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1.24 LA GÉNÉTIQUE DU SYSTÈME ADRÉNERGIQUE EN INSUFFISANCE CARDIAQUE

1.24.1 RÉCEPTEUR BÊTA 1 ADRÉNERGIQUE

Les progrès au niveau du décryptage du génome humain ont démontré que le β1-ADR est polymorphique. Il y a au moins deux polymorphismes mononucléotides fonctionnels d'importance dans le gène de ce récepteur. À la position 49, correspondant à une zone amino- terminale extracellulaire, une sérine est remplacée par une glycine (Ser49Gly). La variante Gly49 démontre une activité basale et une activité effectrice post-stimulation plus élevée que la variante Ser49. Par contre, suite à une activation prolongée par un agoniste, la variante Gly49 est beaucoup plus désensibilisée et se caractérise par une régulation à la baisse du récepteur beaucoup plus prononcée [188]. À la position 389, correspondant au site carboxy-terminal intracellulaire, une arginine est substituée par une glycine (Arg389Gly). Alors que durant son état basal la variante Arg389 démontre une activité légèrement augmentée, lorsque stimulée par un agoniste, cette activité est jusqu'à quatre fois plus importante que celle de son homologue Gly389 [189]. Ce phénomène serait dû à un meilleur couplage du type Arg389 à sa machinerie interne.

93 Malgré ces états fonctionnels différents, il ne semble pas y avoir d'association, ni avec les allèles à la position 49 [190, 191], ni avec celles à la position 389 [191-193], concernant la prédisposition à l'IC. Par contre, Small et al. [194] ont rapporté une observation particulièrement intéressante lorsqu'ils ont combiné le génotype Arg389Gly au polymorphisme de délétion de l'α2CADR. Évalué seul, l'allèle Arg389 n'augmentait pas le risque de prédisposition à l'IC. C'est

seulement en combinaison avec cette délétion au niveau de l' α2CADR que l'impact de l'allèle

Arg389 fut dévoilé et que ce risque devint très significatif. L'explication pour cette manifestation sera revue plus en détail dans la section 1.24.3.

Malgré tout, il existe plusieurs études évaluant l'effet de ces polymorphismes sur l'évolution de l'IC, ainsi qu'avec certains états cliniques qui y sont rattachés. Concernant la progression de l'IC, Börjesson et al. [190] ont conclu que le risque de mortalité ou de transplantation cardiaque était grandement augmenté en présence de l'allèle Ser49. De plus, cette divergence dans la progression semblait encore plus prononcée chez les utilisateurs des β- bloqueurs, suggérant que ceux-ci seraient plus efficaces chez les porteurs de l'allèle Gly49. Par ailleurs, la courbe de survie des porteurs de l'allèle Gly49 qui n'étaient pas traités avec des β- bloqueurs était presque identique à celle des Ser49 traités par des β-bloqueurs (figure 12). Ce type d'étude permet donc d'apprécier la notion de variance interindividuelle dans la réponse au traitement bêta-bloquant dans l'IC et de soutenir l'idée que les polymorphismes génétiques peuvent être des facteurs modulant cette variance.

94 Figure 12: Survie des patients en insuffisance cardiaque selon l'usage d'un bêta-bloqueur et le génotype Ser49Gly.

Différences entre les courbes ont été évaluées avec le test de log-rank. Pour les patients sans bêta-bloqueurs, pas de différence statistique entre les homozygotes pour Ser49 (n=63) et les porteurs de l'allèle Gly49 (n=28) (p=0.12, OR 1.79, IC95% 0.86-3.75). Pour les patients utilisant des bêta-bloqueurs, une différence statistiquement significative entre les homozygotes pour Ser49 (n=59) et les porteurs de l'allèle Gly49 (n=33) (p=0.16, OR 3.08, IC95% 1.17- 8.10). (Adapté de [190])

Similairement, Magnusson et al. [195] ont souligné récemment une association du codon 49 avec le taux de survie à long-terme des patients recevant des β-bloqueurs. Chez les patients recevant de faibles doses de β-bloqueurs, la mortalité à 5 ans était significativement plus faible chez les porteurs de l'allèle Gly49. Par contre, lorsque la dose du β-bloqueur était élevée, cette divergence n'était plus présente. Il semble donc que les homozygotes pour les Ser49 bénéficient plus d'un traitement β-bloquant intensif et que les porteurs du Gly49 retirent des avantages similaires peu importe la dose. En effet, malgré des fréquences cardiaques similaires, les patients

95 homozygotes pour le génotype Ser49 nécessitaient des doses plus importantes que les porteurs du Gly49 [195]. Des propos similaires ont été divulgués par le groupe de Forleo et al. [196] qui, dans leur évaluation de patients avec une cardiomyopathie dilatée idiopathique, ont soutenu que les porteurs de l'allèle Gly49 avaient un risque moindre d'aggravation de leur état clinique. Cette étude n'a cependant pas relevé d'associations entre la progression de la maladie et le polymorphisme à la position 389 et le groupe de Börjesson et al. n'a même pas compilé ce génotype. Du côté du groupe de Magnusson et al. [195], le codon 389 était associé avec la survie à long-terme, avantageant les homozygotes pour le Arg389, et ce seulement chez ceux traités avec une faible dose d'un β-bloqueur.

