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Chapitre 2 – La récupération de l’énergie mécanique sur la personne

2 Les récupérateurs d’énergie existants

Il n’existe pas pour le moment de concept de récupérateur inductif « textile », à proprement parler.

Par essence, les systèmes électromagnétiques sont composés de pièces rigides et volumiques, et ne sont pas facilement adaptables à des contraintes de flexibilité mécanique ou de planéité. Les solutions existantes prennent donc majoritairement la forme de modules portés par l’utilisateur pour exploiter l’énergie mécanique de son mouvement. C’est d’ailleurs une ambiguïté du mot anglais « wearable », très utilisé dans la littérature de la thématique, et qui s’applique tant aux systèmes réellement intégrés à des vêtements qu’à ceux de dimensions suffisamment réduites pour être simplement portés par la personne.

2.1 Récupérateurs électromagnétiques inertiels

Les générateurs inertiels sont sans doute le type de récupérateur d’énergie le plus répandu dans la littérature. Les solutions inductives sont largement étudiées pour convertir les vibrations mécaniques, à des échelles différentes, des structures MEMS adaptées aux vibrations supérieures à 50Hz [48,49] jusqu’à des systèmes macroscopiques permettant de cibler le spectre basse-fréquence 0 – 20Hz typique des stimulations humaines. Dans cette section, nous présentons surtout des systèmes conçus pour la personne. En effet, la littérature des systèmes basse-fréquence est par ailleurs très fournie mais pas nécessairement pertinente pour l’application humaine, comme cela sera évoqué au chapitre 3.

Parmi les dispositifs inertiels pour la personne, les plus étudiés sont les systèmes unidirectionnels résonants, composés d’une masse mobile se déplaçant dans un guide rectiligne (FIGURE 2-3), et d’un ou plusieurs organes de rappel : ressorts mécaniques [50,51], ou aimants répulsifs [52–59]. Un grand avantage de ces systèmes est la possibilité de les modéliser plus ou moins simplement, ce qui permet leur optimisation. Pour des volumes de générateur de quelques cm3, ils produisent assez facilement des puissances électriques variant de 100µW à 10mW à partir d’excitations humaines. Le dimensionnement de ces solutions est déterminé par les contraintes d’ergonomie de l’utilisation ciblée : intégré dans un objet, par exemple un sac à dos (FIGURE 2-3a) fixé à un vêtement ou à une chaussure (FIGURE 2-3c). Lorsque cela est nécessaire, il est possible de limiter l’épaisseur des dispositifs, en utilisant des bobines planes et/ou flexibles [52,55].

Les structures résonantes présentent généralement une fréquence propre bien déterminée, ce qui peut être problématique avec une source mécanique comme la stimulation humaine, assez variable en fréquence. Il existe plusieurs approches pour étendre le domaine de réponse fréquentiel.

Une première possibilité consiste à utiliser plusieurs « organes de résonance ». Ainsi, les travaux présentés dans [60] proposent un récupérateur résonant bistable, formé de deux aimants répulsifs aux extrémités, et d’un troisième « ressort » magnétique monté sur un ressort mécanique placé au milieu de la course du mobile. Ce dernier ressort permet d’ajouter deux fréquences propres au système (25 et 35Hz), plus élevées que sa fréquence fondamentale (19Hz), ce qui aboutit à une bonne réponse fréquentielle sur un intervalle important. Une autre option est mise en place par Halim et al. [51] : plutôt que d’adapter la fréquence propre du transducteur à celle de la stimulation, ils utilisent une masse libre venant impacter un système masse-ressort, qui vibre alors à sa fréquence naturelle (FIGURE 2-3b). La basse fréquence de la sollicitation d’entrée est ainsi convertie en une plus haute fréquence vibratoire dans le système.

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(a) (b)

(c) (d)

FIGURE 2-3– Exemples de récupérateurs électromagnétiques inertiels résonants pour la personne.

(a) Générateur à aimants répulsifs, porté dans un sac à dos. (b) Concepts de récupérateur à aimants et bobines « plans », limitant l’épaisseur du dispositif à 1cm [55]. (c) Récupérateurs inductifs inertiels pour la chaussure [57,61] (d) Système à conversion de fréquence de vibration (« up-frequency conversion ») [51].

Des structures inertielles en rotation ont également été proposées. Par exemple, Romero et al. [62] suggèrent un dispositif réduit sous la forme d’un disque magnétique multipolaire, superposé à plusieurs couches de bobines (FIGURE 2-4a). D’un volume global de 2 cm3, cette structure produit jusqu’à environ 500µW lorsqu’elle est placée sur la cheville. Egalement testé sur d’autres positions sur le corps, il est montré que ce type de récupérateur est surtout adapté pour des excitations en rotation et non pour des chocs « verticaux ». Ce concept a d’ailleurs été utilisé dans l’industrie dès les années 1990, avec l’exemple de la gamme de montres autonomes « Kinetic » de Seiko.

