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Chapitre 1 – Introduction à l’objet de l’étude, l’autonomie des vêtements connectés

1 Modules photovoltaïques

La Terre est soumise en permanence à l’irradiation solaire, avec une puissance électromagnétique au niveau du sol qui varie de 0 à plus de 1000 W/m². A titre d’exemple, à la latitude de Lyon, la puissance maximale reçue au cours de la journée est comprise en moyenne entre 300 et 900 W/m² de décembre à juin (valeurs moyennes mesurées sur des intervalles de 10 jours en 1978, voir [23]).

Cette énergie électromagnétique, très abondante, est directement convertible en énergie électrique par le biais de l’effet photovoltaïque.

1.1 Principe de la conversion photovoltaïque

Le phénomène photovoltaïque correspond à l’absorption de l’énergie électromagnétique lumineuse (dont la particule élémentaire est le photon) par un matériau semi-conducteur (par exemple le silicium). L’énergie des photons incidents est transmise aux électrons de la bande de valence (état lié des électrons) du semi-conducteur, qui sont excités vers la bande de conduction (état mobile), et induisant de ce fait des courants électriques dans le matériau. Ces électrons de conduction finissent cependant par se recombiner avec les « trous » (états laissés vacants) des bandes de valence, souvent par réémission d’un rayonnement électromagnétique. Aussi, pour exploiter l’énergie électrique de ces électrons de conduction, il est nécessaire de recourir à des architectures particulières, les cellules photovoltaïques. Dans leur forme la plus simple, celles-ci sont composées de deux couches semi-conductrices superposées :

- l’une dite « dopée de type n », par l’introduction dans le réseau cristallin du semi-conducteur d’atomes avec un électron de valence supplémentaire par rapport aux atomes du réseau (par exemple le phosphore dans le cas d’une cellule en silicium). Cet électron excessif ne pouvant servir aux liaisons covalentes du réseau, il est mobile et peut diffuser dans le matériau.

- l’autre « dopée de type p », pour laquelle les atomes (impuretés) ajoutés au réseau présentent un électron de valence en moins, et permettant d’obtenir des charges mobiles positives (trous) dans le matériau.

A l’interface de ces deux couches, la recombinaison des charges mobiles en excès de signes opposés entraîne l’apparition, du côté « n » de l’interface, d’une zone chargée positivement (du fait de la disparition des électrons mobiles), et réciproquement d’une zone électriquement négative du côté

« p ». Cette configuration dipolaire, appelée jonction P-N, aboutit à l’apparition d’un champ électrique. Celui-ci permet de séparer les charges électriques mobiles produites au voisinage de la jonction par photo-absorption, empêchant les recombinaisons électrons-trous locales, et forçant les charges mobiles à passer par un circuit extérieur (FIGURE 1-5a). Le produit de ce courant électrique et de la tension dans la jonction correspond à la puissance électrique récupérée.

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(a) (b)

FIGURE 1-5(a) Principe d'une cellule photoélectrique (b) Spectre solaire, et spectre d’absorption d’une couche de Si [24]

On définit le rendement d’un système photovoltaïque comme le rapport de la puissance électrique récupérée et de la puissance lumineuse (électromagnétique) reçue :

γ =Pélec

Plum (1-3)

Par exemple, ce rendement est autour de 20% pour les cellules photovoltaïques en silicium cristallin (panneaux rigides industrialisés), et 10% pour les cellules en silicium amorphe flexible [25]. La conversion photoélectrique bénéficie d’une importante dynamique de recherche, du fait notamment du fort intérêt socio-économique des collectivités pour cette énergie verte, et beaucoup de mesures incitatives sont mises en place pour en favoriser le développement. On observe donc une amélioration régulière des performances de la conversion photovoltaïque, ainsi que la diversification de ses applications.

1.2 Implémentations dans les vêtements

L’implémentation industrielle de la conversion photovoltaïque la plus commune est celle des panneaux photovoltaïques. Ces modules sont rigides, avec une épaisseur structurelle importante, et ne correspondent pas a priori aux contraintes de confort textiles, même si des modules de taille suffisamment réduite peuvent être fixés à un vêtement sans constituer une entrave trop gênante [26].

