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3 CONSOLIDATION D’UNE PENSÉE ÉCOLOGIQUE PONTIFICALE : LE PAPE

3.4 Réception de l’encyclique

3.4.1 Réception positive

Avant que le texte officiel de l’encyclique ne soit présenté au public, l’appréhension du Journal Radio France International, la RFI, allait dans le sens de l’accueil positif de Laudato Si’.426 Les

arguments présentés par le journal sont les suivants : nombreuses sont des personnes qui attendaient depuis longtemps la publication d’une encyclique, ce texte le plus solennel de l’Église sur l’environnement et l’écologie. Parmi eux, il y en a qui, par anticipation, voyaient l’encyclique

423 Laudato Si’, n. 1.

424 Cardinal John Ribat, “Nexus Media with Cardinal John Ribat and Karenna Gore”, [en ligne], créé le 23 juin 2018, URL:https://ecologyandchurhes.wordpress.com

425Selon le cardinal Peter Turkson, « de nombreuses Conférences épiscopales de tous les continents ainsi que plusieurs personnes ‘sans nom’ ont contribué à ce travail. cf. Cardinal Peter TURKSON Peter, « Présentation de Laudato Si’ au Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies le 7 juillet 2015.

426 Dans ce paragraphe, nous allons présenter un résumé de l’article suivant : RFI, «’Laudato si’’, l’encyclique écolo révolutionnaire du pape François », [en ligne], créé le 17/06/2015, modifié le 18/06/2015 à 06 :12, consulté le

24/03/2018, URL :http://m.rfi.fr/europe/20150617-pape-francois-laudato-si-encyclique-environnement-climat-

comme une révolution au sein de l’Église. D’où, par exemple, le titre du Journal de la RFI tout juste avant sa présentation officielle par le Cardinal Peter Appiah Turkson et son équipe : « ‘Laudato Si’’, l’encyclique écolo révolutionnaire du pape François ».

Ceux qui avaient été en contact avec le texte, sa version non encore officielle, Patrice Plunkett, par exemple, la qualifiaient de « trop politique » puisque, à travers elle, François tient à montrer que l’Église a un mot à dire dans le domaine social, politique et environnemental. Il veut rappeler à tous quelle est la place de l’homme vis-à-vis de l’environnement. Selon Plunkett, le journaliste, auteur, analyste et spécialiste du Vatican, Laudato Si’ vient couronner les efforts déployés par ses prédécesseurs dans l’élaboration du discours écologique du magistère pontifical. Couronnement, oui, mais aussi, une nouvelle orientation, vu que la portée de cette encyclique dépasse la simple question environnementale.

Pour s’en convaincre, il suffit de considérer la composition de l’équipe responsable de la présentation du texte officiel : le Cardinal Peter Turkson, alors président du Conseil pontifical Justice et Paix, qui a collaboré à la rédaction du texte, un climatologue allemand, une économiste américaine et un théologien orthodoxe. Finalement, Patrice Plunklett projette que l’impact de l’encyclique sera très fort, vu qu’elle s’adresse à 1,2 milliard de chrétiens dans le monde. Si donc ils se mobilisaient tous, s’ils insistaient auprès de leurs gouvernements pour créer des lois en faveur de la protection de l’environnement. De son côté, Laura Morisini, juriste de l’environnement et initiatrice du « Plan Climat » de Paris se félicite de la publication enfin d’une encyclique attendue depuis à peu près vingt ans.427

De son côté, Austen Ivereigh estime que la publication de Laudato Si’ pourrait être considérée comme le plus grand héritage du pape François. En effet, dit-il,

his bold, excoriating, 40000 – word June 2015 encyclical letter on the environment, Laudato Si’ – On the Church of Our Common Home – may be Francis’s greatest legacy. In linking the damage to the planet and the plight of the poor, in calling on the wealthy to drastically alter their lives to avoid impending disaster, he made climate change a primary moral issue. It was a very bergogliano mix of the spiritual and the political, wading fearlessly into the science, critiquing a model of economic growth, underpinned by frenetic consumption and challenging environmentalists to care about abortion as well as deforestation. Rich in quotes from Guardini and Sufi poets, bracing in its call for an “integral ecology” capable of restoring man’s lost connectedness with God and the earth, the document’s radicalness, poetic beauty,

and theological depth took the Church and the world by surprise. Laudato Si’ was a landmark in Catholic social teaching, arguably the greatest since Leo XIII’s Rerum Novarum in 1891.428