Les dispositifs inertiels présentés jusque-là exploitent une direction privilégiée de stimulation, l’axe de la translation ou de rotation de la partie mobile, ce qui limite la quantité d’énergie mécanique convertible par rapport à la richesse du mouvement humain. Dans [63] une structure plus « isotrope » et tridimensionnelle est proposée, constituée simplement d’une bille magnétique mobile dans une cavité sphérique (FIGURE 2-4b). Placé dans la poche, le prototype (3 cm3) produit une densité de puissance entre 100 et 500 µW/cm3. La forme 3D de ce type de dispositif n’est toutefois peut-être pas très adaptée à une éventuelle intégration textile.

Aimant répulsif Aimants mobiles

Bobine Aimant répulsif

Ressort Aimant Bobine Bille mobile non magnétique

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(a) (b)

FIGURE 2-4 Systèmes inertiels 2D/3D (a) Récupérateur rotatif plan [62]. Un disque magnétique multipolaire est entraîné en rotation par une masse excentrée, au-dessus de bobines planes empilées.

(b) Récupérateur sphérique contenant une bille magnétique libre [63]

2.2 Récupérateurs électromagnétiques « directs »

L’exploitation de la contrainte sous les talons dans les chaussures a été étudiée par de nombreux auteurs. L’intérêt principal, par rapport à d’autres systèmes actionnés, est que la personne n’a pas à fournir d’énergie « supplémentaire ». Nous pouvons citer par exemple les travaux de [57,64], ou encore la technologie de la start-up SolePower [65] qui transforme la compression verticale en rotation (FIGURE 2-5a). Ces récupérateurs produisent des puissances comprises entre 1 mW et 100 mW. Cependant, le confort de ces solutions volumiques et rigides reste questionnable.

Concernant la récupération d’énergie dans les vêtements, il est possible d’exploiter la tension périodique des fibres consécutive aux mouvements de l’utilisateur. Par exemple, une équipe s’est intéressée à la possibilité d’exploiter la respiration de la personne [66,67]. Cette approche est très intéressante, puisque la stimulation est permanente, bien que de faible intensité : la puissance mécanique qu’il est possible de convertir est estimée dans ces études à 30mW. Le générateur proposé est composé d’une « ceinture » placée autour de la poitrine, liée à un système alternateur qui est actionné à chaque inspiration de la personne (FIGURE 2-5b), et produit jusqu’à 100µW lors de la marche rapide.

Une tension mécanique périodique peut aussi être exploitée au travers de structures vibrantes. Dans [68], Roundy et Takahashi présentent une structure résonante plane (3x3x0.3 cm3), dont la partie mobile est déplacée latéralement hors de sa position d’équilibre par un léger effort extérieur (12N), puis relâchée soudainement, entraînant la vibration libre à 260Hz. L’énergie produite sur un tel cycle est de 1.1 mJ sur 40 ms. Bien que cette étude ne s’inscrive pas dans la problématique du « wearable », le principe du récupérateur « armé » par tension mécanique puis laissé libre de mouvement (vibration, rotation...), est une approche qui peut être pertinente dans le contexte textile pour exploiter des stimulations mécaniques lentes et amples. La difficulté résiderait dans la façon de « collecter » la tension mécanique dans le textile pour l’apporter au transducteur de façon confortable pour l’utilisateur.

Une catégorie marginale de récupérateurs d’énergie sur la personne est celle des systèmes de type « exosquelette ». Un exemple emblématique a été développé par Li et al. [69] : un système d’alternateur porté au niveau du genou permet de générer quelques watts lors de la marche (FIGURE

2-5c). Ce système est remarquable par la possibilité de n’activer la conversion électromécanique que lors des phases de « freinage », c’est-à-dire lorsque l’articulation n’est pas motrice dans le

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mouvement. Cela permet de réduire sensiblement l’énergie mécanique supplémentaire demandée à l’utilisateur pour faire fonctionner le système.

(a) (b)

(c) (d)

FIGURE 2-5 Récupérateurs à induction électromagnétique « directs » (a) Technologie de récupérateur rotatif dans la semelle développée par l’entreprise SolePower [65] (b) Concept de ceinture et alternateur pour exploiter la respiration [67] (c) Générateur « exosquelette » monté sur le genou [69] (d) Induction électromagnétique sur le mouvement des bras le long du corps, lors de la marche. Implantation dans une veste, avec les trois bobines planes sur le flanc et l’aimant en bout de manche [70]

On peut enfin mentionner une étude menée à l’Université de Riga cherchant à exploiter le mouvement relatif des membres et du tronc lors de certaines activités [70,71]. Un aimant et des bobines planes sont simplement fixés en vis-à-vis sur une veste, au niveau du poignet et la hanche (FIGURE 2-5d). Comparé aux autres récupérateurs inductifs, ce concept a l’avantage d’avoir un aspect relativement surfacique et met l’accent sur l’intégration au vêtement. Toutefois, la production d’énergie est extrêmement dépendante de la morphologie de la personne et du type de mouvement. La meilleure performance obtenue est de 0.5 mW dans le cas très favorable de la marche avec les bras le long du corps. L’impossibilité d’isoler magnétiquement l’aimant est également problématique, car alors celui-ci peut interagir avec l’environnement de la personne, avec des effets désagréables faciles à imaginer.