie a éliminé la Perchaude de l'étang Baldwin avec le Chem Fish Roténone 5 % à une concentration de 0,5 mg/1. Dans la réserve faunique Rouge-Matawin, on a utilisé une concentration de 3 mg/1 de NoxFish (55&) pour éliminer la Ouitouche et le Meunier noir dans trois plans d'eau (Biais et al. 1987).

La superficie des lacs habituellement traités varie de trois à 20 hec-tares. Au-delà de cette superficie, les coûts d'empoisonnement et d'achat du piscicide deviennent trop importants.

L'utilisation de roténone liquide est recommandée parce qu'elle pose moins de problème de dissolution que la roténone en poudre. La faible solubilité de la roténone en poudre serait en partie responsable de plusieurs échecs constatés suite à des réhabilitations (M. Lemieux, comm.pers. 1987).

Chacune des régions du Québec a développé sa propre expertise en matière d'empoisonnement à la roténone. Nous présentons ici les étapes à suivre lors de la réalisation d'une opération d'empoisonnement.

L'intervention sera envisagée, d'une part, si le lac offre un potentiel intéressant en rendement d'Omble de fontaine et si d'autre part, il n'y a pas de facteur limitant autre que la présence d'espèces de poissons

indésirables.

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La décision étant prise, et avant de procéder à l'empoisonnement, Vaménagiste doit obtenir du ministère de l'Environnement du Québec le

"certificat d'autorisation pour l'utilisation de pesticides dans un milieu aquatique", conformément à la directive n°17 de ce Ministère en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement

(L.R.Q., c. Q-2).

Au départ, pour s'assurer que les plans d'eau que T o n désire restaurer ne soient pas réinfestés par l'amont, ils doivent être situés à la tête des eaux du réseau hydrographique ou à la limite amont de l'aire de distribution de l'espèce à éliminer. Avant de procéder à l'empoisonne-ment, on doit bien connaître la distribution des espèces présentes dans le secteur visé. L'empoisonnement du plan d'eau est généralement précédé d'une diagnose écologique du plan d'eau, comportant un inven-taire de 1 'ichtyofaune et la détermination des conditions physico-chimiques. La carte bathymétrique permettra de quantifier le volume d'eau et ainsi déterminer la quantité de piscicide nécessaire à l'empoisonnement de toutes les espèces de poissons visées. Des exemples de calcul sont donnés à l'annexe 1. Certains vont effectuer à l'hiver la mesure du pH et de l'oxygène dissous afin de déterminer les risques de "winterkill".

D'après Biais (comm. pers. 1988), l'abaissement du niveau du lac est obligatoire avant d'envisager son empoisonnement. Il existe trois façons d'abaisser le niveau d'eau, soit:

1) enlever les chaussées de castor à l'émissaire;

2) creuser un canal;

3) pomper l'eau.

Cet abaissement permet:

1) de réduire la quantité de piscicide nécessaire, d'où une réduc-tion des coûts;

2) de confiner le piscicide à une superficie réduite (cuvette);

3) d'éviter l'empoisonnement des eaux à l'aval par l'obstruction de l'émissaire lors de la journée où T o n procède à l'empoi-sonnement;

4) d'identifier tous les affluents du lac;

5) d'exonder les herbiers et la zone littorale;

6) de faciliter la construction d'un barrage de retenue des eaux et d'un seuil;

7) d'aménager des frayères;

8) à l'occasion, de nettoyer les rives ou le fond du lac (déchets domestiques);

9) de faciliter les opérations d'empoisonnement.

L'empoisonnement oblige la construction et à la mise en place de struc-tures physiques (seuils) qui empêchent les espèces de poissons indési-rables de ré infester le plan d'eau. La section 4 de ce rapport pré-sente quelques-unes de ces structures.

Après avoir abaissé le niveau du lac et juste avant de commencer son empoisonnement, on referme son exutoire pour empêcher les pertes du produit vers l'aval et permettre au plan d'eau de reprendre son niveau normal. L'empoisonnement comme tel s'effectue simultanément dans les tributaires et dans le lac lui-même.

A l'aide d'un réservoir à eau avec gicleur contenant le piscicide à la concentration adéquate, on arrose les mares d'eau isolées ainsi que les tributaires sur toute leur longueur.

L'empoisonnement du lac nécessite un équipement plus élaboré: générale-ment, on relie deux chaloupes de 4 m ensemble à l'aide de panneaux de contre-plaqué, qui vont servir de plate-forme de travail. On retrouve habituellement sur cette plate-forme une ou deux pompes à eau fonc-tionnant à l'essence, un baril (200 1) vide équipé d'un tuyau perforé (diffuseur) ou d'un boyau ayant une fonction similaire à une lance d'incendie et un baril contenant le piscicide liquide.

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A l'aide d'un diffuseur lesté, on procède à l'épandage de la solution sous la thermocline, si elle est présente, puis on complète par l'arrosage des surfaces où, compte tenu de 1'isothermie, le mélange sera complet. Certains vont même arroser la zone riveraine du lac.

L'épandage doit s'effectuer en premier lieu dans les tributaires. Puis on empoisonne la zone littorale en se dirigeant vers le centre du lac, ainsi on empêchera les poissons de trouver refuge dans la zone litto-rale et les tributaires.