Donc, la publication de cette encyclique est la réalisation de la promesse que le pape François, encore le Cardinal Bergoglio, a faite au Cardinal Ortega, archevêque de La Havane quelques heures avant l’élection de François. Ortega lui aurait demandé qu’une fois pape, de se souvenir toujours de l’Amérique latine.429

Or, l’un des problèmes majeurs de l’Amérique latine est la destruction de la faune et de la flore de cette partie du monde qui comptait encore les forêts et les réserves naturelles sans oublier des espèces animales et végétales que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs dans le monde. Mais en publiant Laudato Si’, non seulement François veut sauver cette partie du monde qui lui a donné naissance, mais veut, par-dessus tout, sensibiliser le monde entier à ce qu’il encourt s’il ne prend pas des mesures adéquates pour protéger la Terre contre ses prédateurs humains. Donc, il s’adresse au monde entier.

C’est pourquoi, sans tarder, dès la publication de l’encyclique sur le climat, Laudato Si’, les évêques, dont la quasi-totalité avait été consultée dans l’élaboration de l’encyclique, ont salué ce texte et incité les croyants à le lire. Ainsi,430 pour Mgr Benoît Rivière, l’évêque

d’Autun, il n’est ‘ni un plaidoyer écologique ni un énoncé technique de propositions politiques ni un écrit romantique sur une nature perdue, mais propose ‘un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète, et dont les responsables des États vont débattre en France à la fin de cette année. L’Archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, a lui aussi assuré, sur le réseau des Radios chrétiennes francophones (RCF) que le texte est en plein cœur du débat’. Reprenant l’expression du pape François, il a affirmé que la Terre, c’est notre maison commune. On est tous dans cette maison, un peu comme si on

428IVEREIGH. Ibid. p. 391. 429 Ibid. p. 368.

430Nous nous permettons de reprendre intégralement l’article de Samuel Bleynie (avec AFP), « Le texte que le pape a destiné à tous, croyants ou non, a été commenté bien au-delà du cercle de l’Église catholique » mis en ligne le 18 juin 2015 à 17h12.

disait qu’on est tous dans la même galère, sauf que cette maison, on doit tous en prendre soin.

D’autres, en revanche, ont souligné le lien entre l’encyclique et l’histoire. C’est à la fois une parole neuve. […] et une parole enracinée dans notre tradition biblique et chrétienne, a estimé l’Archevêque de Lille, Mgr Laurent Ulrich sur le site Internet de son diocèse. « L’Église ne découvre pas la question aujourd’hui : son message peut trouver là une nouvelle occasion d’être entendue ». Quant à Mgr Dominique Lebrun, l’évêque de Saint- Étienne, tire les conséquences du document sur le site Internet de son diocèse : » Il faut repenser la relation à la nature, à soi, aux autres et à Dieu. Ces relations ne sont pas en concurrence, mais s’ouvrent les unes aux autres. Le pape fait appel à la générosité, à l’effort, à l’inventivité. […] depuis la base jusqu’au sommet. Cette encyclique est un appel à une véritable révolution culturelle ».

Pour le Secours catholique-Caritas France, l’encyclique pose la question de la terre que nous voulons laisser à ceux qui nous succèdent. « Nous sommes non seulement prêts à répondre à cet appel, mais nous sommes déjà en marche, avec l’ensemble de nos partenaires. Caritas, pour construire un monde plus sobre, respectueux de la nature, plus juste politiquement, socialement, économiquement et donc attentifs à intégrer réellement les plus fragiles d’entre nous., a affirmé sa présidente Véronique Fayet. En revanche, le président de la Caritas au niveau international, le cardinal et archevêque de Manille, Louis Antonio Tagle, a également relayé l’invitation du pape à réfléchir sur la « réalité des enfants qui naissent, croissent et meurent dans les ordures, et qui ne connaissent rien d’autre que la décharge ».

