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1.10 SYSTÈME CONTRE-RÉGULATEUR

1.10.5 EFFETS À LONG TERME: REMODELAGE VENTRICULAIRE

La surexploitation et stimulation incessante des systèmes compensatoires pour rétablir la diminution progressive du débit cardiaque ne peut cependant maintenir un statu quo hémodynamique à long terme. Ceci se produit puisque ces systèmes forcent le cœur à travailler

23 encore plus fort en dépit de sa dégénérescence. On fait souvent référence à cet état en le comparant au fouettage excessif d'un cheval déjà fatigué; si rien ne change, le cheval va finir par tomber et mourir. Ainsi, pour se protéger d'un tel scénario, le cœur se transforme et change. Ceci est communément appelé le remodelage.

24 Figure 4: Schéma illustrant la progression vers le remodelage cardiaque.

La nature de surcharge hémodynamique dicte le motif du remodelage cardiaque. Lorsque la surcharge est principalement due à une augmentation de pression (ex. hypertension systémique, sténose aortique), l'élévation de la tension murale en systole mène à une addition de sarcomères en parallèle et à un élargissement des myocytes, ce qui résulte en une hypertrophie cardiaque concentrique. Lorsque la surcharge est principalement due à une augmentation de volume (ex. régurgitation valvulaire), l'accroissement de la tension murale en diastole induit une addition de sarcomères en série et un allongement des myocytes, ce qui résulte en une dilatation ventriculaire et une hypertrophie excentrique. (Adapté de [43])

25 Deux types de remodelage sont couramment reconnus en IC, soit une hypertrophie concentrique ou excentrique (dilatée) (figure 4). Le premier type survient surtout dans les cas de surcharge de pression, tel que l'hypertension artérielle. Afin de répondre aux demandes accrues des efforts qui lui sont exigés, un épaississement mural du ventricule gauche se produit et le cœur grossit. À l'opposé, le deuxième type survient dans les cas de surcharge volumique, comme dans le cas d'une régurgitation valvulaire. Dans ce contexte, le volume sanguin excessif cause une surcharge en diastole et force le cœur vers une dilatation ventriculaire. Quoique morphologiquement différents, les étapes initiales de ces types de remodelage se ressemblent et sont caractérisées par une hypertrophie des myocytes. Au fur et à mesure que l'hypertrophie progresse, les cellules perdent progressivement leur organisation structurelle interne (figure 5). Comme résultante, les structures contractiles des myocytes deviennent perturbées et le système en entier devient encore plus inapte à pomper le sang.

Il est reconnu que les myocytes sont des cellules ayant atteint la différenciation terminale. Par conséquent, il est généralement supposé que le remodelage cardiaque consiste principalement dans la croissance des myocytes individuels. Toutefois, il a été récemment suggéré que la prolifération des myocytes (hyperplasie), possiblement via un processus de division non- mitotique, peut également être présent dans les cœurs en IC [44, 45]. Par contre, il convient aussi de noter que l'IC est également associée à une perte générale de myocytes, entre autres via un processus d'apoptose. Pour cette raison, la prolifération des myocytes est difficile à mesurer et de savoir si le phénomène d'hyperplasie se produit véritablement en IC est présentement hautement controversée.

26 Figure 5: Organisation cellulaire du muscle cardiaque en fonction de la progression de l'hypertrophie cardiaque.

(A) Phase précoce d'hypertrophie cardiaque est caractérisée par une augmentation de sarcomères. Les myocytes sont plus larges, mais l'intégrité de l'organisation cellulaire est préservée. (B) À un état plus avancé d'hypertrophie, l'augmentation préférentielle dans la taille et le nombre de certaines organelles (mitochondries), de même qu'un ajout irrégulier de sarcomères dans les myocytes, présagent des anomalies subtiles dans l'organisation cellulaire. (C) L'hypertrophie de long terme démontre des signes nettement plus évidents d'une perturbation de l'organisation cellulaire, tel qu'un nucleus incontestablement élargi avec des membranes lobulées. Ces changements corrompent la structure des myofilaments adjacents. (D) L'état terminal d'hypertrophie cardiaque est caractérisé par une nette perte d'éléments contractiles, une sévère perturbation de l'arrangement parallèle normal des sarcomères, d'une déposition de tissus fibreux et d'une sinuosité généralisée.(Adapté de [46])

27 Accompagnant le remodelage et les diverses altérations du myocarde survient aussi une perte progressive de myocytes. Cette dernière, qu'elle soit le résultat d'une nécrose, d'une apoptose ou de nature autophagique, contribue à la dysfonction cardiaque et au remodelage.

Le remodelage cardiaque ne se limite pas qu'aux myocytes, car la matrice extracellulaire subit aussi d'importants changements. Comme la matrice extracellulaire myocardique participe à l'intégrité des myocytes, ces changements ont des répercussions structurelles et fonctionnelles cardiaques. La perte progressive des myocytes crée un espace vide qui nécessite une forme de remplissage, donnant lieu à une cicatrisation. Cette dernière engendre une raideur myocardique et entrave la contraction. De plus, ce nouveau réseau de tissu cicatriciel devient un substrat structurel pour des arythmies cardiaques et la mort subite.

Conséquemment, l'inclusion des fibroblastes cardiaques dans la discussion sur le processus du remodelage cardiaque nécessite une mention particulière. Cette lignée cellulaire, constituant 60 à 70% de toutes les cellules d'un cœur humain, est une source clé de plusieurs composants de la matrice extracellulaire cardiaque [47]. Dans un cœur normal, les fibroblastes cardiaques sont principalement reconnus comme régulateurs du métabolisme de cette matrice, vaillant ainsi au maintient de la structure trois-dimensionnelle du myocarde. Dans cet aspect, ces cellules produisent des facteurs de croissance, des cytokines et des métalloprotéinases matricielles qui maintiennent un équilibre entre la synthèse et la dégradation des composants de cette matrice [48]. Afin de conserver l'homéostasie de la matrice extracellulaire cardiaque, les processus constructifs et destructifs du métabolisme de cette matrice sont donc perpétuels [49].

28 Suite à une offense cardiaque, les fibroblastes cardiaques répondent d'une multitude de façons, incluant: par la transformation en un phénotype myofibroblastique, par la prolifération, la migration, la sécrétion de cytokines et des facteurs de croissance et en altérant le renouvellement de la matrice extracellulaire cardiaque via des changements dans la synthèse, la dégradation et la nouvelle déposition des protéines matricielles [48, 50-52]. De plus, les fibroblastes myocardiques activés sont stimulés par des hormones, des facteurs de croissance et des cytokines proinflammatoires spécifiques, la présence desquels est augmentée dans le cœur lors du remodelage [53]. En réponse à ces stimuli, les myofibroblastes deviennent fortement prolifératifs et invasifs, et participent activement au remodelage par la sécrétion des métalloprotéinases matricielles qui dégradent la matrice extracellulaire et augmentent la déposition d'un nouveau collagène [54].