Pour répondre davantage au contexte textile, de nouvelles solutions flexibles sont développées. Plusieurs projets collaboratifs ont vu le jour sur cette problématique depuis les années 2000. Citons par exemple SolarTex en Allemagne [27], qui a abouti à des modules flexibles intégrables dans des vestes, conditionnés de façon à permettre le lavage en machine (FIGURE 1-6a).

Ces modules présentent des rendements de 10 à 20%, ce qui équivaut à une densité de puissance de l’ordre de 10 à 20 mW/cm² pour une irradiance (solaire) reçue de 1000 W/m².

Ce type de solution flexible est un premier pas vers l’intégration textile, cependant il ne répond pas à certaines contraintes de confort, comme la respirabilité du vêtement qui est un critère particulièrement important pour les applications portées près du corps (tenues sportives etc.). C’est pourquoi des recherches ont été menées sur des structures davantage orientées textile, en particulier des cellules solaires sous forme de fibres [28–33]. Celles-ci suivent le principe des cellules de Grätzel, par l’association de deux électrodes (métal ou carbone) entre lesquelles sont placées des

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structures semi-conductrices (généralement des nanofils/nanoparticules de TiO2) couvertes de pigments photoactifs. Par exemple, il est proposé dans [28,29] des structures photovoltaïques réalisées sur un substrat « textile » de titane, avec un rendement de conversion autour de 1-4 %, mais une stabilité mécanique à améliorer sur des sollicitations typiques du vêtement comme la flexion. (FIGURE 1-6b et c). Pour aller plus loin en matière d’intégration, des travaux à l’échelle de la fibre sont également menés à l’université de Beijin [30,31]. L’architecture gaine-cœur proposée est illustrée FIGURE 1-6d : les fibres ont un diamètre submillimétrique et peuvent être associées à des modules de concentration solaire photoluminescents pour améliorer les performances (rendement supérieur à 3%), tout en aboutissant à des structures assez esthétiques (FIGURE 1-6e).

Il est notable que les rendements de conversion photovoltaïque des structures « orientées textiles » sont très inférieurs à ceux des cellules plus classiques, y compris celles en Si amorphe flexible.

(a) (b) (c)

(d) (e)

FIGURE 1-6(a) La veste produisant jusqu’à 2.5W à partir de cellules PV flexibles [27] (b et c) Structures PV sur substrat en fibres Ti tissées, avec un rendement 1% [28] [29] (d) Structure d’une

fibre PV [30] (e) Modules de concentration solaire guide d’onde (en rouge) associé à une fibre PV (dans le cadre support), pour un rendement de 3% [31]

1.3 Conclusion sur l’approche photovoltaïque

La dépendance aux conditions d’éclairement lors de l’utilisation de ces systèmes est un inconvénient de l’option photovoltaïque. En dépit des progrès sur le rendement de conversion, les performances sont limitées par la météo, en utilisation extérieure ; quant à l’utilisation en intérieur, celle-ci est compromise d’une part par la faible intensité lumineuse pouvant être de 10 à 100 fois plus faible qu’à l’extérieur, et d’autre part, par la densité spectrale qui n’est pas toujours optimale relativement à la gamme d’absorption des semi-conducteurs utilisés. Toutefois, l’abondance de la source solaire et l’amélioration continue des rendements de conversion contribuent à l’attrait du photovoltaïque parmi les systèmes de récupération d’énergie ambiante. Pour ce qui est de l’implémentation « textile » en particulier, les verrous principaux sont les rendements de conversion encore limités (inférieurs à 7-8%), et les coûts des dispositifs. Ces aspects devront être améliorés

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avant d’envisager l’industrialisation de ces concepts. Par ailleurs, il est utile de souligner que quelques dizaines de cm² de films photovoltaïques flexibles en Si amorphe peuvent suffire dans de bonnes conditions d’illumination pour produire les 20mW estimés nécessaires à l’alimentation du vêtement connecté.