• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II LES RÉBELLIONS DE 1837-1838 : UN MOUVEMENT COMMUN

2.4 La Rébellion de 1838

Dans l'ensemble, la rébellion de 1838 reçoit très peu d'attention dans les ouvrages analysés. Narrating a Nation est de loin le manuel qui s'y arrête le plus longuement alors que Messamore y consacre environ deux pages et demi. Toutefois, l'épisode est traité de manière complètement détachée des insurrections de 1837. L’auteure évoque notamment la déclaration d'indépendance de Robert Nelson et le basculement révolutionnaire que les patriotes entreprennent en 1838. Suivant le récit, ils avaient désormais complètement dérogé de la voie réformiste empruntée avant 1837 pour embrasser « a wide variety of dangerous and radical schemes », affichant de violentes tendances anticapitalistes, anticléricales et antisémites. Plus de la moitié du passage dédié à la rébellion de 1838 porte sur l'aspect militaire ; l'auteure peint alors un portrait romancé des guerriers iroquois ayant rejoint les forces britanniques et se permet quelques envolées lyriques : « The merest chance of confronting Native warriors sometimes caused rebel forces to simply melt away. While they served with British troops, Iroquois warriors remained distinct by decorating themselves with red and black war paint and dressing in Native combat gear. The sounds of Iroquois war whoops mingled with the bagpipes of the Highland regiments produced a terrifying cacophony. »75

En ce qui a trait aux autres ouvrages, très peu de détails sont fournis pour informer le lecteur du nouveau programme radical des rebelles de 1838. HCP et CH ne font aucune mention des mesures révolutionnaires et indépendantistes mises en avant ; on évoque plutôt l'abolition du régime seigneurial. Origins et PC se chargent d'en faire une couverture purement événementielle. Bumsted va même jusqu'à confondre les frères Nelson, où il attribue à Wolfred le rôle joué par Robert.

78

2.5 Conclusion

Les conclusions présentées dans les différents chapitres s'avèrent un objet plutôt intéressant. HCP, CH et NN terminent leur récit en soulignant l’arrivée de la démocratie parlementaire dans les années 1840 ; Bumsted affirme que la suppression des Rébellions marque le triomphe des propriétaires terriens sur les « tenants », au Bas-Canada comme à l’Île-du-Prince-Édouard. Origins déroge cependant à la tendance. À travers son traitement isolé de l'événement, ses auteurs associent l’écrasement des soulèvements de 1837-1838 à une défaite du Canada français. En effet, les auteurs du manuel soutiennent que « the rebellions brought Lower Canada to its knees76». Ils évoquent ensuite l’union forcée des Canadas visant à briser « the power of French Canada » et devant ultimement mener à l’assimilation, thème fort du récit d’Origins pour la période du régime britannique77. Au

final, c'est principalement par la reprise de thème historiographique issue d'une interprétation nationaliste de l'histoire du Québec qu'Origins vient se démarquer des autres manuels.

Dans une autre mesure, nous pouvons aussi noter l’influence des travaux d’Allan Greer sur les cinq récits des Rébellions présentés dans les manuels. D’une part, on retrouve des références aux publications de Greer dans tous les textes ; d’autre part, il semble qu’une partie des critiques qu’il avait posées dans un article de 1998 à l’égard du traitement des Rébellions dans les manuels ne pourrait s’appliquer aujourd’hui à la somme des ouvrages que nous venons d’analyser. En effet, Greer observait que seuls les auteurs de manuels scolaires s'efforçaient de couvrir les Rébellions dans les deux Canadas. Cependant, le plus souvent, les auteurs francophones allaient simplement ignorer le Haut-Canada ; dans le cas des auteurs anglophones, même s’ils tentaient d’en offrir une vision pancanadienne, les résultats étaient pour la plupart décousus. Ils avaient tendance à traiter des rébellions dans des chapitres différents, présentant souvent l'insurrection du Haut-Canada en premier lieu

76 Origins, p. 304.

77 « The colony lost its own government and was to be joined to Upper Canada in a union that the majority of

the French Canadians did not want. Moreover, the avowed purpose of this union, as expressed by Durham, by British parliamentarians, and by English merchants, was to break the power of French Canada and eventually to assimilate it. But like the proponents of the Constitutional Act a half-century earlier, the advocates of union proved to be poor prophets. » Ibid.

79 alors que l’ordre chronologique et logique des événements était tout le contraire78. Greer

pourrait se réjouir de constater que, dans les manuels anglophones les plus récents, quatre ouvrages sur cinq vont traiter des Rébellions dans les deux Canadas à l’intérieur d’un même chapitre et vont aussi souligner la collaboration entre les réformistes radicaux du Bas et du Haut-Canada.

Greer reprochait par ailleurs aux manuels anglophones d’accorder environ le même espace aux rébellions des deux Canadas alors que celles du Bas-Canada avaient été beaucoup plus répandues et significatives. On ne peut dire si la tendance a vraiment été corrigée, puisque Greer ne précise pas qu’elle serait selon lui la proportion idéale. Il reste que, dans les manuels analysés, trois des cinq ouvrages consacrent un espace modérément plus important à la Rébellion du Bas-Canada. Étant donné que la plupart des ouvrages traitent des deux insurrections canadiennes dans un même chapitre et souvent de manière entrelacée, il devient difficile de distinguer avec précision ce qui relève d’un Canada ou d’un autre. Nous avons donc seulement comparé les sections où les auteurs se concentrent spécifiquement sur une des deux colonies.

En somme, nous pouvons constater qu'au sein des manuels anglophones, la question nationale du bas-canada se trouve marginalisée au profit d’une lutte pancanadienne pour l'instauration du gouvernement responsable, lutte qui s'inscrit avant tout dans le cadre des bouleversements idéologiques et politiques balayant alors l'Occident et l'Amérique du Nord britannique.

81

CHAPITRE III