Le deux rapports les plus connus en relation avec le codon 389 du β1-ADR et l'IC sont probablement les analyses rétrospectives des essais MERIT-HF et BEST. Dans le premier cas, les auteurs n'ont pas rapporté d'association entre ce polymorphisme et l'issue principale de cette étude, soit la mortalité de toute cause ou une hospitalisation [197]. Effectivement, les auteurs déclarent que les fréquences alléliques et génotypiques étaient similaires entre ceux ayant subit un événement clinique de ceux ne l'ayant pas subit. Cependant, il n'est pas clair si le sous-groupe des participants qui ont accepté de participer à cette analyse génétique a été apparié pour le traitement actif de l'étude-mère, soit un β-bloqueur. De plus, à postériori, les sujets qui ont subit un événement clinique étaient atteints d'une IC significativement plus avancée, tel que attesté par leur pire classification de la NYHA et leur FEVG plus basse. Il semble donc y avoir trop de facteurs confondants pour qu'une conclusion claire soit émise face à l'absence d'une implication du polymorphisme Arg389Gly dans cette étude. Concernant la sous-étude génétique de l'étude BEST, alors qu'un traitement au bucindolol n'a pas procuré d'avantages au niveau de la mortalité globale dans l'étude principale, lorsque les sujets étaient génotypés pour le codon 389, seuls les

96 individus homozygotes pour l'allèle Arg ont retiré des bénéfices de survie et de morbidité [198]. Spécifiquement, le groupe de patients Arg389Arg traités avec le bucindolol a eu des réductions de mortalité et d'hospitalisations lorsque comparé au groupe placebo. À l'inverse, les porteurs de l'allèle Gly ont eu des résultats similaires au groupe placebo.

Certaines autres données supportent l'idée que le polymorphisme à la position 389 du β1- ADR induit des réponses différentielles en IC. Wagoner et al. [199] ont trouvé que le pic de consommation d'oxygène pendant l'exercice était significativement plus élevé chez les ICs homozygotes pour la variante Arg389. Comme le pic de consommation d'oxygène prédit la survie des patients en IC [200], apparait comme un paramètre clé dans l'évaluation de la sévérité d'IC et constitue un facteur décisionnel lorsque vient le temps de considérer une transplantation cardiaque [201], cette information n'est donc pas négligeable. De plus, les homozygotes pour l'allèle Arg389 semblent aussi bénéficier d'une meilleure réponse à un traitement aux β- bloqueurs. En effet, Mialet Perez et al. ont noté une amélioration significative de la FEVG chez ceux-ci suite à une utilisation à long-terme de carvédilol [202]. Terra et al. [203] ont rapporté des résultats semblables chez des patients en IC chez qui un β-bloqueur n'a pas encore été essayé. Suite à un recrutement prospectif, ils ont conclu que les homozygotes Arg389 dérivaient des bénéfices plus grands en termes d'amélioration de la FEVG et de la réduction de certains paramètres échographiques. Cependant, quelques groupes de chercheurs ont rapporté des améliorations de la FEVG indépendantes du génotype 389 du β1-ADR suite à un traitement chronique aux β-bloqueurs [197, 204].

Ces données soulèvent la possibilité que même si les patients porteurs de l'allèle Gly389 affichent des réponses à l'exercice moindres, ils bénéficient alors d'un avantage au niveau de la

97 survie suite à une sorte de protection contre la poussée adrénergique néfaste du système sympathique [36]. D'ailleurs, cette hypothèse englobe bien la supposition d'une meilleure réponse thérapeutique β-bloquante des homozygotes pour l'allèle Arg389. Logiquement, bloquer un récepteur sur-réactif, comme celui supposément doté de l'allèle Arg389, devrait être associé à plus de bénéfices que bloquer un récepteur déjà semi-actif. Cet état moins fonctionnel, concédé au récepteur doté de la variante Gly389, expliquerait alors son association avec la réduction de l'apparition des tachycardies ventriculaires ce qui, à son tour, amplifierait l'idée que cet allèle procure un avantage de survie suite à une certaine diminution du risque de mort subite [193].