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CHAPITRE III L'ACTE D'UNION

3.2 Les mesures répressives de l'Acte d'Union

Au Québec, on retient surtout de l’Union qu’elle fut encline à mettre fin à l’existence de la nationalité canadienne-française. Elle n’accordait en effet aucune place officielle au français. Elle fusionnait le budget des deux provinces, forçant ainsi les contribuables du Bas-Canada à éponger l’énorme dette publique du Haut-Canada. Elle adoptait une représentation parlementaire à l’avantage du Haut-Canada. Enfin, et par-dessus tout, elle déniait aux Canadiens français leur patrie distinctive, les confinant pour la première fois au statut de minorité dans leur propre pays16.

3.2.1 Division des sièges

Il s'avère intéressant de noter que, selon l’interprétation formulée par Conrad et Finkel dans HCP, la distribution des sièges s’inscrit comme une mesure visant d’abord à ne pas désavantager le Haut-Canada, moins peuplé, que de pénaliser les francophones du Bas- Canada17. Une légère altération s'est installée dans la version du récit qu'on trouve dans CH, où l’on avance plutôt que la mesure venait conférer plus de poids aux électeurs du Canada- Ouest, mais aussi qu'elle garantissait le statut minoritaire des francophones à l'Assemblée. Pour Bumsted, l’Acte d’Union fit en sorte que l'élément anglophone était surreprésenté. Ce que nous devons retenir, cependant, est que « the arrangement that had initially benefited Canada West quickly came to disadvantage it, producing a deadlock that would not be

14 Canada: A History, op. cit., p. 180. 15 Narrating a Nation, op. cit., p. 330. 16 Arthur Silver et al, op.cit., p. 48-49.

17 « Although assembly seats were divided equally between the two Canadas so that Upper Canada would not

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resolved until Confederation in 1867. The Grits perceived that French Canadians stood in the way of the successful adoption of their platform. »18 Les auteurs d'Origins vont dans la

même direction, ne s'arrêtant sur la mesure que pour soulever le fait qu'elle provoqua une impasse politique ayant débouché sur la Confédération19.

Par contre, c'est sous la désignation d'injustice que Barbara Messamore relate la représentation égale dans Narrating a Nation : « Equal representation was hardly fair representation. […] The allocation of an equal number of seats in the single legislative assembly for Canada East (as Lower Canada would now be known) and Canada West (formerly Upper Canada) was plainly an injustice to the more populous French-dominated eastern half20». Toutefois, ajoute-t-elle, cette mesure allait dresser la table pour une longue tradition fédéraliste au Canada. Ainsi donc, plutôt que d'y voir une impasse politique, Messamore y associe les premières esquisses du fédéralisme canadien.

3.2.2 L'anglais comme seule langue officielle

Pour la moitié des ouvrages étudiés, la proscription du français n'occupe que très peu d'importance dans le développement du récit. Bien que HCP et CH signalent l'intention de Lord Durham de faire de l'anglais la seule langue officielle d'un Canada-Uni, les auteurs ne reviennent pas sur le sujet ailleurs dans le texte, pas plus qu'ils ne rappellent la lutte menée par les réformistes canadiens-français pour retirer le ban pesant sur leur langue. Pour les auteurs de The Peoples of Canada, cette loi restrictive s'avère totalement absente du texte.

L'unilinguisme apparaît cependant comme une mesure que l'on qualifie d’« offensive »21 dans le cas de Narrating a Nation, ou bien d’« objectionable » dans le cas d’Origins. Pour les auteurs de ce dernier ouvrage, l'aspect répréhensible de la législation linguistique se trouve amplifié alors qu'elle est intégrée à un passage qui tend à conférer un visage

18 The Peoples of Canada, op. cit., p. 354. 19 Origins, op. cit., p. 367.

20 Narrating a Nation, op. cit., p. 331-332.

21 En se penchant sur l'avènement du gouvernement responsable, Knowles, dans Narrating a Nation, souligne

que le discours d'inauguration d'Elgin se fit en français autant qu'en anglais, mais surtout, que le gouverneur annonça que la Couronne « had repealed that offensive provision of the Act of Union that had declared English to be the official language of Canada's legislature. » Narrating a Nation, op. cit., p. 371.

89 oppressif à l'Acte d'Union, dont les intentions sont dévoilées à travers des termes comme « punish », « subjugation », « eventual demise » et « severe blow »22. Enfin, dans un cas

comme dans l'autre, nous sommes informés que la lutte pour la langue avait été au cœur de l'agenda politique des réformistes francophones23.

3.2.3 Partage de la dette du Haut-Canada

Pour les auteurs de HCP, CH et PC, il semble que le transfert de la dette du Haut-Canada au trésor commun du Canada-Uni ne se pose pas comme un élément significatif puisqu'ils n'ont pas pris la peine de l'inclure à leur récit. En ce qui touche Narrating a Nation, Messamore poursuit dans sa propension à montrer l'Acte d'Union comme étant initialement désavantageux pour le Bas-Canada, particulièrement pour les francophones. Elle écrit que « unhappily for Lower Canada, all existing provincial debt was also to be pooled. The upper colony's more aggressive public works program for canals and other infrastructure had left it with a debt exceeding $5 million. By contrast, Lower Canada had accumulated a surplus. »24 Dans Origins, le récit présente le partage de la dette publique comme une mesure visant d'abord à favoriser le développement économique du Canada-Ouest25 ; le

22 « The Colonial Office in London originally intended to use union of the Canadas to punish the French and

assure their subjugation, if not their eventual demise, as a distinct ethnic-religious group. Certainly, the conditions of union constituted a severe blow for Lower Canada in general and for French Canadians in particular. English became the sole official language of parliamentary documents ». Origins, op. cit., p. 367.

23« La Fontaine had for years made the language issue a central plank in Canada East's reform platform, and

had insisted on speaking French in the legislature over the jeers and protests of some English-speaking members. » Ibid., p. 371.

« Hincks assured the former patriote that, in return for cooperation in working toward responsible government, his followers would assist French-Canadian efforts to rid the union of objectionable features, such as official English unilingualism. » Ibid., p. 369.

24 Narrating a Nation, op. cit., p. 332.

25 « The Act of Union also created "one consolidated revenue fund," making Upper Canada's heavy debt the

responsibility of the Province of Canada as a whole. Upper Canada could no longer finance costly transportation facilities, such as roads and canals, by itself. It had already borrowed heavily in London, but union with the virtually debt-free Lower Canada would strengthen its position. Union would bring in higher revenues because the united colony could raise tariffs, a measure that Lower Canada, where most goods from Europe entered, could no longer block. The Act also recognized that the two Canadas formed a common economic bloc. Montreal's English merchants had been striving for such a union since the early 1820s. »

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récit l’évoquera aussi à titre d'argumentaire employé par les politiciens francophones lors de débats houleux à l'Assemblée26.