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1.15 TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE

1.15.2 BÊTA-BLOQUEURS

Après son évaluation chez plus de 20 000 patients participant dans plus de 20 études cliniques, la thérapie avec β-bloqueurs représente aujourd'hui une avancée majeure dans la prise en charge des patients en IC avec un FEVG déprimée. Par conséquent, les β-bloqueurs se sont taillé une place dans la prise en charge pharmacologique d'IC comme étant un traitement indispensable et obligatoire chez tout patient en IC symptomatique ou non avec une FEVG déprimée, à moins de contre-indications majeures.

Trois β-bloqueurs sont présentement approuvés pour le traitement de l'IC, soit: le métoprolol succinate à libération soutenue, le bisoprolol et le carvédilol (tableau 4). Alors que les deux premiers bloquent compétitivement et sélectivement le β1-ADR, le carvédilol bloque le β1- ADR, le β2-ADR et l'α1-ADR.

Causant un effet inotrope négatif, les β-bloqueurs ont jadis été contre-indiqués en IC en raison des craintes qu'un tel traitement provoquerait une décompensation cardiaque et empirerait l'état clinique du patient. La première étude à démontrer le contraire fût l'étude MDC [89], utilisant le métoprolol à libération régulière chez des patients en IC symptomatique suite à une cardiomyopathie dilatée idiopathique. Même si la tendance vers une diminution de mortalité ou une transplantation cardiaque n'a que faiblement atteint le seuil de significativité, l'avantage

54 majeur de ce traitement émanait d'une augmentation de la FEVG, d'une augmentation de la tolérance à l'exercice et de la réalisation qu'un tel type de thérapie était bien toléré en IC. Subséquemment, la formulation de métoprolol fût revue et améliorée en métoprolol succinate CR/XL, permettant un dosage uni-quotidien. Tout doute vis-à-vis l'efficacité des β-bloqueurs en IC est tombé suite à la réalisation de l'étude MERIT-HF [90]. Cette dernière utilisa cette nouvelle formulation de métoprolol et démontra un avantage flagrant au niveau de la réduction de la mortalité, et ce, tant chez des sujets plus âgés que des sujets plus jeunes, en IC de cause ischémique ou non, et indépendamment du niveau initial de la FEVG.

Un autre β-bloqueur utilisé dans le traitement de l'IC est le bisoprolol. L'approbation de son utilisation dans cette maladie provient des résultats de l'étude CIBIS-II [91], une étude examinant son effet chez des sujets en IC symptomatique. Semblablement aux résultats de l'étude MERIT-HF, le bisoprolol diminua d'une façon très claire tous les points cliniques évalués, parmi les plus importants étant la mortalité et les hospitalisations de toute cause.

Des trois β-bloqueurs indiqués en IC, le carvédilol fût le plus évalué dans des essais cliniques. D'abord, le "US carvedilol heart failure program" [92], composé de quatre études cliniques, a dû être interrompu précocement lorsqu'un effet très avantageux en faveur du carvédilol sur la survie devint évident. En effet, le risque de décès et le risque d'hospitalisation cardiovasculaire ont été grandement réduits avec ce médicament. Les résultats de l'étude COPERNICUS [93] ont élargis les bienfaits du carvédilol aux patients avec IC plus avancée. Dans cette étude, regroupant des patients avec des FEVGs très basses et en classe IV selon la NYHA, les avantages cliniques apparurent après 4 mois de traitement seulement, obligeant ainsi le comité de sûreté à y mettre un terme précocement. Le carvédilol était aussi évalué chez des

55 patients avec une dysfonction ventriculaire gauche post-IM lors de l'étude CAPRICORN [94] où il démontra son efficacité en termes de diminution de la mortalité et des IMs subséquents. Finalement, l'étude COMET [95] fût la première à opposer deux β-bloqueurs l'un contre l'autre, soit le carvédilol versus le métoprolol. Puisque dans cette étude le carvédilol procura un avantage significatif en matière de mortalité de toute cause, le métoprolol tartrate à libération rapide ne devrait désormais plus être utilisé en IC.

D'autre part, les résultats de l'étude BEST [96] peuvent nous laisser perplexes. Cette étude évaluait le bucindolol, un β-bloqueur non-sélectif au niveau des récepteurs β avec une activité antagoniste au niveau du α1-ADR; une pharmacologie ressemblant beaucoup à celle du carvédilol. Alors que le bucindolol fût inefficace pour diminuer la mortalité dans la population étudiée dans son ensemble, seulement des sujets de race blanche ont pu tirer profit de cette thérapie. Effectivement, au niveau de la population de race noire, qui représentait un quart des sujets participants, la tendance pointait vers une augmentation de mortalité. Comme nous le verrons un peu plus loin, cette réponse différente entre les ethnies serait due au bagage génétique différentiel entre les différentes races.

Ainsi, suite aux résultats de plusieurs de ces études, tout patient atteint d'IC et présentant une FEVG égale ou inférieure à 40% devrait recevoir un traitement avec un β-bloqueur qui a démontré son efficacité dans une étude clinique (tableau 4). Cette classe thérapeutique dérive son efficacité du blocage des effets néfastes d'une activation soutenue du système adrénergique, ce qui semble renverser le processus du remodelage ventriculaire, améliorer la symptomatologie des patients, prévenir les hospitalisations, diminuer la mortalité et prolonger la survie. De plus, ces effets favorables étaient observés chez des individus dont la plupart prenaient des IECAs, ce qui

56 suggère qu'un blocage combiné de ces deux systèmes neurohormonaux pourrait produire des bienfaits additifs. Par contre, même si ces études étaient composées de plusieurs types de patients, incluant des femmes et des personnes âgées, ainsi que des patients avec des causes et sévérités de dysfonction ventriculaire variées, les patients avec une fonction systolique préservée, des fréquences cardiaques basses ( 65 bpm), des pressions systoliques faibles ( 85 mmHg) et les patients récemment hospitalisés pour décompensation n'étaient pas inclus dans ces études, ou du moins ne représentaient qu'une faible proportion.

Comme c'est le cas pour les IECAs, cette thérapie nécessite une dose initiale faible qui sera progressivement augmentée afin d'atteindre la dose cible. Certaines conditions comme une hypotension symptomatique, une bradycardie symptomatique, une maladie réactive des voies respiratoires sévère ou un bloc atrioventriculaire significatif pourraient retarder ou même empêcher l'utilisation de cette classe médicamenteuse chez un patient. Évidemment, toute autre thérapie, à l'exception d'un IECA, qui par son action pharmacologique empêche l'introduction ou l'augmentation de la dose d'un β-bloqueur devrait être réévaluée, et de préférence cessée.