L’encyclique a aussi été commentée par des responsables d’autres religions. Dans le Time, le patriarche œcuménique Bartholomeos Ier, surnommé « le patriarche vert » pour son engagement en faveur de l’environnement, a qualifié de « véritable bénédiction » le partage d’un « intérêt commun et d’une vision commune pour la création de Dieu ». Le secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale, le pasteur Martin Junge, s’est réjoui « de la perspective d’un approfondissement de la collaboration œcuménique sur cet enjeu vital qui nous concerne tous ».

Du côté des politiciens, on enregistre aussi des réactions positives. Dans un communiqué, le président de la République française, François Hollande considère que « l’encyclique du

pape François replace l’enjeu écologique dans une perspective humaniste et rappelle au monde la solidarité de destin qui est la sienne ». Il souhaite que la « voix particulière du pape François soit entendue sur tous les continents, au-delà des seuls croyants ». Dans un message posté sur Twitter, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a qualifié la publication du texte de « geste sans précédent », et « de contribution importante pour le succès de la COP21 ».

L’Organisation des Nations-Unies s’est fait entendre par la voix du directeur général de son programme pour l’environnement (PNUE), Achim Steiner, qui considère que l’encyclique « tire une sonnette d’alarme qui ne résonne pas seulement auprès des catholiques, mais aussi les autres habitants de la planète. La science et la religion s’entendent sur un point : ‘il faut agir maintenant’ ». Le président de l’Africa Progress Panel et ancien secrétaire général des Nations-Unies, Koffi Annan, a lui aussi félicité le pape « pour son grand leadership moral et éthique », avant de se tourner vers l’avenir. « Nous avons besoin encore plus d’un tel leadership inspiré. Le trouverons-nous au sommet de Paris sur le climat ? »

Grégoire Catta, de la Revue Projet,431constate que parfois l’encyclique Laudato Si’ est mieux reçue

dans le milieu non catholique qu’au sein de l’Église elle-même. Il en arrive même à affirmer que des personnalités militantes de l’écologie, pourtant ouvertement non-croyantes et critiques de l’Église, après s’être investis dans la lecture et l’étude de l’encyclique, lui réservent un accueil globalement positif. Par exemple, Serge Latouche fait partie de ceux qui se sont réjouies de Laudato Si’, mais en même temps, il lui reproche son manque de radicalité dans l’approche économique. De sa part, Corine Morel-Darleux souligne les convergences avec le Manifeste pour l’association du Parti de Gauche. Tandis que l’agnostique à tendance athée, Alain Lipietz, relève des justifications chrétiennes données par le pape pour une conversion écologique et y trouve des points d’appui pour sa propre quête spirituelle, articulant immanence et transcendance. En général, pour tous les trois, c’est sur la démographie ou l’avortement qu’ils se distancient des idées exprimées par le pape François dans Laudato Si’.

431Grégoire CATTA, « Fabien Revol, la réception de l’encyclique ‘Laudato Si’’ dans la militance écologiste. Cerf,

2017 » dans Revue Projet, n. 361, 2017, p. 92a-93, [en ligne], consulté le 23 mars 2018, URL : https://www.cairn.info/revue-projet-2017-6-page-92a.html

En Afrique, cette encyclique a généralement été bien accueillie, car, d’après Bernard Ugeux432 des

Pères Missionnaires d’Afrique vivant en République Démocratique du Congo depuis 1971, l’encyclique, en se faisant la voix des pauvres, est perçue comme un cadeau donné à l’Afrique subsaharienne. Selon l’auteur, cette partie du monde a longtemps été victime de l’exploitation éhontée et irresponsable des ressources naturelles et énergétiques. Ce pillage qui profite aux pays de l’hémisphère nord, creusant ainsi un fossé infranchissable entre eux et les pays de l’hémisphère sud, car, 20% des habitants de notre planète exploitent et souvent pillent 80% des ressources non renouvelables.