En Alberta, afin d'empoisonner les tributaires importants, on place à la tête du tributaire un baril d'épandage à débit contrôlé ("drip barrel", conçu par S.B. Pennick & Co., Jersey City, N.J., U.S.A.) con-tenant la roténone. L'épandage dans les ruisseaux secondaires est réalisé comme au Québec, à l'aide de pompes manuelles.

On doit absolument éviter l'ensemencement d'alevins au cours des deux premiers mois qui suivent l'empoisonnement car la ressource alimentaire disponible aux alevins a été fortement affectée par la roténone (J.P.

Biais, comm. pers. 1988). Celui-ci recommande d'empoisonner le lac au début de septembre. Le déversement d'alevins (stade recommandé) sera effectué obligatoirement en juin de l'année suivante, après avoir rétabli les niveaux trophiques de la chaîne alimentaire.

Pour accélérer le rétablissement des populations zooplanctoniques détruites par l'empoisonnement, populations qui servent de nourriture de base aux jeunes ombles de fontaine, certains vont ensemencer du zooplancton dans le lac traité, un à deux mois avant l'ensemencement d'Omble de fontaine (Biais et al. 1987). Un échantillonnage simple et rapide de zooplancton peut être réalisé à l'aide d'un filet de type

"Bungo" modifié. Sur un cadre rigide (0,5 m hauteur, 1,0 m largeur, 1,5 m longueur), on fixe ce filet artisanal à zooplancton constitué d'un tissu quelconque (ex.: jute). Cet engin de capture est par la suite arrimé perpendiculairement à une chaloupe, et un simple transect de 250 m au centre du lac effectué en fin d'après-midi peut donner

plusieurs litres de Holopedium gibberum. Si, de plus, on effectue des traits verticaux à l'aide d'un filet Wisconsin classique, on obtiendra une biomasse et une diversité spécifique des plus souhaitable.

Il est recommandé d'ensemencer un taux de 1 500 alevins d'Omble de fontaine par hectare dans un plan d'eau où il n'y a pas ou pratiquement pas de compétition interspécifique (Archambault et ai. 1988).

Des ensemencements réalisés dans le passé laissent supposer qu'une importante quantité d'alevins favorise l'établissement d'une bonne population. A titre d'exemple, en juin 1985, on a introduit 62 000 alevins d'Omble de fontaine de lignée hybride intraspécifique dans le lac Trap (Biais et al. 1985). A l'automne 1986, il y a eu reproduction naturelle (1 an +) puisque le 30 mai 1987, Biais (comm. pers. 1988) a observé dans la zone littorale une cinquantaine d'alevins sur une distance de 4 mètres.

L'empoisonnement total d'un plan d'eau s'avère une méthode très effi-cace pour éliminer les espèces de poissons indésirables dans les plans d'eau à Omble de fontaine et restaurer la biocénose originale. Il permet donc d'améliorer la productivité des plans d'eau en Omble de fontaine, ce qui se traduit par une pêche de meilleure qualité.

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4. OBSTACLES AU DS'LACBCNT: SEUILS, BARRIERES ET DIGUES

Des obstacles doivent être construits ou aménagés, soit pour protéger un territoire à Omble contre une invasion possible soit, dans le cas qui nous préoccupe, pour empêcher la réinfestation d'un plan d'eau que nous avons restauré ou empoisonné. S'il y a absence de seuil naturel (chute) pour empêcher que le plan d'eau restauré ne soit réinfesté par l'aval, il faudra aménager sur son émissaire un obstacle infranchis-sable (figure 3 ) . On peut créer cet obstacle en construisant un seuil, un barrage, ou en accentuant les dénivelés déjà existants (creusage ou dynamitage de chutes, cascades ou rapides déjà existants). Paquet (1983) présente différents types de seuils utilisés en aménagement des cours d'eau. Lavoie (1986) et Dumas (1986) discutent des objectifs que

l'on doit viser lors de la mise en place d'un seuil.

Sur les cours d'eau dont la dénivellation rencontrée est inférieure à 1 m, Prévost (comm. pers. 1987) recommande l'utilisation d'une grille horizontale (figure 3 ) . On émet actuellement des doutes sur l'effi-cacité de ce type d'installation. Il semble que le grillage puisse se colmater lors de la chute des feuilles, transformant celui-ci en une sorte de tremplin vers l'amont. De plus, Biais (comm. pers. 1987) aurait observé des menés qui tentaient de franchir ce type de seuil.

En période de fortes crues, la possibilité d'une réinfestation du secteur amont devient plus forte. Biais (comm. pers. 1988) recommande de ne pas effectuer l'empoisonnement du plan d'eau si l'on a des doutes concernant l'efficacité du seuil.

Pour éviter ce genre de difficultés, on cherche souvent à restaurer des plans d'eau dont l'émissaire présente déjà une bonne pente ou de bonnes possibilités d'aménagement. Pour créer la dénivellation désirée sur ces cours d'eau, on construit le plus souvent un seuil (Biais et al. 1985, 1987). Ces seuils sont formés généralement de roches, de bois, de pruche traitée ou d'arbres situés à proximité du site. La pruche aurait une meilleure résistance que le bois non traité (J.

Boivin, comm. pers. 1987).

Figure 3. Grille horizontale et seuil conçus pour les petits tributaires à faible pente (tiré de Biais et aj. 1987).

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Bien que la capacité de nage ou la capacité de saut puisse varier d'une

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