L’auteur déplore le fait que même les matières premières pillées sont exportées pour être transformées hors d’Afrique, privant ainsi la création d’emplois en Afrique. Ugeux se félicite du fait que le pape rappelle le lien étroit entre écologie naturelle et écologie sociale en sorte que tout ce qui touche à la terre touche à l’homme, et par conséquent, touche à Dieu. « Car qui blesse l’homme blesse Dieu, et qui blesse la terre et la prive de sa beauté et de son potentiel de vie blesse l’être humain. »

Au Ghana, le pays originaire du cardinal Peter Turkson qui a beaucoup travaillé dans la publication et la diffusion de Laudato Si’, l’accueil a été chaleureux. Répondant à la question du journaliste de Zenit.com, Turkson déclare que la première personne à manifester sa joie fut le président de la République qui en a même félicité le pape. Parce que la situation climatique au Ghana est très préoccupante : la menace de l’avancée du désert du Sahara suite à la situation géographique, et le déboisement (à la recherche du bois rose) et l’extraction de l’or dans ce pays.433

Les Africains ne se sont pas contentés de rester sur le plan théorique et admiratif du pape et son encyclique, mais plutôt, ils se sont engagés à poser des gestes concrets. Au niveau des Conférences épiscopales, tant locales que régionales. Par exemple, c’est sous son inspiration, le Symposium

432Nous paraphrasons les idées du père Bernard dans l’article suivant : Bernard UGEUX, « Laudato Si’, un cadeau pour l’Afrique », [en ligne] consulté le 12 avril 2018, URL : http://peresblancs.org/laudato_si.htm

433Anita BOURDIN, « De la Cop21 de Paris à la Cop22 de Marrakech, ‘l’impulsion’de Laudato si’, par le card. Turkson », [en ligne], le 17 novembre 2016, consulté le 13 avril 2018, URL :https://fr.zenit.org/articles/de-la-cop21-de-paris-a-la-cop22-de-marrakech- limpulsion-de-laudato-si-par-le-card-turkson/

des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM)434 a organisé un atelier

regroupant à peu près 350 personnes à Kinshasa le 8 et 9 octobre 2015. Le but était les consultations en vue de la protection du bassin du fleuve Congo menacé par la déforestation, l’extraction minière, des exportations de bois, et de la croissance de la population. Il a donc été créé un réseau de l’Église africaine sur la gestion de la forêt équatoriale. Aussi, ils se sont engagés à « créer un réseau de l’Église africaine regroupant en particulier les pays voisins de la forêt équatoriale, pour une gestion transparente et responsable de cet héritage commun qui est destiné à l’ensemble de l’humanité ».435

Aussi, les évêques de la Conférence épiscopale d’Angola et Sao Tomé (CEAST) ont créé une forêt « Laudato Si’ » sur la côte sud du pays dans l’Archidiocèse de Lubango. Cela répondait à l’appel du pape François pour protéger et sauvegarder l’environnement. Chacun de ces 20 prélats a planté 20 arbres de différentes espèces. Cela vise à la protection du Bassin du Congo, second poumon écologique du monde après l’Amazonie. Il regroupe l’Angola, le Burundi, le Cameroun, le Congo- Brazzaville, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, le Tchad, la République démocratique du Congo, le Rwanda et São Tomé et Principe. Sur les 250 millions d’hectares de forêts du bassin du Congo, l’Angola à lui seul en compte 60 millions, selon des statistiques officielles du ministère de l’Agriculture du pays. Dans son discours de circonstance, l’Archevêque, Mgr Gabriel Mbiling a tenu à rappeler le grand devoir de l’Église catholique, celui de rappeler à la société sa responsabilité du maintien de l’environnement, résultat de plus de mille milliards d’années d’évolution.436

434 Nous nous référons à l’article de Xavier de BENAZE, « Répondre aux besoins de protection et de gestion des forêts équatoriales d’Afrique à travers le Réseau Ecclésial du bassin du Congo », créé le 31 octobre 2015, consulté le 10 avril 2018, [en ligne], URL :http://www.ecojesuit.com/repondre-aux-besoins-de-protection-et-de-gestion-des- forets-equatoriales-dafrique-a-travers-le-reseau-ecclesial-du-bassin-du-congoa/9029/?lang=fr

435Bernard UGEUX, « Laudato Si’, un cadeau pour l’Afrique », [en ligne] créé …., consulté le 12 avril 2018, URL : http://peresblancs.org/laudato_si.htm

436Ibrahima CISSÉ, « Angola : Les évêques créent une forêt ‘Laudato Si’’, [en ligne], créé le 13 mars 2018, consulté le 12 avril 2018, URL : https://www.cath.ch/newsf/angola-les-eveques-de-la-conference-episcopale-creent-une-foret- laudato-si/